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La récente affaire entre la Métropole Lilloise et la société Transdev illustre à quel point le secret des affaires peut parfois être compromis dans la sphère publique. En l’occurrence, l’acheteur public avait communiqué (certes par erreur) les informations commerciales d’un candidat à un autre.

L’attribution de subventions, l’ouverture de plateformes d’open-data ou encore le développement de solutions innovantes public / privé (type partenariat d’innovation) sont encore des exemples où la préservation du secret des affaires doit faire l’objet d’une vigilance particulière.

La loi du 30 juillet 2018 définit pour la première fois cette notion de secret des affaires.

Jusque-là, celui-ci faisait déjà l’objet d’une protection à travers différentes législations (propriété intellectuelle, droit de la responsabilité civile, loi sur l’accès aux documents administratifs…).

Sans débattre de l’apport de cette définition, qui était en tout état de cause nécessaire pour transposer la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016, il ressort de la loi du 30 juillet que le secret des affaires fait désormais l’objet d’une protection renforcée devant le juge administratif.

 

Quelles sont les informations couvertes par le secret des affaires ?

La définition du secret des affaires

Le secret des affaires est défini par l’article L. 151-1 du Code de commerce qui vise « toute information répondant aux critères suivants :

« 1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

« 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

« 3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ».

Le secret des affaires n’est toutefois pas opposable dans cinq cas, rappelé ci-dessous :

 

 

 

L’aménagement de la procédure devant le juge administratif pour protéger le secret des affaires

La prééminence traditionnelle du principe du contradictoire

Jusqu’à la loi du 30 juillet 2018, le juge administratif faisait primer le principe du contradictoire. Ainsi, lorsqu’une information était communiquée au juge qui souhaitait se fonder sur cette pièce, celle-ci était communiquée à chacune des parties – quand bien même elle était couverte pas le secret.

Cette solution n’était pas satisfaisante, elle pouvait aboutir à ce que la partie détentrice d’une information couverte par le secret soit dans l’obligation de faire la balance entre :

  • Communiquer l’information et gagner le procès ; Ou
  • S’abstenir et perdre le procès.

Les nouveaux aménagements possibles

Le législateur est venu permettre au juge d’aménager la procédure pour protéger le secret des affaires.

Lors de l’instance, le juge peut désormais, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, prendre toute sorte de mesures afin de protéger la confidentialité d’une information qu’il estime relever du secret des affaires. Il peut ainsi limiter la communication de l’information, à certains de ces éléments, à un nombre restreint de personnes, ou décider de communiquer un résumé de celle-ci. Il peut aussi décider que l’audience aura lieu à huis clos et d’adapter la motivation de la décision et les modalités de sa publication.

La loi du 30 juillet 2018 va donc plus loin que le décret n°2018-251 du 6 avril 2018 qui permet simplement au juge de prendre connaissance des pièces soustraites au contradictoire, et d’inviter la partie concernée à les verser au contradictoire.

 

Une nouveauté : l’action en prévention, cessation ou réparation d’une atteinte au secret des affaires

 

S’il est encore difficile de savoir comment les opérateurs économiques se saisiront d’une telle action, il ne fait pas de doute que le jeu de plus en plus concurrentiel et l’essor des nouvelles technologies dans la sphère publique créeront de plus en plus de situations dans lesquelles ils devront faire respecter le secret des affaires.

 

 

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Article rédigé par Agnès Boudin, avocat associé et Paul Leroy, stagiaire (Master II Droit Immobilier à Paris I)

 

Nos distinctions

Le décret n°2018-617 du 17 juillet 2018, un premier pas avant la loi ELAN

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Condition suspensive non levée, impossibilité d’obtenir son financement… : le recours contre un permis de construire signe souvent le coup d’arrêt du projet immobilier.

Jugée trop longue, la procédure est véritablement subie par les opérateurs et les Communes, alors même que les annulations de permis sont – finalement – de plus en plus rares.

Ainsi afin de « construire plus, mieux et moins cher », le projet de la loi ELAN ambitionne d’« améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme ».

Parallèlement, reprenant des propositions du rapport Maugüé du 11 janvier 2018, un décret du 17 juillet 2018 vient d’ores-et-déjà introduire plusieurs nouveautés procédurales (décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme (partie réglementaire)

Et les choses passent enfin à la vitesse supérieure !

Délai maximum de jugement de 10 mois, cristallisation automatique des moyens soulevés devant le juge, limitation du référé suspension… – voici autant de mesures pour accélérer (enfin) le contentieux.

 

Une victoire : un délai maximum de jugement fixé à 10 mois !

Grande victoire pour les constructeurs, le décret du 17 juillet 2018 vient créer un article R.600-6 du Code de l’urbanisme prévoyant que : « Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement.

La cour administrative d’appel statue dans le même délai sur les jugements rendus sur les requêtes mentionnées au premier alinéa ».

10 mois de procédure maximum viendront donc se substituer à une moyenne de jugement de 23 mois en première instance.

Ce nouveau délai ne concernera que les bâtiments comportant plus de deux logements ou les permis d’aménager un lotissement.

Il s’agit donc de projets d’une certaine ampleur destinés au logement – lesquels cristallisent beaucoup de contentieux.

Il est à noter que la rédaction du décret est même plus avantageuse qu’attendu. En effet, le rapport Maugüé prévoyait de limiter le bénéfice de cette mesure aux logements collectifs situés en zone tendue.

 

Les dispositions complémentaires du décret du 17 juillet 2018 pour accélérer les délais de jugement

Une cristallisation automatique des moyens pendant l’instance

La cristallisation des moyens est une technique contentieuse prévue par l’article R.611-7-1 du Code de justice administrative qui permet au juge de prendre une ordonnance empêchant les parties d’invoquer de nouveaux moyens à compter d’une date qu’il fixe.

Le but d’une telle mesure est d’éviter que le requérant n’égrène ses moyens petit à petit pour faire durer artificiellement la procédure

Jusqu’ici, les pratiques des tribunaux étaient assez hétérogènes dans la fixation de dates de cristallisation.

Le décret du 17 juillet 2018 crée des dispositions dérogatoires pour régir la cristallisation des moyens en urbanisme. Désormais, un article R.600-5 du Code de l’urbanisme prévoit que « les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense ».

Le président du tribunal pourra toutefois, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie.

Le décret devrait donc permettre de fluidifier le contentieux en obligeant le requérant à abattre ses cartes plus rapidement.

Le maintien de la suppression de l’appel en zone tendue jusqu’au 31 décembre 2022

Créée pour faciliter la construction de logements dans les zones en carence, la dispense d’appel sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement est prolongée jusqu’au 31 décembre 2022, alors qu’elle devait prendre fin au 1er décembre 2018.

 

Recevabilité des recours : des ajustements bienvenus qui restent à compléter avec la loi ELAN

Une harmonisation dans la définition de l’intérêt à agir

L’intérêt à agir est une condition de recevabilité de la requête. Pour agir, il faut démontrer que l’un de ces droits est suffisamment lésé.

Défini légalement en 2013, l’encadrement de l’intérêt à agir était alors vu comme le moyen d’écarter des requêtes intempestives. La définition élaborée ne concernait cependant que les permis de construire, d’aménager et de démolir, à l’exclusion des décisions portant sur des déclarations préalables – et ce, sans aucune raison.

Le décret du 17 juillet 2018 étend la définition légale de l’intérêt à agir à ces dernières. En effet, l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme s’applique désormais à toute « décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code ».

Sur ce point, le décret devance le projet de loi ELAN qui comporte déjà des dispositions similaires pour la partie législative du Code. Par ailleurs, la loi ELAN devrait préciser le contenu de la définition de l’intérêt à agir en remplaçant les « travaux » par le « projet autorisé » afin d’exclure une caractérisation de l’intérêt à agir en fonction des nuisances générées par les seuls travaux de réalisation de la construction autorisée.

Enfin, le décret du 17 juillet 2018 vient préciser les justificatifs que devront produire – à peine d’irrecevabilité – les requérants pour justifier de leur intérêt à agir (article R.600-4) (comme par exemple un titre de propriété ou encore une promesse de vente).

Une limitation dans le temps du dépôt du référé suspension

Le projet de loi ELAN fixe une limitation dans le temps de la possibilité d’introduire un référé suspension à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme.

Le référé serait ainsi impossible après l’expiration du délai de cristallisation des moyens.

La présomption d’urgence serait toutefois présumée satisfaite. En pratique cela revient donc à supprimer la condition d’urgence posée par l’article L.521-1 du Code de justice administrative. Comment, en effet, prouver que l’on ne va pas réaliser les travaux de construction avant que le juge ne statue au fond ?

Si cette présomption semble en premier lieu favorable au demandeur, elle l’est en réalité aussi pour le porteur de projet.

Dès lors que le juge sera obligé de statuer directement sur le doute sérieux quant à la légalité du permis, un rejet du référé conduira nécessairement le requérant à s’interroger sur le maintien de son recours au fond.

Et d’ailleurs, le décret du 17 juillet 2018 modifie le Code de justice administrative pour prévoir que le requérant qui voit son référé suspension rejeté pour absence de doute sérieux devra confirmer le maintien de sa requête au fond (article R.612-5-2).

Réciproquement, pour le titulaire de l’autorisation d’urbanisme, une suspension sera le signe des éléments à régulariser dans le permis avant la décision au fond.

L’impossibilité de demander l’annulation d’une autorisation d’urbanisme passé un délai de 6 mois à compter de l’achèvement de la construction

Le décret du 17 juillet 2018 ramène le délai au-delà duquel il n’est plus possible de demander l’annulation d’une autorisation d’urbanisme afférente à une construction d’un an à 6 mois à compter de son achèvement (R.600-3 du Code de l’urbanisme).

 

A quelle date les dispositions du décret du 17 juillet 2018 entrent-elles en vigueur ?

Le tableau ci-dessous récapitule l’entrée en vigueur de chacune des dispositions du décret (y compris de celles n’ayant pas donné lieu à un commentaire spécifique dans le cadre du présent article).

Il conviendra de faire preuve d’une vigilance particulière car le point de référence pour déterminer le caractère applicable des dispositions diffère suivant les articles visés.

 

 

Les autres points de réforme du contentieux de l’urbanisme attendus dans la loi ELAN

Une extension des possibilités de régularisation des permis en cours d’instance qui accroit le rôle du juge

La régularisation de l’autorisation d’urbanisme est un moyen efficace de vider le contentieux de sa substance.

Les articles L.600-5 et L.600-5-1 du Code de l’urbanisme offrent déjà de larges possibilités en la matière, que ce soit par le biais d’une annulation partielle avec régularisation postérieure ou par le biais d’un sursis à statuer dans l’attente de la régularisation.

Le projet de loi ELAN étend les pouvoirs du juge en la matière puisque celui-ci devra examiner de lui-même la possibilité d’une régularisation, alors qu’il doit aujourd’hui être saisi de conclusions en ce sens.

De plus, le projet de loi prévoit que le juge devra motiver un refus d’annulation partielle ou de refus de sursis à statuer.

Une telle réforme va dans le bon sens pour préserver les autorisations d’urbanisme mais va encore accroitre la charge de travail des juridictions qui vont être amenées à faire le travail des défendeurs.

Quoi qu’il en soit, ces derniers ne doivent pas uniquement se reposer sur le juge qui n’examinera la question de la régularisation que comme une « bouée de sauvetage » en fin de procédure. Pour éviter de perdre un temps précieux, un audit objectif du permis de construire doit être réalisé en début de contentieux afin de procéder aux régularisations qui seraient nécessaires au plus vite.

Un recours abusif défini plus souplement, mais d’un maniement toujours délicat

La réglementation des recours abusifs de l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme s’est avérée particulièrement inefficace, n’aboutissant qu’à trois condamnations pécuniaires depuis 2013.

Le projet de loi ELAN prévoit, sur le principe, d’assouplir les conditions d’un tel recours. Les conditions du recours ne devront plus excéder la défense des intérêts légitimes du requérant, mais traduire un comportement abusif de sa part.

Par ailleurs, le projet de loi propose d’indemniser tout le préjudice, comme c’est le cas en droit commun de la responsabilité civile, et plus uniquement le préjudice excessif comme c’est aujourd’hui le cas.

Si les travaux préparatoires montrent clairement l’intention des auteurs du projet de loi, l’efficacité de la rédaction proposée laisse – à ce stade – quelque peu perplexe quant à la répression des recours abusifs.

Un encadrement des transactions

Depuis 2013, les transactions mettant fin à un contentieux doivent être enregistrées auprès des services fiscaux.

Le projet de la loi ELAN étend cette obligation d’enregistrement aux transactions conclues en amont du recours contentieux.

Par ailleurs, il prévoit d’interdire les transactions financières pour les associations. Cette interdiction doit permettre de juguler les pratiques de certaines associations « fictives » constituées par des particuliers malveillants pour contourner les règles de l’intérêt à agir. Le projet adopté à l’Assemblée prévoit à ce jour une exception pour le remboursement des frais engagés pour la défense de l’association au sens de l’article L.761-1 du Code de justice administrative. Voici clairement une porte qui permettra de réintroduire des contreparties financières sous la forme de remboursement des frais de représentation.

Et quoi qu’il en soit, le droit aura toujours des difficultés à appréhender les accords négociés sans écrits entre les constructeurs et les contestataires de leur projet.

 

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Article rédigé par Me Agnès Boudin Avocat associé

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La loi pour la modernisation de la justice du XXIème siècle du 18 novembre 2016 a introduit une véritable révolution en créant un régime de la médiation dans le Code de justice administrative.

Les articles L.213-1 et suivants distinguent ainsi trois types de médiation :

 

Le décret n°2018-101 du 16 février 2018 vient préciser les contours de la médiation préalable obligatoire.

Petit tour d’horizon des principales mesures créées concernant les agents publics et les prestations sociales.

 

Champ d’application de la médiation préalable obligatoire concernant les agents publics

Le décret du 16 février 2018 définit le champ d’application de la médiation préalable obligatoire par rapport à des catégories de décisions et des catégories d’agents publics civils.

Les décisions concernées sont les suivantes :

 

Trois catégories d’agents publics civils sont concernées par l’expérimentation et chacun d’eux devra s’adresser à un médiateur différent :

Champ d’application de la médiation préalable obligatoire concernant les prestations sociales

Le décret du 16 février 2018 impose la médiation préalable obligatoire pour cinq types de décisions, quels que soient leurs bénéficiaires :

 

Régime juridique de la médiation préalable obligatoire

Le régime juridique de la médiation préalable obligatoire est défini par référence :

Certains points de ce régime juridique sont assez similaires à celui du recours administratif préalable obligatoire :

  • La médiation préalable obligatoire doit être engagée dans le délai de recours contentieux ;
  • L’administration doit informer l’intéressé de la nécessité de saisir le médiateur et lui indiquer ses coordonnées, sous peine d’inopposabilité du délai de recours contentieux. La saisine du médiateur interrompt le délai de recours dans les conditions de l’article 213-6 du CJA. ;
  • Le médiateur est saisi par une lettre de l’intéressé, accompagnée d’une copie de la décision contestée ou de la demande ayant fait naître la décision implicite.

D’autres éléments sont en revanche plus novateurs :

  • Ainsi, l’article 5 du décret du 16 février 2018 prévoit que « les parties peuvent s’entendre sur la suspension des effets de la décision litigieuse dans l’attente de l’issue de la médiation ». Les effets d’un acte administratif peuvent donc se trouver suspendus par convention entre l’administration et l’administré !
  • Si un tribunal administratif est saisi d’une requête contre une décision entrant dans le champ de la médiation préalable obligatoire et qu’une telle médiation n’a pas eu lieu, il doit rejeter la requête comme manifestement irrecevable et la transmettre au médiateur compétent. L’article 6 du décret prévoit même que la « date à retenir pour apprécier si la médiation préalable obligatoire est engagée dans le délai de recours contentieux est celle de l’enregistrement de la requête présentée devant le tribunal administratif ». Une porte de secours bienvenue est donc ouverte aux requérants malencontreux.

Le décret du 16 février 2018 s’appliquera aux recours contentieux présentés jusqu’au 18 novembre 2020 à l’encontre des décisions intervenues à compter du 1er avril 2018.

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Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour

 

 

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Le Conseil d’Etat a publié son rapport annuel 2016 dans lequel il détaille son activité contentieuse et consultative des douze derniers mois.

En matière contentieuse, cette année encore les délais moyens de jugements tant en référé qu’au fond varient en fonction des juridictions :

 

 

Ces délais de jugement sont toutefois des délais moyens. Le délai de jugement de chaque dossier dépend de sa complexité, du nombre de parties, de l’éventuelle demande d’expertise, de l’encombrement de la juridiction etc.

Le nombre d’affaires enregistrées devant les juridictions administratives est en hausse. Ce sont principalement les contentieux des étrangers, de fiscalité et d’urbanisme qui sont en augmentation par rapport à l’an dernier.

article rédigé par Zoé de Montbrial, stagiaire, supervisée par Sophie Lapisardi, avocat associée 

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Si la domanialité publique n’est évidemment pas le centre de la loi Sapin 2, il n’en demeure pas moins que la loi n°2016-1691 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique du 9 décembre 2016 initie des changements importants en la matière (Cf. articles 34 et 35).

Tout d’abord, la loi Sapin 2 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures introduisant une mise en concurrence à deux stades :

 

 

La loi du 9 décembre 2016 met donc fin à l’un des grands débats qui occupaient les juristes sur la mise en concurrence des autorisations domaniales (voir notamment les décisions suivantes: CE, 3 décembre 2010,Stade Jean Bouin, n°0338272 et CJUE, 14 juillet 2016, aff C-458/14 et C-67/15).

 

Ensuite, la Loi Sapin 2 cherche à faciliter les opérations immobilières en étendant les possibilités de déclassement par anticipation des dépendances domaniales.

Afin de pouvoir être cédé un bien doit préalablement être déclassé du domaine public (article L.2141-1 du CG3P). Ce déclassement est l’acte juridique constatant que le bien n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public.

En d’autres termes, il doit y avoir désaffectation, puis déclassement et enfin cession :

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L’article 35 de la loi Sapin 2 étend aux collectivités territoriales le dispositif du déclassement anticipé, qui n’existait que pour l’Etat et qui permet de déclasser un bien – donc de le céder – avant sa désaffectation.

 

Le déclassement anticipé permet, en principe, d’accélérer les procédures de cession. Cependant, l’extension aux collectivités territoriales s’accompagne de certaines règles spécifiques (Cf. schéma ci-dessus) qui pourraient concrètement en amoindrir l’intérêt. Restera donc à voir la rédaction de l’ordonnance sur ce point.

 

 Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour.

 

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L’objectif croissant de transparence de la vie publique conduit à accorder une importance particulière à la diffusion des données publiques. Longtemps circonscrit à l’Etat et quelques collectivités, l’open data tend aujourd’hui à se généraliser à toutes les collectivités. C’est l’objectif que se fixe la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et le décret d’application n°2016-1922 du 28 décembre 2016 qui consacrent l’obligation de publication en ligne des documents administratifs.

 

Le principe : l’obligation de mise en ligne des documents administratifs

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique rend obligatoire à l’Etat, aux collectivités territoriales ainsi qu’aux autres personnes de droit public ou aux personnes de droit privé en charge d’une mission de service public, la publication en ligne de certains documents :

  • Les documents qui font l’objet d’un droit d’accès aux documents administratifs (ex : les documents considérés comme communicables à l’issue d’une procédure devant la CADA) ;

  • Les documents qui figurent dans le Répertoire des Informations Publiques (RIP). Il s’agit d’un recueil de documents classés par thème contenant des informations publiques. Par exemple, dans le cadre de ce RIP, au thème marchés publics, figurent le vadémécum des marchés publics de 2015 et le guide sur l’achat public innovant ;

  • Les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs ;

  • Les données dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental ;

  • Les algorithmes qui fondent les décisions individuelles doivent également être publiés. C’est le cas, par exemple, des algorithmes qui déterminent le calcul de l’impôt.

 

Toutefois, deux exceptions existent :

1. Les documents qui ne peuvent pas être communiqués

Ne sont pas publiés les documents administratifs qui actuellement ne peuvent pas être communiqués, c’est-à-dire :

♦ Ceux qui, pour des raisons tenant notamment à la sûreté de l’Etat, à la politique extérieure, à la défense nationale ou encore au fait qu’ils contiennent des secrets protégés par la loi, ne sont pas communicables (L311-5 CRPA) ;

♦ Ceux qui seraient susceptibles de porter atteinte à la vie privée, au secret médical mais également au secret des affaires (à savoir « le secret en matière commerciale et industrielle, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles») et qui ne sont communicables qu’à l’intéressé.(L311-6 CRPA).

Il convient tout de même de préciser que certains documents ne pourront être diffusés que sous réserve d’anonymisation ou d’occultation de certaines mentions.

 

2. Certaines administrations ne sont pas concernées

Par ailleurs, la loi précitée prévoit deux exceptions à cette obligation de diffusion en ligne des documents administratifs.

  • Pour les collectivités territoriales de moins de 3.500 habitants
  • Pour les personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à 50 (seuil fixé par le décret du 28 décembre 2016).

Une obligation de mise en ligne différée dans le temps

Néanmoins, cette publication en ligne des documents administratifs n’est pas immédiate. En effet, l’article 8 de la loi précitée, prévoit un calendrier pour la mise en œuvre de cette obligation :

Article rédigé par Alexandre Delavay, Avocat à la Cour et Anne Villalard, stagiaire en Master II Pro Droit public des affaires (Paris I)

Le Conseil d’Etat ajoute une condition quant au délai de recours pour contester une décision administrative individuelle : alors que le code de justice administrative prévoit qu’aucun délai ne court pour attaquer les décisions notifiées sans mention des voies et délais de recours (article R.421-5 du CJA), le Conseil d’Etat enferme le recours contre ces décisions dans un délai « raisonnable » d’un an maximum (CE, 13 juillet 2016, N°387763).

Les faits étaient les suivants : le requérant contestait un arrêté lui concédant une pension de retraite auquel il reprochait l’absence de prise en compte de certains éléments de calcul et ce, 22 ans après sa notification. Il justifiait la recevabilité de son recours par le fait que la notification de cette décision ne contenait aucune indication sur la juridiction compétente pour connaître du recours contentieux.

En application des règles fixées par le code de justice administrative, son recours était effectivement recevable.

En effet, l’article R.421-5 du code de justice administrative précise que « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».

Toutefois, le Conseil d’Etat rejette le recours en ajoutant une nouvelle condition : une décision, bien que notifiée sans mention des voies et délais de recours, ne peut en tout état de cause, pas faire l’objet d’un recours juridictionnel « au-delà d’un délai raisonnable », délai qu’il fixe à un an maximum à compter :

– soit de la notification de la décision ;

– soit de la date à laquelle le requérant en a eu connaissance à défaut d’une telle notification.

Seule exception : ce délai raisonnable n’est toutefois pas opposable au requérant qui se prévaudrait de « circonstances particulières », sans qu’elles soient détaillées.

Cette nouvelle règle qui est justifiée par « la nécessité de ne pas mettre en péril la stabilité des relations juridiques et la bonne administration de la justice », est toutefois source d’une grande insécurité juridique pour les praticiens car elle est rétroactive. Aussi, de nombreux recours à ce jour non définitivement jugés, seront déclarés irrecevables pour ce motif.

Restent deux incertitudes sur la portée de cette règle :

– la combinaison de cette règle avec les recours administratifs (le Conseil d’Etat semble exclure l’application du délai raisonnable dans cette hypothèse) ;

– son application éventuelle aux décisions implicites pour lesquelles un accusé de réception n’a pas été notifié ou n’est pas complet quant aux voies et délais de recours (cf article 112-6 du code des relations entre le public et l’administration). Bien que l’arrêt vise les « décisions expresses », le raisonnement tenu par le Conseil d’Etat pourrait être transposé aux décisions implicites.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Laure Bouscayrol, stagiaire, M2 professionnel Construction, urbanisme et contrat à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Le bilan d’activité des juridictions administratives pour l’année 2015 est paru. Ce document analyse l’activité contentieuse des juridictions de premier ressort, d’appel et du Conseil d’Etat.

On y apprend que le délai moyen de jugement toutes juridictions et procédures (fond et référé) confondues est d’un peu plus de neuf mois.

  • les tribunaux administratifs se prononcent dans un délai moyen de 10 mois et 9 jours ;

  • les cours administratives d’appel statuent dans un délai moyen de 10 mois et 25 jours ;

  • le Conseil d’Etat évoque, quant à lui, un délai moyen de jugement de 6 mois et 23 jours.

Ces délais de jugement sont toutefois des délais moyens. Le délai de jugement de chaque dossier dépend de sa complexité, du nombre de parties, de l’éventuelle demande d’expertise, de l’encombrement de la juridiction etc.

Ainsi, certains dossiers, notamment dans les contentieux de masse comme celui du droit des étrangers ou le contentieux fiscal, sont traités rapidement par les juridictions.

A l’inverse, en droit de la construction, par exemple, les délais d’instruction peuvent avoisiner les 3/4 ans devant certaines juridictions…

Article rédigé par Alexandre Delavay, juriste.

E-administration

L’ordonnance n°2016-307 du 17 mars 2016, intègre dans le Code des relations entre le public et l’administration les dispositions de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 relatives à la réutilisation des informations publiques.

Pour mémoire, la partie législative de ce Code est issue de l‘ordonnance n°2015-1341 du 23 octobre 2015. Cette ordonnance avait déjà codifié une grande partie de la loi du 17 juillet 1978, à l’exception des articles 10 à 19 et 25 portant sur la réutilisation des informations du secteur public, qui ne pouvaient être codifiées avant la transposition en droit français de la directive 2013/37/UE du 26 juin 2013.

L’ordonnance du 17 mars 2016 achève donc cette codification. Les dispositions législatives sont complétées par le décret n°2016-308 du 17 mars 2016 relatif à la réutilisation des informations publiques et modifiant le code des relations entre le public et l’administration (dispositions réglementaires).

Ce décret met notamment en oeuvre l’article 5 de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. Depuis la loi du 28 décembre 2015, le principe est désormais celui de la gratuité de la réutilisation des informations publiques, des redevances pouvant être établies de manière exceptionnelle. Le décret du 17 mars 2016 désigne le conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative en tant qu’autorité compétente pour donner un avis sur les projets de décrets fixant les modalités d’établissement de ces redevances, la liste des catégories d’administrations qui sont autorisées, en raison de la nature de leur activité et des conditions de leur financement, à établir des redevances ainsi que la liste d’informations publiques contenues dans des documents produits ou reçus par l’Etat ou les établissements publics de l’Etat à caractère administratif.

Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour.