La gestion de la rareté de l’eau et l’objectif de bon état écologique des cours d’eau sont, du moins sur le principe, des sujets de consensus.

Mais plus concrètement, comment faire ?

Deux outils intéressants soutiennent la politique de l’eau en France :

  • Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ;
  • Le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE).

Ces schémas viennent impacter de nombreux documents de planification et décisions administratives.

 

Le SDAGE et le SAGE, qu’est-ce que c’est ?

Le SDAGE : un document de planification à l’échelle du bassin versant.

Les bassins versants sont des portions de territoire dans lesquelles toutes les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, de fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une seule embouchure. Ils sont au nombre de 12, dont 6 en métropole.

Vous pouvez consulter la carte de ces bassins sur le site https://www.eaufrance.fr/vers-le-bon-etat-des-milieux-aquatiques.

Pour chacune de ces portions de territoire, un comité de bassin élabore un SDAGE.

C’est un document de planification qui détermine des grands axes, des objectifs et des actions à mener au cours des 6 prochaines années pour aller vers le « bon état des eaux » – objectif assigné par l’Union européenne.

Le SAGE : un document de planification locale.

Toute la France n’est pas couverte par un SAGE. Il est élaboré uniquement lorsque cela est nécessaire pour atteindre les objectifs du SDAGE et du bon état des eaux au regard des enjeux locaux.

Il est composé :

  • D’un plan d’aménagement et de gestion des eaux (PAGD), qui fixe ses objectifs et les grandes orientations;
  • Et d’un règlement, qui comporte des règles précises (art.212-5-1 du Code de l’environnement).

Il doit par ailleurs être compatible avec le SDAGE.

Quels documents de planification et décisions administratives doivent respecter le SDAGE et le SAGE et à quel degré ?

Le SDAGE et le SAGE ne sont pas opposables à tous les documents de planification et à toutes les décisions administratives.

Ils sont opposables aux seuls documents de planification et décisions administratives pour lesquelles la loi prévoit une obligation de compatibilité, c’est-à-dire une obligation de ne pas contrarier les objectifs du SDAGE ou du SAGE.

Pour les décisions IOTA, le législateur a prévu une obligation renforcée de conformité avec le SAGE. C’est-à-dire que ces décisions doivent respecter les précisions précises fixées par ce règlement.

 IOTA : une obligation de conformité et des obligations de compatibilité. 

Les IOTA sont les installations, travaux, ouvrages ou activités touchant le domaine d’eau. Listés dans le code de l’environnement, ils doivent faire l’objet d’une autorisation ou d’une déclaration.

 Compte tenu de leur objet même qui touche directement le milieu aquatique, les autorisations ou décisions prises sur une déclaration IOTA doivent :

  • Être compatibles avec le SDAGE ;
  • Être compatibles avec le PAGD du SAGE ;
  • MAIS être conformes au règlement du SAGE et à ces documents graphiques (art. L212-5-2 du code de l’environnement ; CE, 25 septembre 2019, n°418658).

L’appréciation de ces liens de conformité et de compatibilité est exposée ci-après.

Documents de planification et décisions prises dans le domaine de l’eau : une obligation de compatibilité dans certains cas.

Il existe de nombreux documents de planification.

Nous vous avons dressé une liste des principaux documents soumis à une obligation de compatibilité avec le SDAGE et le SAGE.

Et les autorisations d’urbanisme ?

Les SDAGE et SAGE ne sont pas opposables aux permis de construire (CAA Nancy, 22 janvier 2015, n°14NC00890). Cependant, cela ne signifie pas qu’ils n’ont aucun impact sur les autorisations d’urbanisme.

  • D’une part, le PLU, soumis à une obligation de compatibilité, peut reprendre des éléments du SDAGE. Ils seront alors directement opposables aux autorisations d’urbanisme.
  • D’autre part, ce document est certes un document juridique, mais c’est aussi un document scientifique objectif. Il peut constituer une donnée, pour le juge, pour apprécier si un projet porte atteinte à la sécurité des personnes, et éventuellement l’annuler sur le fondement de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme (CAA Nancy, 24 juin 2004, n°00NC01540).

Comment apprécier la conformité ou la compatibilité au SDAGE ou au SAGE ?

L’appréciation d’un lien de conformité est assez simple pour le juriste. Il signifie que l’acte examiné doit respecter à la lettre les dispositions du document de référence.

La notion de compatibilité est plus complexe.

Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion, dans son arrêt du 21 novembre 2018, n° 408175, de préciser comment apprécier cette compatibilité.

Il ne faut pas rechercher si la décision est conforme à un objectif précis, mais faire une analyse globale.

Compte tenu des décisions rendues en matière de SDAGE et d’après notre expérience, la compatibilité d’un projet par rapport au SDAGE ou au SAGE, peut s’apprécier au regard des critères suivants :

  • Les objectifs impactés.

Le projet risque de converger vers une incompatibilité :

    • S’ils sont nombreux.
    • S’ils sont importants. C’est le cas si un objectif se retrouve dans plusieurs objectifs précis (voir, en ce sens, CAA Lyon, 21 mai 2019, n°18LY04149).
  • Le degré de méconnaissance des objectifs (voir, en ce sens, CAA Lyon, 21 mai 2019, n°18LY04149).

Ce degré s’apprécie par rapport à tout le territoire couvert par le SDAGE.

Par exemple, si le SDAGE protège les zones humides et que votre projet détruit ces zones dans une proportion importante par rapport au territoire couvert par le SDAGE, il y a un fort risque d’incompatibilité.

  • L’intérêt général. Ce critère devrait être pris en compte à la marge et pourrait influer pour des situations intermédiaires (voir, par analogie, avec CE, 18 décembre 2017, n°3952).

La jurisprudence aura probablement l’occasion de préciser ces différents points.

 

Agnès Boudin, Avocat associé et Anne Migault, Avocat à la Cour

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La loi n°2018-148 relative à la démocratie environnementale a été publiée au Journal officiel du 3 mars 2018.

Cette loi ratifie deux ordonnances adoptées en 2016 :

Petit rappel des principales mesures modifiant les règles de la démocratie environnementale.

 

Evaluation environnementale : moins d’études d’impact, mais une évaluation qui se veut qualitative

Pour mémoire, ainsi que nous l’avons déjà évoqué dans un précédent article, l’évaluation environnementale désigne le processus qui doit permettre d’estimer l’incidence d’un projet ou programme sur l’environnement ( article L.122.1 du Code de l’environnement). L’étude d’impact est la première et principale étape de ce processus. Elle servira de base aux différentes consultations prévues par le Code de l’environnement (en fonction de chaque projet ou programme) avant l’examen par l’autorité environnementale.

L’ordonnance n°2016-1058, aujourd’hui ratifiée, permet de mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union s’agissant de la liste des plans et programmes soumis à évaluation.

Seuls les projets considérés comme ayant le plus d’incidences sur l’environnement sont désormais soumis à une évaluation.

Parallèlement, l’évaluation environnementale au cas par cas est renforcée. Cette évaluation au cas par cas doit permettre :

  • D’éviter de soumettre à évaluation des projets n’ayant pas d’incidence réelle sur l’environnement ;
  • D’éviter que des projets ayant une incidence notable échappent à évaluation car ils ne figureraient pas sur la liste des évaluations systématiques.

Pour consulter la liste des projets concernés par l’examen au cas par cas et la procédure applicable, vous pouvez vous référer à un précédent article du 6 février 2017.

 

Participation du public : un droit d’initiative citoyenne

La principale innovation de l’ordonnance n°2016-1060 est de créer un droit d’initiative citoyenne permettant au public d’impulser une procédure de concertation.

Sont susceptibles d’être concernés :

Pour plus de détails sur les modalités de mise en œuvre de ce droit d’initiative citoyenne, nous vous invitons à consulter notre article du 12 janvier 2017.

 

*        *        *

 

Article rédigé par Me Agnès Boudin Avocat associé

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Le Conseil d’Etat a publié son rapport annuel 2016 dans lequel il détaille son activité contentieuse et consultative des douze derniers mois.

En matière contentieuse, cette année encore les délais moyens de jugements tant en référé qu’au fond varient en fonction des juridictions :

 

 

Ces délais de jugement sont toutefois des délais moyens. Le délai de jugement de chaque dossier dépend de sa complexité, du nombre de parties, de l’éventuelle demande d’expertise, de l’encombrement de la juridiction etc.

Le nombre d’affaires enregistrées devant les juridictions administratives est en hausse. Ce sont principalement les contentieux des étrangers, de fiscalité et d’urbanisme qui sont en augmentation par rapport à l’an dernier.

article rédigé par Zoé de Montbrial, stagiaire, supervisée par Sophie Lapisardi, avocat associée 

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Qu’est ce que l’évaluation environnementale ?

De manière générale, l’évaluation environnementale peut se définir comme le processus permettant d’estimer l’incidence d’un projet ou programme sur l’environnement (article L.122.1 du Code de l’environnement).

Comme expliqué dans notre article précédent, L’essentiel en visuels : l’évaluation environnementale, l’évaluation environnementale peut :

  • Ou encore être réalisée en application de la « clause filet » (jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne soumettant à évaluation environnementale tout projet ou programme ayant des incidences notables sur l’environnement, et ce indépendamment des critères de seuils fixés par les textes (Cf. notamment CJUE, 24 mars 2011, Commission contre Belgique, C-435/09)).

 

En quoi consiste l’évaluation au cas par cas et en quoi est-elle renforcée depuis le 1er janvier 2017 ?

La procédure de demande d’examen au cas par cas permet d’identifier les projets qui sont susceptibles d’avoir des impacts notables sur l’environnement et qui doivent, à ce titre, faire l’objet d’une étude d’impact (dans l’hypothèse, bien évidemment, où ils ne sont pas soumis à une évaluation systématique). L’évaluation environnementale au cas par cas est donc plus fine que l’évaluation systématique. Elle doit permettre, en principe, de contourner certains des effets pervers de l’évaluation systématique qui peut conduire :

  • A soumettre à évaluation environnementale des projets n’ayant pas d’incidence réelle sur l’environnement ;
  • A faire échapper à l’évaluation des projets ayant une incidence notable, mais ne figurant pas sur la liste des évaluations systématiques.

L’ordonnance n°2016-1058 et le décret n°2016-1110 renforcent l’examen au cas par cas à partir du 1er janvier 2017. Le tableau en annexe de l’article R.122-2 du Code de l’environnement a été modifié de sorte que le nombre de projets soumis à un examen au cas par cas a augmenté. A titre d’exemple, il ressort de ce tableau, que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à évaluation environnementale systématique sont limitativement énumérées alors que « les autres ICPE » soumises à autorisation et enregistrement feront l’objet d’un examen au cas par cas.

 

Quels sont les projets concernés par l’examen au cas par cas ?

Sont soumis à une évaluation environnementale au cas par cas :

  • Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagement figurant dans le tableau en annexe de l’article R.122-2 du Code de l’environnementD’après ce tableau, sont, par exemple, soumis à la procédure d’examen au cas par cas, certaines installations classées soumises à autorisation, la construction de certaines voies ferroviaires de plus de 500 mètres et de voies de services de plus de 1 000 mètres, ou encore la construction de voies navigables et d’installations portuaires.

 

Quelle est la procédure d’évaluation environnementale au cas par cas ?

Le maître d’ouvrage doit remplir un formulaire Cerfa de « demande d’examen au cas par cas ». Ce formulaire est transmis à l’Autorité environnementale, laquelle dispose d’un délai de 35 jours pour examiner la demande. Si elle estime que le projet présente des incidences notables sur l’environnement, une étude d’impact devra être réalisée.

 

 

 

 

Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour et Lauriane Tonani, Elève-avocat

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Qu’est ce que la concertation préalable ?

La concertation préalable est une procédure permettant de consulter les citoyens.

Une concertation peut être mise en œuvre en application du Code de l’urbanisme préalablement à une opération d’aménagement nécessitant la révision d’un document d’urbanisme (article L.103-2 du Code de l’urbanisme) ou en application du Code de l’environnement, pour permettre au public de participer aux prises de décisions dans le domaine de l’environnement (article 7 de la Charte de l’environnement). 

 

Quel est son objectif ?

 

Il ressort plus précisément de l’article L.120-1 du Code de l’environnement que l’objectif de cette participation du public est notamment de :

  • Favoriser la consultation du public en amont de la décision ;
  • Améliorer la qualité de la décision publique ;
  • Sensibiliser et éduquer le public.

 

Ce qui change en 2017

L’ordonnance n°2016-1060 du 3 août 2016, issue de la loi Macron, créé un droit d’initiative citoyenne pour certains projets.

Préalablement, précisons qu’en matière environnementale, la concertation peut concerner trois types de projets énumérés à l’article L.121-15-1 du Code de l’environnement :

 

 

L’ordonnance n°2016-1060 créé un droit d’initiative citoyenne pour les deux dernières catégories de projets, c’est-à-dire les projets assujettis à évaluation environnementale en application de l’article L.122-1 et L.122-4 du Code de l’environnement.

Concrètement, cela signifie qu’une procédure de concertation pourra être impulsée par le public et pas seulement une administration. Ce droit d’initiative citoyenne garde cependant un caractère subsidiaire, c’est-à-dire qu’il ne pourra être mis en œuvre qu’en cas de carence de porteur de projet ou le cas échéant de l’autorité compétente.

 

 

Dans quelles conditions ce droit d’initiative citoyenne sera mis en œuvre ?

 

Le droit d’initiative citoyenne sera mis en œuvre dans les conditions suivantes (article L.121-9 du Code de l’environnement).

 

 

 

 

Le droit d’initiative citoyenne permet donc de lancer une concertation dans un délai relativement court : le préfet a un mois pour se prononcer.

Cependant, le pouvoir reconnu au préfet de statuer en opportunité risque de réduire la portée de cette innovation, même si un refus pourrait s’avérer complexe sur le plan politique.

 

 

Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour et Lauriane Tonani, Elève-avocat

 

 

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Le point commun entre une usine chimique, un complexe immobilier et un plan local d’urbanisme ? La nécessité de procéder à une évaluation environnementale qui doit permettre d’apprécier l’incidence sur l’environnement d’un projet de travaux, d’ouvrages et d’aménagement, ainsi que des plans et programmes.

Récemment remise à plat par l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016 et son décret n°2016-1110 du 11 août 2016, l’évaluation environnementale est devenue une étape majeure des projets et programmes, publics comme privés.

  • En quoi consiste une évaluation environnementale ? Quelle est la différence avec une étude d’impact ?

L’évaluation environnementale désigne le processus qui doit permettre d’estimer l’incidence d’un projet ou programme sur l’environnement ( article L.122.1 du Code de l’environnement). L’étude d’impact est la première et principale étape de ce processus. Elle servira de base aux différentes consultations prévues par le Code de l’environnement (en fonction de chaque projet ou programme) avant l’examen par l’autorité environnementale :

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Une fois réalisée, l’étude d’impact deviendra, selon les cas, une pièce du dossier de permis de construire, du dossier de réalisation d’une ZAC ou encore d’une demande d’autorisation pour une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).

 

  • La réalisation d’une évalution environnementale est-elle toujours obligatoire ?  

L’évaluation environnementale n’est pas une étape systématique .

En principe, la réalisation d’une évaluation dépend de la nature du projet ou programme, ainsi que de conditions de seuils. Des tableaux figurant en annexe de l’article R.122-2 du Code de l’environnement et en annexe I et II de la directive n°2011/92/UE du 13 décembre 2011 (telle que modifiée par la directive 2014/52/UE)  permettent de savoir si le projet ou programme doit être sousmis à une évaluation.

Par ailleurs, il convient d’être vigilant par rapport à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne  qui soumet à évaluation environnementale tout projet ou programme ayant des incidences notables sur l’environnement, et ce indépendamment des critères de seuils fixés par les textes (Cf. notamment CJUE, 24 mars 2011, Commission contre Belgique, C-435/09).

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  • Quels sont les facteurs permettant d’apprécier l’incidence d’un projet ou programme sur l’environnement ? 

L’article L.122-1 du Code de l’environnement fixe cinq facteurs d’appréciation:

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L’étude d’impact devra anlayser l’état initial du périmètre concerné par rapport à ces facteurs, les incidences prévisibles du projet ou programme sur ces éléments, ainsi que, le cas échéant, les mesures compensatoires envisables pour remédier à ces incidences.

Il est fondamental que cette étude soit réalisée de manière complète et suffisament détaillée, sous peine d’entacher la légalité de procédures ou d’autorisations ultérieures.

 

Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour.