Ce livre est destiné à tous les professionnels qui veulent innover dans leur pratique du droit.

Le Legal Design a été pour chacun de nous une révélation et même une forme de délivrance : le droit peut être clair, impactant, engageant. Et nos interlocuteurs peuvent même avoir envie de nous lire !

Depuis plusieurs années, nous avons à cœur d’aider les professionnels du droit à mieux valoriser leur expertise et leur singularité. Nous sommes convaincus que le Legal Design, encore mal compris aujourd’hui, sera la norme demain.

Aussi, nous souhaitons, avec ce livre, diffuser nos astuces au plus grand nombre.

Ce livre est le mariage entre un manifeste, qui met en évidence des règles essentielles et un livre de cuisine qui ouvre l’appétit.

Nous vous invitons donc à découvrir ces 52 règles avec gourmandise ! Nous espérons que cette lecture vous incitera à révéler les vôtres, avec vos équipes ; qu’elle vous ouvrira de nouvelles perspectives, qu’elle fera émerger des idées d’outils et de services pour améliorer, voire réenchanter votre pratique du droit.

Pour commander ou recevoir un extrait de notre livre suivez ce lien 

 

« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».

 

Cette citation de Victor Hugo convient parfaitement aux mémoires en réclamation en matière de marchés publics ou de concessions. En effet, bon nombre de réclamations sont rejetées par les cocontractants publics, notamment les maîtres d’ouvrage, parce que mal présentées.  Pourtant quelques règles issues du Legal Design permettent d’optimiser l’efficacité de ses réclamations c’est-à-dire d’atteindre l’objectif de l’entreprise : négocier une juste rémunération complémentaire ou une indemnisation.

 

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A l’heure où les réclamations se multiplient en raison du contexte économique, voici quelques règles pour les rendre plus efficaces, règles tirées notamment du design, de la rédaction en langage clair et de la visualisation.

Bien entendu, la règle élémentaire est de rédiger des mémoires en réclamations recevables c’est-à-dire qui respectent le formalisme des CCAG et le cas échéant, du contrat. Mais une fois ces règles respectées, comment rendre sa réclamation plus impactante ?

 

1.Concevoir un seul document

Il est préférable de rédiger un document unique qui comporte l’ensemble des contestations ou différends à l’origine des demandes plutôt que de renvoyer à des courriers précédents (ou Demandes de Rémunération Complémentaires) reproduits en annexe.

 

2.Rédiger pour l’ensemble des utilisateurs

La rédaction d’un mémoire en réclamation est un exercice difficile parce que ce document va être analysé par de nombreuses personnes qui n’ont pas la même logique et qui n’y recherchent pas les mêmes informations. Prenons l’exemple d’une réclamation en matière de marché public de travaux : cette dernière sera analysée par le maître d’œuvre, par les services juridiques du maître d’ouvrage et le cas échéant son avocat, par les services techniques du maître d’ouvrage et par les décideurs, notamment des élus. En cas de désaccord entre les parties, ce sera au tour du magistrat d’en prendre connaissance. Ce même document va donc être utilisé par des techniciens, des financiers et des juristes. Toutes ces personnes recherchent la même chose. Elles veulent :

  • Trouver l’information recherchée le plus rapidement possible ;
  • La lire tout aussi rapidement ;
  • Et comprendre facilement l’information.

 

3.  Rédiger une synthèse autosuffisante

Cette synthèse est souvent présente mais peu compréhensible pour des personnes qui ne prendraient pas connaissance du détail de la réclamation. Or, les décideurs doivent pouvoir disposer d’une synthèse claire et efficace pour se faire une première idée de la réclamation.

 

4. Structurer selon la logique des utilisateurs

Les réclamations sont souvent présentées selon une structure qui n’est pas efficace pour les utilisateurs. Elles comportent souvent une première partie théorique qui rappelle les pièces contractuelles, les prévisions du contrat, pour ensuite détailler les difficultés rencontrées en cours de travaux, les fondements juridiques des demandes et la dernière partie traite du chiffrage.

Cette structure contraint les utilisateurs à naviguer dans le mémoire en réclamation pour recouper les informations. De plus, les sommes demandées sont présentées par grands postes de préjudices (main d’œuvre) et ne sont pas ventilées par chef de contestation. Or, les maîtres d’ouvrage, leurs conseils et le cas échéant, le juge, ont besoin de rattacher chaque fait générateur à un montant.

Une structure efficace décrit pour chaque chef de contestation (ex : remise tardive des emprises) :
– un fait générateur : une remise tardive des emprises (le contrat vs le déroulement du chantier) ;
– un préjudice et donc un chiffrage des conséquences de ce fait générateur ;
– un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.

La structure d’un mémoire en réclamation efficace serait donc (i) une synthèse, (ii) puis un développement détaillé avec une introduction qui rappelle les grandes lignes du marché et les éléments de fait. Enfin, une ventilation des informations par chef de contestation.

 

5. Rédiger en langage clair

 

Cette réclamation doit comporter de nombreuses informations techniques, financières et juridiques qui doivent être comprises par des non spécialistes. Par exemple, l’avocat du maître d’ouvrage qui analyse une réclamation doit être en mesure de comprendre les grandes lignes des difficultés techniques pour appliquer un raisonnement juridique et conseiller au mieux son client. C’est naturellement la même problématique pour le magistrat. Les techniques de langage clair seront donc utiles à la fois pour les aspects techniques, les aspects financiers mais également pour les aspects juridiques.

 

6. Visualiser les éléments clés

 

La visualisation de l’information se prête bien à l’exercice du mémoire en réclamation. Par exemple, une frise chronologique efficace permet de décrire le calendrier initialement prévu et le calendrier réel pour mettre en exergue les conséquences des différents évènements sur le déroulement du chantier.

De plus, les tableaux seront d’une grande efficacité pour synthétiser le chiffrage des demandes.

Dans certains cas, une vidéo peut être utile pour décrire les aspects techniques.

 

7. Justifier chaque somme demandée

Parfois absente, régulièrement insuffisante, la justification des sommes demandées est essentielle. Trop de négociations échouent faute de justification.

 

8. Doser ses demandes

Le chiffrage doit être raisonnable et crédible. Trop souvent, les entreprises présentent une réclamation beaucoup plus élevée que la somme réellement due pour se laisser une confortable marge de manœuvre dans le cadre de la négociation. Ce comportement entraîne régulièrement un rejet irrémédiable de la part du maître d’ouvrage.

 

9. Organiser ses annexes

La structure des annexes suit celle du corps de la réclamation afin de permettre aux lecteurs de se repérer facilement et de trouver facilement les informations recherchées, par chef de contestation.

Le Legal Design permet de repenser ses mémoires en réclamation afin de les rendre plus efficaces. La clé est de se concentrer sur les utilisateurs de ces réclamations afin de leur permettre de trouver rapidement l’information, de la lire tout aussi rapidement et de la comprendre, même si cette information est technique. Plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre dont la restructuration de l’information, la rédaction en langage juridique clair et la visualisation de l’information.

 

infographie lapisardi avocats – décret 28 décembre 2022

Décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique

arrêté du 29 décembre 2022 modifiant les cahier des clauses administratives générales des marchés publics 

Nous l’attendions après les annonces du ministre de l’Economie il y a quelques semaines. Le décret du 28 décembre 2022 modifie le code de la commande publique avec 6 objectifs :

1.    Pérenniser pour les marchés publics de travaux < 100.000 € HT la dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence jusqu’au 31/12/2024 ;

2.    Augmenter le montant minimum de l’avance pour les PME dans les marchés de l’Etat (20 à 30 %) ;

3.    Clarifier le CCP sur la rémunération du maître d’œuvre, sur les modalités de remboursement de l’avance  ;

4.    Réduire le délai des ordres de service tardifs dans le CCAG travaux

4.    Préciser les conditions de transmission de la copie de sauvegarde

5.    Prévoir les modalités de mises en œuvre des marchés réservés pour les prestations réalisées dans des établissements pénitentiaires.

Ces modifications entrent en vigueur pour toutes les consultations lancées à compter du 1er janvier 2023.

 

I.              Marchés publics de travaux < 100.000 € HT : prolongation de la dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence jusqu’au 31 décembre 2024

Comme l’avait annoncé le ministre de l’Économie, la mesure temporaire issue de l’article 142 de la loi 2020-1525 du 7 décembre 2020 de simplification et d’accélération de l’action publique, valable jusqu’au 31 décembre 2022 est donc prolongée.

L’article 6 du décret prévoit ainsi cette dérogation, le cas particulier des petits lots et les rappels liés aux marchés conclus sans publicité ni mise en concurrence préalables :

« Jusqu’au 31 décembre 2024 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.

Ces dispositions sont également applicables aux lots qui portent sur des travaux dont le montant est inférieur à 100 000 euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. »

II.             Les avances 

 

Pour les marchés de l’Etat le taux de l’avance minimal pour les PME passe de 20 à 30 % (article R2191-7 du CCP et R2391-4 pour les marchés de défense et de sécurité). Tous les CCAG sont modifiés en conséquence.

Les conditions de remboursement de l’avance sont clarifiées :

Le texte en vigueur

« Le remboursement de l’avance s’impute sur les sommes dues au titulaire, selon un rythme et des modalités fixées par les clauses du marché par précompte sur les sommes dues à titre d’acomptes, de règlement partiel définitif ou de solde.

Dans le silence du marché, ce remboursement s’impute :

1° Pour les avances inférieures ou égales à 30 % du montant toutes taxes comprises du marché, sur les sommes dues au titulaire quand le montant des prestations exécutées atteint 65 % du montant toutes taxes comprises du marché ;

2° Pour les avances supérieures à 30 % du montant toutes taxes comprises du marché, sur les sommes dues au titulaire dès la première demande de paiement » (R. 2191-11 du CCP)

Les modifications apportées par le décret

Le second alinéa de l’article R.2191-11 est remplacé par le texte suivant :

« Dans le silence du marché, le remboursement de l’avance est échelonné en tenant compte du montant de l’avance accordée et des sommes restant dues au titulaire. Ce remboursement s’impute par précompte sur les sommes dues au titulaire et débute :

1° Pour les avances inférieures ou égales à 30 % du montant toutes taxes comprises du marché, quand le montant des prestations exécutées atteint 65 % du montant toutes taxes comprises du marché ;

2° Pour les avances supérieures à 30 % du montant toutes taxes comprises du marché à la première demande de paiement.

Et l’article R.2193-21 qui concerne les avances en cas de sous-traitante est modifié de la même façon :

« Si le titulaire du marché qui a perçu l’avance sous-traite une part du marché en cours d’exécution, il rembourse l’avance correspondant au montant des prestations sous-traitées et donnant lieu à paiement direct à l’acheteur, même dans le cas où le sous-traitant ne souhaite pas bénéficier de l’avance.

Le remboursement par le titulaire s’impute sur les sommes qui lui sont dues par l’acheteur dès et débute à compter de la notification de l’acte spécial.

 

III.           Précision sur les conditions de dépôt des copies de sauvegarde (article R.2132-11 CCP)

 

 

IV.           Précision sur les conditions de dépôt des copies de sauvegarde (article R.2132-11 CCP)

Pour mémoire, le code prévoit que les candidats et soumissionnaires qui transmettent leurs documents par voie électronique peuvent également adresser à l’acheteur une copie de sauvegarde de ces documents, sur support papier ou sur support physique électronique (article R.2132-11 CCP).

Le décret précise que « cette copie ne peut être prise en considération que si elle est parvenue à l’acheteur dans le délai prescrit pour le dépôt, selon le cas, des candidatures ou des offres. ».

Quant au support de cette copie de sauvegarde, elle n’est plus précisée dans le code de la commande publique. La DAJ de Bercy indique que cette rédaction permet d’adresser une copie de sauvegarde par voie dématérialisée (par exemple sur une plateforme en ligne). Un arrêté viendra préciser les exigences techniques et de sécurité.

V.           La rémunération du maître d’œuvre en cas de dépassement du seuil de tolérance est clarifiée

Le décret clarifie les textes et limite les cas dans lesquels le maitre d’ouvrage peut, en cas de dépassement du seuil de tolérance :

(1) demander au maitre d’œuvre de reprendre ses études sans rémunération supplémentaire (coût prévisionnel des travaux) ;

(2) réduire sa rémunération (coût des travaux).

Cette modification ne change pas le droit positif : Il s’agit d’une clarification des textes conforme à la jurisprudence.

 

Le cas de l’adaptation des études en cas de dépassement du seuil de tolérance (coût prévisionnel des travaux)

Pour mémoire l’article R.2432-3 du CCP précise que

« Lorsque la mission confiée au maître d’œuvre comporte l’assistance au maître d’ouvrage pour la passation des marchés publics de travaux, le marché public de maîtrise d’œuvre prévoit l’engagement de son titulaire de respecter le coût prévisionnel des travaux arrêté au plus tard avant le lancement de la procédure de passation des marchés publics de travaux.

Le respect de cet engagement est contrôlé à l’issue de la consultation des opérateurs économiques chargés des travaux.

En cas de dépassement du seuil de tolérance, le maître d’ouvrage peut demander au maître d’œuvre d’adapter ses études, sans rémunération supplémentaire ».

Le décret modifie le dernier alinéa (partie surlignée) :

« En cas de dépassement du seuil de tolérance, ne résultant pas de circonstances que le maître d’œuvre ne pouvait prévoir, le maître d’ouvrage peut lui demander d’adapter ses études, sans rémunération supplémentaire ».

En clair,

Si le seuil de tolérance est dépassé, le maître d’ouvrage peut, en principe, demander au maître d’œuvre d’adapter ses études sans rémunération supplémentaire. Ce n’est toutefois pas le cas si le maître d’œuvre peut prouver que ce dépassement est lié à des circonstances qu’il ne pouvait pas prévoir.

 

La réduction de la rémunération du maître d’œuvre en cas de dépassement du seuil de tolérance (coût des travaux)

Le texte en vigueur

Pour mémoire l’article R.2432-4 du CCP précise que

« Lorsque la mission confiée au maître d’œuvre comporte, outre l’assistance au maître d’ouvrage pour la passation des marchés publics de travaux, la direction de l’exécution des marchés publics de travaux et l’assistance au maître d’ouvrage lors des opérations de réception, le marché public de maîtrise d’œuvre prévoit un engagement de son titulaire de respecter le coût, assorti d’un nouveau seuil de tolérance, qui résulte des marchés publics de travaux passés par le maître d’ouvrage.

Le respect de cet engagement est contrôlé après exécution complète des travaux nécessaires à la réalisation de l’ouvrage en tenant compte du coût total définitif des travaux résultant des décomptes finaux et factures des opérateurs économiques chargés des travaux.

Pour contrôler le respect de l’engagement du maître d’œuvre, le marché public de maîtrise d’œuvre prévoit les modalités de prise en compte des variations des conditions économiques.

En cas de dépassement excédant le seuil de tolérance fixé par le marché public de maîtrise d’œuvre, la rémunération du maître d’œuvre est réduite. Le marché public de maîtrise d’œuvre détermine les modalités de calcul de cette réduction qui ne peut excéder 15 % de la rémunération du maître d’œuvre correspondant aux éléments de missions postérieurs à l’attribution des marchés publics de travaux. »

La modification apportée par le décret du 28 décembre 2022

Le décret modifie le dernier alinéa (partie surlignée) :

En cas de dépassement du seuil de tolérance résultant d’un manquement du maître d’œuvre dans ses missions de direction de l’exécution des marchés publics de travaux et d’assistance au maître d’ouvrage lors des opérations de réception, la rémunération du maître d’œuvre est réduite. Le marché public de maîtrise d’œuvre détermine les modalités de calcul de cette réduction qui ne peut excéder 15 % de la rémunération du maître d’œuvre correspondant aux éléments de missions postérieurs à l’attribution des marchés publics de travaux.

En clair,

Si le seuil de tolérance est dépassé après l’exécution complète des travaux, le maître d’ouvrage ne peut réduire la rémunération du maitre d’œuvre que si ce dépassement résulte d’un manquement de ce dernier à ses missions de direction de l’exécution des marchés publics de travaux et d’assistance au maître d’ouvrage lors des opérations de réception.

Donc le maître d’ouvrage ne peut pas réduire la rémunération du maître d’œuvre si le dépassement du seuil de tolérance est lié à une circonstance qui n’est pas imputable à ce dernier, par exemple, à des circonstances imprévisibles.

VI.             Précision des conditions de réservation des marchés et des concessions pour les entreprises qui réalisent des prestations dans des établissements pénitentiaires (article 19 de la l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022)

Le décret précise les conditions d’application des articles L. 2113-13-1 et L. 3113-2-1 du code de la commande publique qui prévoient un nouveau cas de réservation de marchés publics et de contrats de concession au bénéfice d’opérateurs économiques qui exécutent des prestations en établissement pénitentiaire.

Le décret fixe à 50 % la proportion minimale de personnes détenues qui doivent être employées dans le cadre de ce nouveau dispositif (R.2113-7 CCP).

mots clés : marchés publics – concession – marchés publics de travaux inférieurs à 100.000 € HT – rémunération du maitre d’œuvre – avances – marchés réservés – copie de sauvegarde

hausse du prix des matières premières avenant marchés publics et concessions

hausse du prix des matières premières avenant marchés publics et concessions

 

Les entreprises font face à une augmentation, parfois très importante du coût de certaines matières premières. Face à cette situation, elles peuvent, d’un commun accord avec leur cocontractant public, de modifier les clauses financières d’un contrat de la commande publique en respectant certaines conditions et notamment les règles sur la modification des contrats de la commande publique.

 

Décryptage de ce qu’il est possible de faire.

 

CONTEXTE

Le Cabinet LAPISARDI AVOCATS l’a soutenu dès les premières difficultés de nos clients : aucune règle, aucun principe n’interdit aux parties de modifier les clauses financières de leurs marchés publics et de leurs concessions. Mais les avenants étaient rejetés par les préfectures qui s’appuyaient sur la circulaire du 30 mars 2022 du Premier ministre. Cette dernière considérait qu’il était impossible de modifier les clauses financières d’un marché public ou d’une concession. Dans un avis du 15 septembre dernier, le Conseil d’État contredit cette circulaire et apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles les parties peuvent conclure un avenant. Le gouvernement vient d’en tirer des conséquences par une circulaire du 29 septembre 2022.

 

QUOI ?

Toutes les clauses financières peuvent être modifiées (prix, durée, clause de révision : modification ou ajout d’une clause de révision…). Il est aussi possible de modifier la durée.

Il est donc possible d’effectuer une modification « sèche » c’est-à-dire des seules clauses financières d’un contrat de la commande publique.

QUI ?

Ce sont les parties au contrat qui peuvent, d’un commun accord, décider de modifier leur contrat.

Attention : il ne s’agit pas d’un droit pour l’entreprise.

L’acheteur public ou l’autorité concédante n’a pas l’obligation de l’accepter, ni même de prendre l’initiative d’un dialogue avec son cocontractant.

 

COMMENT ?

  • Il faut à la fois respecter les principes généraux et les règles de la commande publique

Les principes généraux :  il s’agit du bon emploi des deniers publics, du principe d’égalité devant les charges publiques et de l’interdiction des libéralités. L’acheteur ou le concédant doit toujours s’interroger sur ce qui était raisonnablement prévisible, sur ce qui excède les aléas normaux inhérents à l’exécution de tout contrat.

Les règles de la commande publique, il s’agit des règles relatives aux modifications des contrats.

  • La modification s’effectue par un avenant qui peut reposer sur 3 fondements :
    • Un avenant qui s’appuie sur une clause de réexamen prévue par le contrat ;
    • Un avenant de « faible montant » ;
    • Ou un avenant fondé sur des circonstances imprévisibles.

En revanche, les parties ne peuvent pas utiliser la solution de l’avenant pour des « modifications non substantielles » (articles R 2194-7 et R 3135-7 du CCP). En effet, l’usage de ce cas de modification est moins contraint car il n’est pas nécessaire de respecter un seuil.

Dans tous les cas, l’avenant ne devra pas changer la nature globale du marché.

1ère solution : le contrat initial a prévu la possibilité de modifier le contrat (clause de réexamen)

Les parties peuvent avoir initialement prévu qu’en cas d’augmentation substantielle des charges de l’entreprise, elles pourraient décider de modifier les clauses financières et notamment le prix. Si cette clause indique bien le champ d’application et la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles le contrat peut être modifié, les parties pourront fonder la modification sur cette clause de réexamen.

Articles du CCP : R.2194-1 et R.3135-1

2ème solution : le contrat est modifié via un avenant de « faible montant »

Si la modification du prix, de la durée ou des autres clauses financières n’est pas trop importante, les parties peuvent décider d’opter pour un avenant « de faible montant ».

Condition n° 1 : La modification doit alors respecter 2 seuils :

  • Pour les fournitures et les services, le montant de la modification doit être inférieur au seuil européen et à 10 % du montant initial du contrat .

Pour mémoire, le seuil européen dépend de l’acheteur public :

  • Pouvoirs adjudicateurs centraux :                                                  140.000 €HT
  • Autres pouvoirs adjudicateurs :                                                      215.000 €HT
  • Entités adjudicatrices et marchés de défense ou de sécurité : 431.000 €HT
  • Pour les travaux, le montant de la modification doit être inférieur aux seuils européens et à 15 % du montant initial du contrat

Pour mémoire, le seuil européen est de 5.382.000 € HT.

Attention :

  • Cumul de modifications : Lorsque plusieurs modifications de faible montant successives ont été réalisées, il faut vérifier que ces seuils ne sont pas atteints en additionnant toutes ces modifications.
  • Pour la modification de la durée : il faut apprécier les conséquences financières de cette prolongation du marché public ou de la concession.

Condition n° 2 : dans tous les cas, la modification doit porter sur ce qui était imprévisible au moment de la signature du contrat

Le titulaire/concessionnaire n’a pas à prouver une dégradation significative de l’équilibre économique du contrat initial ou même des circonstances imprévisibles. Toutefois, l’acheteur public ou l’autorité concédante ne doit compenser que ce qui était raisonnablement imprévisible au moment de la signature du contrat.

Par exemple : si la hausse prévisible du prix d’une matière première était de 5 % au regard des 2 dernières années, l’avenant ne doit pas compenser l’intégralité de la hausse du prix des matières premières. Cette évolution prévisible ne sera pas compensée.

3ème solution : avenant fondé sur des circonstances imprévisibles

 

Pour modifier le contrat sur ce fondement, les parties doivent remplir les conditions suivantes :

1ère condition : il faut se trouver dans un contexte particulier

  1. Les circonstances doivent être imprévisibles ;
  2. Les circonstances doivent être extérieures aux parties c’est-à-dire que les parties ne doivent pas en être responsables ;
  3. Et les conséquences de ces circonstances doivent dépasser les limites de ce que les parties pouvaient raisonnablement prévoir au moment de la signature du contrat.

2ème condition : la modification est plafonnée pour les pouvoirs adjudicateurs

La modification doit être inférieure à 50 % du montant initial du contrat. Ce montant tient compte de la révision du prix.

Ce seuil ne s’applique pas pour les entités adjudicatrices.

3ème condition : Les modifications effectuées doivent être directement nécessaires pour compenser les conséquences de ces circonstances imprévisibles.

Par exemple,

  • Ces modifications peuvent être limitées dans le temps, en fonction de la durée de la circonstance exceptionnelle.
  • De plus, les parties peuvent également prévoir une clause de réexamen pour décider des prix applicables au bout de quelques mois.
  • Enfin, il est également possible de prévoir une clause de rendez-vous à la fin du contrat pour déterminer le montant définitif de la compensation des conséquences imprévisibles. Selon le mode de calcul choisi, le titulaire ou le concessionnaire pourrait devoir rembourser une partie de la compensation accordée.

Le Conseil d’État rappelle ainsi que les acheteurs publics et les autorités concédantes doivent respecter les principes généraux d’égalité devant les charges publiques, de bon usage des deniers publics et d’interdiction des libéralités.

4ème condition : il faut publier un avis de modification

Lorsque les parties signent un avenant au titre des circonstances imprévues, l’acheteur public ou l’autorité concédante doit publier un avis de modification.

Articles du CCP : R.2194-5 + R.2194-10 et R.3135-5 + R.3135-10

2 Précisions 

  • Il est possible de cumuler les avenants au titre de la hausse du prix des matières premières 

Il faut toutefois respecter les règles propres à chaque avenant et notamment les seuils. Il n’est ainsi pas possible, pour un pouvoir adjudicateur, de cumuler plusieurs avenants « circonstances exceptionnelles » pour dépasser le seuil de 50 %, si la circonstance imprévue est identique.

  • 1 avenant n’exclut pas une indemnité d’imprévision

Autrement dit, les parties peuvent se mettre d’accord sur un avenant mais le titulaire du marché ou le concessionnaire pourrait par la suite solliciter une indemnité au titre de la prévision.

Conseil aux entreprises :

Vous devez préparer un solide dossier afin de démontrer que les conséquences financières étaient raisonnablement imprévisibles.

Conseil aux acheteurs/concédants :

Vous devez vérifier la réalité et la sincérité des justifications apportées par l’entreprise, le cas échéant, en faisant appel à un tiers.

 

Vous souhaitez être conseillé et assisté ? vous pouvez me contacter par téléphone au 01.88.88.47.87 ou par mail sophie.lapisardi@lapisardi-avocats.fr

 

Ces achats publics innovants font leur entrée dans le code de la commande Publique et deviennent ainsi pérennes

Le décret du 13 décembre 2021  crée un nouvel article : R.2122-9-1 du CCP et met un terme à l’expérimentation prévue par le décret du 24 décembre 2018.

Pour mémoire, voici le mécanisme des achats innovants :

Il est possible de passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables pour des achats innovants (travaux, fournitures ou services innovants) et pour un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 €HT.

💡 Qu’entend-on par achats innovants ?

La réponse est donnée à l’article L.2172-3 du CCP sur le partenariat d’innovation : il s’agit de travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés. Le caractère innovant peut consister dans la mise en œuvre :
-de nouveaux procédés de production ou de construction,
-d’une nouvelle méthode de commercialisation
-ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise.

🧩L’achat innovant intègre également le mécanisme des petits lots.

 

Quand le besoin est supérieur à 100.000 €HT et qu’il est scindé en lots dont certains correspondent à des achats innovants, l’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour ces petits lots, si 2 conditions sont réunies :

– Le montant de chaque lot lié à l’achat innovant est inférieur à 80.000 €HT pour les fournitures ou services innovants ou 100.000 €HT pour les travaux innovants ;

– Et le montant du lot ou le montant cumulé de ces petits lots ne dépasse pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Le nouvel article R.2122-9-1 du CCP rappelle ensuite que « Lorsqu’il fait usage de cette faculté, l’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. »

L’obligation de déclaration auprès de l’Observatoire économique de la commande publique, autrefois prévue par le décret du 24 décembre 2018, n’est pas reprise dans le CCP.

🧭 Décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021 relatif aux achats innovants et portant diverses autres dispositions en matière de commande publique, publié aujourd’hui au JO.

⏰ cette modification du CCP entre en vigueur demain le 16/12/21.

 

 

 

marchés publics innovants

Voici maintenant près de 6 ans que nous appliquons le Legal Design au quotidien, au cabinet. Et Sophie Lapisardi a formé des centaines de juristes et acheteurs publics à la méthode utilisée au cabinet qui est devenue la méthode Lexclair Legal Design.  Les retours et les bénéfices sont tels, pour toutes les parties prenantes, que nous voulions vous faire partager notre vision du Legal Design et vous parler de ses bénéfices.

Dans une tribune publiée le 18 novembre dernier, Sophie Lapisardi vous explique pourquoi le Legal Design est aujourd’hui incontournable pour des DAJ et Directions de la commande publique.

 »

Qu’est ce que le Legal Design ?

Le Legal Design est un mode de pensée qui place l’utilisateur (client interne/opérateur économique/usager) au centre de la démarche. Il permet de répondre au besoin de droit toujours plus pressant de nos interlocuteurs qui attendent une information claire et si possible visuelle.

Le Legal Design ne se réduit pas au graphisme (pictos, couleurs, infographies…). Il ne s’agit pas non plus de faire simpliste ou minimaliste. C’est un changement d’état d’esprit qui non seulement ne fait pas perdre en rigueur, mais au contraire, permet de délivrer une information juridique de plus grande qualité.

Avec le Legal Design les professionnels du droit communiquent l’information juridique de manière claire, efficace, engageante et percutante.

Il permet aussi de concevoir des services et des outils innovants pour améliorer l’accès à l’information juridique et la collaboration entre les services.

 

Quels usages peut-on faire du Legal Design dans la commande publique ?

Le Legal Design s’applique à tous les actes quotidiens, à toutes les décisions et à tous les processus d’une direction de la commande publique.

Concrètement, les acheteurs et juristes utilisent les techniques de Legal Design pour rédiger des emails, notes d’informations, des consultations, de dossiers de consultation des entreprises, des revues de contrats, des écrits contentieux…  mais également pour concevoir des présentations et des formations.

Le Legal Design permet également de revoir ses processus internes pour améliorer la collaboration avec les autres directions et notamment la collaboration entre acheteurs et prescripteurs.

 

Quels sont les intérêts du Legal Design pour une direction de la commande publique ?

Les intérêts sont nombreux pour tous les acteurs de la commande publique : l’entité acheteur public, les clients internes de la direction de la commande publique (élus/direction, autres services), les opérateurs économiques, les usagers mais aussi les magistrats, les experts judiciaires et médiateurs amenés à intervenir dans le cadre de contentieux et précontentieux.

 

Améliorer la définition de son besoin

Avec la pensée design, la direction de la commande publique place l’humain au cœur de sa réflexion. Utiliser l’empathie au stade de la définition des besoins permet ainsi de mieux comprendre les besoins des vrais utilisateurs des marchés publics : les utilisateurs/prescripteurs et les opérateurs économiques.

Les rédacteurs du dossier de consultation prennent conscience de ce qui compte réellement pour ces utilisateurs dans le cadre de l’exécution du marché. ils s’interrogent notamment sur ce que les opérateurs économiques en attendent.  Cette démarche complète parfaitement une démarche de sourcing et demande peu de temps.

 

Réduire le nombre de candidatures et d’offres irrégulières

Les opérateurs économiques réclament des documents de la consultation plus clairs. Travailler sur la clarté et l’accessibilité du règlement de la consultation permet ainsi de gagner en efficacité et de réduire les candidatures et les offres irrégulières.

Là encore, le Legal Design permet de dégager les informations essentielles pour les opérateurs économiques, de repenser ce règlement, sa structure, sa rédaction, afin de mieux les guider.

 

Plus de sécurité, de confiance et de transparence

Des marchés clairs sont le gage d’une meilleure compréhension par les prescripteurs et opérateurs économiques, d’une meilleure exécution par les parties avec corrélativement une baisse du nombre de litiges.

Et la marque « acheteur public » n’est pas en reste car des contrats clairs véhiculent de la confiance et de la transparence.

Les utilisateurs des marchés publics retrouvent plus facilement les clauses vraiment importantes pour eux et les comprennent.

Quant aux usagers, ils peuvent bénéficier d’une information plus claire et accessible.

 

Gagner en impact dans le cadre des contentieux et des règlements amiables

Il ne faut pas croire que les professionnels du droit se satisfont du jargon juridique. Nous aspirons tous à une information plus claire, plus accessible, plus visuelle et ergonomique.

Les magistrats ne sont pas en reste : ils ne peuvent plus lire d’interminables écritures. Ils demandent de la concision et des éléments visuels (schémas, tableaux…) pour appréhender plus rapidement les aspects factuels et techniques. Les techniques de Legal Design permettent de gagner en persuasion en les guidant dans les écritures.

 

 

Gagner en visibilité et en influence

Comme les directions juridiques, les directions de la commande publique souffrent souvent d’un déficit de visibilité et leur expertise n’est pas toujours appréciée à leur juste valeur. L’origine du mal est à chercher dans nos études de droit : nous avons appris à communiquer entre experts.

En apprenant à mieux communiquer avec des non-juristes, la direction de la commande publique gagne en visibilité et donc en pouvoir et en influence au sein de son organisme. Plus l’expert est clair plus il est contacté en amont et moins il a l’impression d’être constamment dans le rôle du pompier.

Les effets sont tels que certaines directions de la commande publique qui pratiquent le Legal Design deviennent désormais les moteurs de l’innovation au sein de leur organisme. Le Legal Design permet de lancer une démarche plus globale de transformation de tous les services.

 

Gagner du temps

Notre temps et celui de nos interlocuteurs est précieux. Sélectionner les informations pour donner la juste information à son interlocuteur est indispensable. Le Legal Design permet ainsi de mieux communiquer en interne dans le cadre de notes internes et de consultations.

 

Mieux collaborer avec les autres services et au sein du service

Ce mode de pensée innovant ouvre des possibilités infinies de collaboration pour la plus grande satisfaction de tous les acteurs.

Le Legal Design permet de concevoir des outils et des solutions juridiques innovants.

On pense bien sûr à :

  • des fiches pratiques claires que la direction, les prescripteurs et les usagers auront envie de lire ;
  • des formations dont les participants mémoriseront facilement les messages clés ;
  • des présentations impactantes pour la direction…

Le Legal Design est également le moyen de repenser les processus internes pour améliorer la collaboration entre les prescripteurs et les acheteurs/juristes au stade de la définition des besoins notamment.

Mais il y a plus : le Legal Design est la portée d’entrée de l’innovation juridique et de la digitalisation.

Pour ne prendre que cet exemple, les chatbot sont aujourd’hui un moyen efficace de décharger les directions de la commande publique et les directions juridiques, à condition d’avoir bien compris les besoins des utilisateurs, d’avoir posé les bonnes questions et d’y avoir répondu de manière claire et efficace.

Le Legal Design permet également de créer une émulation au sein même de la direction de la commande publique et renforce la collaboration des membres de l’équipe.

 

Comment pratiquer le Legal Design ?

Le Legal design repose sur 3 techniques structurantes : la visualisation de l’information juridique, la pensée design et le langage juridique clair. A ces techniques, s’ajoutent celles issues des résultats des sciences cognitives ainsi que des techniques de marketing et de journalisme.

Mais au-delà des moyens de le pratiquer, c’est surtout un changement de paradigme, de mode de pensée et il faut bien le dire, une petite révolution culturelle dans le monde du droit. En effet, l’empathie n’est pas étudiée dans nos cursus universitaires. Et le fait de tester ses écrits auprès de ses utilisateurs et d’attendre les retours de ses clients internes n’est pas usuel.

C’est la raison pour laquelle il est recommandé de se former avec une méthode structurée et éprouvée et de former toute son équipe pour diffuser la culture du Legal Design au sein de tout le département.

Les résultats sont très rapides, immédiatement perçus par les utilisateurs et motivants pour toute la direction.

C’est donc en plaçant l’humain au centre de la démarche juridique que le juriste et l’acheteur public – non pas de demain mais d’aujourd’hui – met en valeur son expertise et renforce le fait qu’il est incontournable.  »

 

Sophie Lapisardi est avocat spécialiste en droit public au sein du cabinet LAPISARDI AVOCATS dédié au droit public des affaires et Présidente de Lexclair, organisme de formation au Legal Design.

Retrouvez notre article sur achatpublic.info

 

Notre article dans Dalloz Actualité du 14 septembre 2021

 

La loi n° 2016-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République[1] a un objectif ambitieux : apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical. Et pour le législateur, la garantie du respect des principes de la république et des exigences minimales de la vie en société (Intitulé du Titre Ier de la loi) passe en premier lieu par les services publics et donc corrélativement par les contrats de la commande publique qui ont pour objet l’exécution d’un service public.

Même si les praticiens attendent une circulaire destinée à préciser ces mesures[2], nous pouvons d’ores et déjà percevoir les limites de cette loi et les problèmes d’interprétation qui pourront se poser.

 

Un périmètre d’application qui aurait pu être plus large et pourra donner lieu à interprétation

La loi[3] impose à tous les organismes de droit public ou de droit privé chargés directement de l’exécution d’un service public d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Sont donc par exemple concernés les organismes de sécurité sociale (URSSAF, CPAM…) tous comme les sociétés HLM visées expressément par la loi.

Ces organismes doivent veiller à ce que non seulement leurs salariés respectent ces règles, mais également « toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l’exécution du service public »[4], autrement dit les titulaires de leurs contrats de la commande publique.

Au premier abord le périmètre paraît large et clair car il n’est pas fait de distinction entre services publics administratifs (SPA) et services publics industriels et commerciaux (SPIC). Et comme le service public vise un large domaine, cette loi pourra concerner des situations telles que la gestion d’une crèche, l’exploitation d’un casino, d’une piscine aqualudique etc. Mais les praticiens vont être confrontés à des questions d’interprétation. En effet, le législateur n’a pas utilisé le terme « gestion » (gestion d’un service public) mais « exécution ». Il n’a pas non plus visé les concessions de service, les délégations de service public et les marchés de services. Aussi, on peut légitimement se poser la question de savoir si la loi s’applique à des contrats de fournitures ou de travaux. Par exemple, si un acheteur public est chargé, dans le cadre de l’exécution d’une mission de service public, de réaliser des travaux, est-ce que les contrats conclus pour ces travaux entrent dans le périmètre de la loi ?

Par ailleurs, la loi aurait pu aller plus loin en visant d’autres contrats, pas seulement les contrats de la commande publique. Sont en effet exclus de ce périmètre des contrats telles que les conventions d’occupation du domaine public, qui permettent par exemple à des sociétés d’exploiter une activité commerciale dans un aéroport. Sont également exclus les baux emphytéotiques administratifs (BEA) qui peuvent par exemple permettre à une société d’occuper un stade pour y organiser des activités et manifestations sportives.

Enfin, le gouvernement aurait pu envisager de modifier les cahiers des clauses administratives générales (2021) publiés dernièrement pour ajouter directement ces clauses. Cette initiative aurait facilité et accéléré l’application de la loi pour les marchés publics.

De nouvelles obligations pour les titulaires de contrats de la commande publique

Le titulaire doit assurer l’égalité des usagers devant le service public et les principes de laïcité et de neutralité du service public.

Pour cela, la loi prévoit que le titulaire doit s’assurer que ses salariés et les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction qui participent à l’exécution du service public respectent ces principes. Ces derniers doivent s’abstenir « notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses ». Ils doivent également traiter de façon égale les personnes et respecter leur liberté de conscience et leur dignité. Il s’agit pour l’essentiel d’une reprise de la jurisprudence qui considère déjà que les principes de neutralité et de laïcité s’appliquent aux salariés des personnes morales de droit privé gérant un service public (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690, Bull. 2013, V, n° 76).

Et le législateur ne s’arrête pas là : les titulaires des contrats visés par la loi devront également veiller à ce que leurs sous-traitants ou sous-concessionnaires respectent également ces obligations.

 

De nouvelles clauses dans les futurs contrats et certains contrats en cours et des sanctions liées

Pour que ces obligations ne restent pas lettre morte, la loi prévoit deux obligations :

Les clauses du contrat de la commande publique devront rappeler ces obligations et préciser les modalités de contrôle du cocontractant. Pour réaliser ces contrôles, l’acheteur ou l’autorité concédante pourra demander la communication de notes internes mais aussi prévoir des contrôles inopinés dans les locaux.

De plus, le titulaire devra communiquer à son cocontractant les contrats de sous-traitance ou de sous-concession qui portent sur l’exécution de la mission de service public. Cette communication permettra à l’acheteur ou à l’autorité concédante de vérifier que les règles de neutralité et de laïcité sont prévues et contrôlées par son titulaire lui-même.

Et naturellement, la loi prévoit que les contrats de la commande publique devront prévoir des sanctions si son cocontractant « n’a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés »[5]. Il pourra s’agir d’une pénalité dans un premier temps avec le cas échéant, une résiliation pour faute si la violation de ces principes persiste.

L’application dans le temps est la suivante :

  • Ces clauses doivent être intégrées dans tous les contrats concernés pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est envoyé depuis le 25 août dernier.
  • Pour les contrats en cours ou pour lesquels une consultation a été lancée avant le 25 août dernier, il faut distinguer 2 situations :
    • Pour les contrats qui se terminent avant le 25 février 2023, ces clauses n’ont pas à être insérées ;
    • Pour les contrats qui se terminent après le 25 février 2023, les acheteurs et autorités concédantes ont un an, jusqu’au 25 août 2022 pour intégrer ces clauses dans les contrats en cours.

Les principes sont posés et la rédaction de ces clauses ne devrait pas poser de difficultés. Reste la mise en place pratique qui se révèle toujours délicate quand il s’agit de questions de neutralité et de laïcité.

 

Sophie Lapisardi, avocat associé, spécialiste en droit public, LAPISARDI AVOCATS

 

[1] Publiée au JO du 25 août 2021

[2] Note de la DAJ du 25/08/21 : https://www.economie.gouv.fr/daj/loi-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-republique-quelles-consequences

[3] article 1er point I

[4] Article I.1

[5] Article 1er II

Article publié dans Dalloz Actualités le 9 septembre 2021

 

Le législateur s’est saisi de la proposition formulée par la Convention citoyenne pour le climat de « renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics » à l’horizon 2030.

 

La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021[1], dans un chapitre « Verdir l’économie », décline les nouvelles obligations des acheteurs, des autorités concédantes et des titulaires.

 

Les considérations environnementales seront désormais obligatoires lors la procédure de passation et de l’exécution des contrats. En matière sociale, les objectifs fixés sont plus modestes.

 

Aux racines du processus d’achat : l’environnement au stade de la procédure de passation

 

Dans un nouvel article préliminaire, le législateur affirme la participation de la commande publique au développement durable, dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales (article L 3-1 CCP).

 

Plus précisément, le législateur impose de nouvelles obligations contraignantes au stade de la définition des besoins et au stade du choix de l’offre[2], qui entreront en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard le 22 août 2026.

 

Des précisions sur la définition du besoin

 

Première étape du processus d’achat, la définition des besoins doit conduire l’acheteur ou l’autorité concédante à préciser la nature et l’étendue de son besoin ainsi que les spécifications techniques nécessaires pour le satisfaire.

 

Jusqu’à présent, le code de la commande publique prévoyait que seules la nature et l’étendue de ces besoins devaient prendre en compte des « objectifs de développement durable » qui recouvraient des considérations économiques, sociales et environnementales[3].

 

Cette exigence est désormais élargie aux spécifications techniques qui devront également être définies en fonction de ces objectifs[4]. Et ce pour toutes les catégories d’achat.

 

Cette nouvelle obligation risque d’être complexe à mettre en œuvre pour certains achats. On pense notamment aux prestations intellectuelles, pour lesquelles la mise en valeur du développement durable n’est pas toujours évidente.

Cette obligation n’est toutefois pas à négliger.

 

Le juge contrôle la bonne définition des besoins par les acheteurs et les autorités concédantes. Si ce contrôle est réduit à l’erreur manifeste d’appréciation[5], il n’en reste pas moins qu’un besoin imprécis ou incomplet peut conduire à l’annulation d’une procédure de passation[6].

 

L’environnement s’impose lors du choix des offres

 

C’est sans doute l’avancée la plus nette en matière de protection de l’environnement.

 

Jusqu’à présent, l’obligation d’intégrer une dimension « développement durable » dans la définition des besoins n’imposait pas à l’acheteur de prévoir un critère de sélection des offres portant sur le développement durable ou sur l’environnement[7].

 

La loi Climat revient sur cette position : en 2025 au plus tard, toutes les procédures de passation de tous les marchés publics devront inclure un critère de sélection des offres relatif aux « caractéristiques environnementales de l’offre »[8].

 

La Convention citoyenne pour le climat avait proposé qu’une pondération minimale de 20 % de ce critère soit inscrite dans la loi.

 

Assez logiquement, le législateur n’a pas retenu cette proposition : elle aurait été difficilement conciliable avec l’obligation d’adapter la pondération des critères en fonction des caractéristiques propres à chaque marché[9].

 

Ce nouveau critère obligatoire appelle plusieurs observations.

 

La formulation du critère « environnemental » devra éviter certains pièges.

 

On le sait, il ne sera pas possible d’exiger simplement des soumissionnaires qu’ils respectent la réglementation applicable en matière environnementale ou les exigences du cahier des charges. Un tel critère est systématiquement censuré car il relève de la seule conformité des offres[10].

 

De plus, la formulation du critère environnemental devra veiller à ne pas entrer en contradiction avec les autres objectifs de la commande publique, par exemple en restreignant abusivement la concurrence.

 

Ainsi, on pourrait imaginer qu’un critère qui se limiterait à comparer la quantité globale de CO2 émise lors du transport de marchandises pourrait pénaliser les entreprises les plus éloignées du lieu de livraison et donc s’apparenter à un critère géographique interdit. A l’inverse, le critère relatif à la quantité de CO2 émise par kilomètre parcouru a déjà été validé par le juge[11].

 

Enfin, le critère environnemental, bien qu’obligatoire, devra toujours être lié à l’objet du marché et apprécié sur la base d’éléments précis et objectifs.

 

Par exemple, la notation d’un critère « impact environnemental » sur la base d’un « bilan carbone » dont ni le contenu, ni les modalités d’appréciation n’étaient indiquées, est irrégulière[12].

 

Sous ses réserves, les possibilités restent très variées.

 

Le code de la commande publique prévoyait déjà la possibilité d’avoir recours à des critères fondés sur « les performances en matière de protection de l’environnement, (…) la biodiversité, le bien-être animal ».

 

Et la jurisprudence donne des exemples de critères « environnementaux » réguliers. Par exemple, pour un marché de travaux, les « mesures et démarches adoptées pour diminuer l’impact environnemental des travaux », appréciées notamment au regard « de la diminution du bruit et de la pollution, l’émission de poussières, la propreté du chantier et des accès, la gestion raisonnée des déchets et l’économie d’eau »[13].

 

Les critères envisageables sont nombreux : chaque étape d’une prestation peut donner lieu à des efforts et à des propositions innovantes des soumissionnaires : les processus de fabrication des matériaux ou des fournitures, les modes de transports et de livraison, la gestion des stockages, des emballages ou des déchets.

Pour les aider dans cette démarche et « dans la définition de leur politique d’achat »[14], la loi Climat impose à l’Etat de mettre à leur disposition au plus tard le 1er janvier 2025 « des outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat »[15].

 

Si la date d’entrée en vigueur du critère environnemental obligatoire reste à définir par décret – au plus tard le 22 août 2026 – il semble préférable de commencer dès à présent à s’approprier ces critères.

 

Cette période de transition pourra également être l’occasion de former les prescripteurs et les acheteurs au maniement des concepts environnementaux et au choix d’indicateurs pertinents.

 

La convention citoyenne pour le climat l’avait anticipé en proposant « d’accentuer la formation des fonctionnaires et des élus en charge des marchés publics ».

 

Reste à le mettre en pratique, dans un contexte où les acheteurs sont déjà soumis à des contraintes nombreuses et à une matière de plus en plus technique.

 

Au stade de la candidature, un nouveau motif d’exclusion facultatif

 

Depuis 2017, les sociétés ou les groupes d’au-moins 5.000 salariés doivent établir et mettre en œuvre un plan de vigilance qui a notamment pour but d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves à l’environnement[16].

 

La loi Climat permet désormais aux acheteurs et aux autorités concédantes d’exclure de la procédure de passation les entreprises qui ne satisfont pas à cette obligation, sauf si cette exclusion conduit à restreindre la concurrence ou à rendre plus difficile l’exécution des prestations[17].

 

A noter que ce motif d’exclusion est facultatif : l’acheteur devra apprécier, au regard des éléments dont il dispose et au terme d’une procédure contradictoire, si l’exclusion du candidat doit être prononcée.

 

Au stade de l’exécution : l’environnement comme obligation contractuelle

 

En 2018, l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) estimait que seuls 13,6 % des marchés publics contenaient une clause environnementale[18].

 

La loi Climat entend y remédier : les conditions d’exécution des marchés publics et des concessions devront désormais prendre en compte « des considérations relatives à l’environnement »[19]. Cette obligation ne concerne pas les marchés et les concessions en matière de sécurité et de défense.

 

Il s’agit de la conséquence logique de l’insertion de la logique environnementale au stade de la définition des besoins et du choix des offres.

 

Cette exigence générale s’inscrit dans la continuité des nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG)[20] qui contiennent tous une « clause environnementale générale ».

 

Les acheteurs pourront utilement s’appuyer sur les exemples d’objectifs environnementaux listés par les CCAG pour rédiger leurs clauses, comme la réduction des prélèvements des ressources, le recyclage ou les économies d’énergie.

 

 

Préparer l’avenir : les outils de suivi et de programmation en matière environnementale

A compter du 1er janvier 2023, les schémas de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER) devront intégrer une dimension sociale et environnementale et des objectifs précis.[21]

Si l’objectif est louable, il se heurte à une double limite.

D’abord, le SPASER ne concerne qu’un nombre réduit d’acheteurs ; seuls les acheteurs dont le montant annuel total des achats dépasse les 100 millions d’euros hors taxes sont concernés.

Ensuite, la mise en place de cet outil est laborieuse. Au 31 décembre 2019, seuls 20 % des collectivités soumises à l’adoption d’un SPASER en avait adopté un.

Concernant les concessions, le rapport annuel devra désormais intégrer les mesures mises en œuvre par le concessionnaire pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique[22].

Des objectifs beaucoup plus modestes en matière sociale

 

La loi Climat assigne également aux acheteurs des obligations en matière sociale, dont la valeur contraignante est toutefois à relativiser.

 

Au plus tard en août 2026, les clauses contractuelles des marchés et des concessions devront désormais prendre en compte « des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées »[23].

 

Cette obligation est toutefois doublement à relativiser.

D’abord, elle ne concerne que les contrats dont la valeur dépasse les seuils européens, c’est-à-dire 5 350 000 € HT pour les concessions et les marchés de travaux et 139.000, 214.000 et 428.000 euros HT pour les autres marchés.

Ensuite, la liste des exceptions à cette obligation risque d’atténuer sa valeur contraignante. Ainsi, un acheteur pourra échapper à cette obligation pour des motifs larges, notamment si le marché porte sur une solution immédiatement disponible  ou si cette clause n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché.

 

Alexandre Delavay, avocat à la Cour, Cabinet Lapisardi Avocats

 

[1] Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

[2] Les marchés publics et les concessions de défense ou de sécurité ne sont pas concernées par ces obligations et ne seront pas traités dans le présent article

[3] L.2111-1 code de la commande publique

[4] Article II. 1° et III 1° de la loi – articles L.2111-2 pour les marchés et L.3111-2 pour les concessions

[5] CE, 12 octobre 2013, n°368846

[6] CE, 15 novembre 2017, Commune du Havre, n° 412644

[7] CE, 23 novembre 2011, n°351570

[8] Article 35 II 6° et III 4° de la loi – article L. 2152-7 pour les marchés et L.3124-5 pour les concessions

[9] CJCE, 4 décembre 2003, « EVN et Wienstrom », C-448/01, points 39 à 43 ; CE, 10/06/2020, 431194

[10] CAA Bordeaux, 8 novembre 2016, n° 15BX00313

[11] TA Nice, ord., 20 janvier 2015, n° 1202066

[12] CE, 15 février 2013, n°36392

[13] TA Caen, ord., 31 mai 2013, n°1300854

[14] DAJ Bercy, Fiche explicative Loi Climat, 24 aout 2021

[15] Article 36 de la loi

[16] L225-102-4 code de commerce

[17] Article 35 II 5° et III 6° de la loi – futurs articles L.2141-7-1 pour les marchés et L. 3127-7-1 pour les concessions

[18] OECP, Étude sur les pratiques des acheteurs  en  matière  d’accès des TPE/PME à la commande publique,  d’achats innovants  et d’achats durables, juin 2020, p. 9

[19] Article 35 II 3° et III 2° de la loi – futurs articles L.2111-2 al. 2 pour les marchés et L. 3114-2 pour les concessions

[20] Arrêtés du 30 mars 2021 relatifs aux CCAG-FCS, Travaux, MI, MOE, TIC et PI.

[21] Article 35 II 2° de la loi – article L. 2111-3 du code de la commande publique

[22] Article 35 III 5° de la loi – article L. 3131-5 al.1

[23] Article 35 II 4° et III 3° de la loi – futurs articles L. 2112-2-1 pour les marchés et L. 3114-2-1 pour les concessions

Article publié dans Dalloz Actualité le 8 septembre 2021 

 

Le décret n° 2021-1111 du 23 août 2021[1] tire les conséquences de la décision de la CJUE du 17 juin 2021 Simonsel & Well A/S aff C 23/20 sur les accords-cadres et modifie certaines règles concernant les marchés de défense ou de sécurité.

Les accords-cadres devront toujours comporter un maximum en montant ou en quantité

La modification du code de la commande publique ne s’est pas fait attendre.

En juin dernier, la Cour Européenne a en effet considéré que l’acheteur public était tenu de prévoir un montant ou une quantité maximum et qu’une fois cette limite atteinte, l’accord-cadre aura épuisé ses effets.

Le décret modifie donc les articles R.2121-8 et R .2162-4 du Code de la commande publique. L’acheteur public doit fixer un maximum en valeur ou en quantité pour tous les accords-cadres (à bons de commande ou à marchés subséquents). En revanche, il est toujours possible de conclure des accords-cadres sans minimum.

 

Mais l’entrée en vigueur, repoussée au 1er janvier 2022, laisse perplexe

En effet, cette règle s’appliquera aux accords-cadres pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2022.

Ce report est d’autant moins compréhensible que dans ses commentaires sur cet arrêt, la DAJ du Ministère de l’économie recommandait aux acheteurs d’appliquer d’ores et déjà cette règle[2].

Le juge n’a d’ailleurs pas attendu pour annuler des procédures de passation pour ce motif. Nous recensons à ce jour deux décisions par lesquelles le juge du référé précontractuel annule la procédure de passation en raison de l’absence de valeur ou de quantité maximum [3]. Le juge des référés s’appuie sur l’arrêt de la CJUE et fait fi de l’entrée en vigueur repoussée du décret du 23 août 2021. Selon lui, cette jurisprudence est immédiatement applicable car la CJUE n’a pas limité dans le temps la portée de sa décision.

Dans ces deux décisions, le juge a également considéré que le requérant était lésé par ce manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence.

 

Pourtant, l’existence d’une lésion n’allait pas de soi. Dans son arrêt de juin dernier la CJUE avait considéré que ce manquement était « suffisamment perceptible pour pouvoir être décelé par un opérateur économique qui entendait soumissionner et qui devait, de ce fait, être considéré comme étant averti ».  Mais le juges des référé s’appuie sur les raisons données par la CJUE : ce maximum revêt « une importance considérable pour un soumissionnaire »[4] car c’est sur cette base que ce dernier sera en mesure d’apprécier sa capacité à exécuter les obligations découlant de cet accord-cadre. Le juge des référés national en conclut que faute d’information sur ce maximum le requérant n’a pas pu une présenter une offre adaptée. Et l’argument selon lequel le requérant était l’attributaire sortant et disposait ainsi de suffisamment d’informations, est systématiquement rejeté.

Il faut donc que les acheteurs publics appliquent cette règle dès à présent.

Une mise en pratique qui pose des difficultés car il s’agit d’un changement culturel pour les acheteurs publics

Pour bon nombre de consultations, cette obligation va poser des difficultés. Prévoir une estimation du montant ou des quantités fait déjà souvent l’objet d’âpres discussions en interne entre acheteurs publics et prescripteurs. On peut donc imaginer que fixer une valeur ou une quantité maximale sera parfois une gageure. Car cette règle remet en cause une partie de la souplesse des accords-cadres. Il n’est désormais plus possible de prévoir des achats illimités avec un ou des prestataires pendant une période déterminée. Le maximum est un couperet ; une fois atteint le marché cesse.

Certains seraient alors tentés de « gonfler » ce maximum pour s’assurer une marge de manœuvre durant l’exécution du marché et ainsi faire face à une hausse des besoins. C’est d’ailleurs ce que recommandait la DAJ de Bercy dans sa note sur l’arrêt de la CJUE[5].

Mais c’est une fausse bonne idée.  La CJUE justifie l’obligation de fixer un maximum par le respect des grands principes de la commande publique. En effet, cette information a pour objectif de permettre aux candidats de comprendre la portée des obligations contractuelles mises à leur charge et corrélativement, à l’acheteur public de vérifier que les offres correspondent à ses exigences. Autrement dit, le maximum permet d’apprécier la capacité de l’entreprise à exécuter les obligations découlant du marché. Aussi, en « gonflant » le maximum, les acheteurs publics risquent de dissuader les plus petites entreprises de se présenter ou même d’écarter ou de désavantager ces mêmes entreprises lors de l’analyse des candidatures ou des offres.

Autre effet néfaste de la surestimation du maximum : elle va fausser un certain nombre d’informations et notamment les chiffres de l’observatoire économique de la commande publique (OECP).

 

La passation des marchés de défense ou de sécurité (MDS) est allégée et simplifiée

Les MDS sont des marchés conclus par l’Etat et ses établissements publics qui ont l’un des objets listés à l’article L1113-1 du code de la commande publique. Il s’agit par exemple de la fourniture d’équipements qui sont destinés à être utilisés comme des armes à des fins militaires. Comme ces MDS sont soumis à un régime dérogatoire pour leur passation et leur exécution, le juge veille à leur périmètre. Ainsi, le marché de fournitures de pistolets semi-automatiques lancé par le Ministère de la transition écologique et solidaire pour ses agents de contrôle et de surveillance n’est pas un MDS[6].

Et le décret du 23 août 2021 rend le régime de ces marchés un peu plus dérogatoire aux règles des autres marchés.

En effet, le seuil de publicité et de mise en concurrence passe de 40.000 euros HT à 100.000 euros HT.

L’acheteur pourra également passer un marché sans publicité ni mise en concurrence pour les lots inférieurs à 80.000 €HT si le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur estimée totale des lots[7].

Le décret prévoit également un nouveau cas de marché sans publicité ni mise en concurrence : il s’agit des marchés de fournitures ou de services scientifiques ou techniques. Deux conditions doivent être remplies :

  • Le montant estimé du marché doit être inférieur au seuil de procédure formalisée,
  • et il doit être nécessaire à l’exécution de tâches scientifiques ou techniques sans objectif de rentabilité et spécialisé dans le domaine de la recherche du développement, de l’étude ou de l’expérimentation. Il ne peut pas s’agir de prestations de fonctionnement courant du service[8].

 

Les règles concernant la computation des achats payés par carte achat sont assouplies : le code autorise désormais une vérification a posteriori et par trimestre de la valeur des marchés payés par carte achat[9].

Les règles de publicité pour les procédures adaptées sont également allégées. Désormais, la publication au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) n’est plus obligatoire. L’acheteur public choisira librement les modalités de publicités adaptées en fonction des caractéristiques du marché[10].

Dans le but de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises aux MDS, le décret supprime l’obligation de constituer des garanties financières en contrepartie du versement de certaines sommes. Il prévoit également plusieurs mesures d’ordre financier pour le règlement partiel définitif[11].

Ce décret clarifie également la rédaction de certaines règles, notamment celles concernant la fixation des prix définitifs[12].

A l’exception des règles relatives aux maximums pour les accords-cadres (voir ci-dessus), les règles sur ces marchés de défense ou de sécurité s’appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 26 août 2021.

Sophie Lapisardi, avocat associé, spécialiste en droit public

 

 

[1] modifiant les dispositions du code de la commande publique relatives aux accords cadres et aux marchés publics de défense ou de sécurité

[2] https://www.economie.gouv.fr/daj/consequences-sur-les-accords-cadres-de-larret-de-la-cjue-simonsen-weel

[3] TA bordeaux, ord, 23 août 2021, Sté Coved n° 2103959 et TA Lille, ord, 27 août 2021 SELARL Centaure Avocats, n° 2106335

[4] CJUE du 17 juin 2021 Simonsel & Well A/S aff C 23/20

[5] https://www.economie.gouv.fr/daj/consequences-sur-les-accords-cadres-de-larret-de-la-cjue-simonsen-weel

[6] Conseil d’Etat 18 décembre 2019, Min. de la Transition écologique et solidaire c/ Sté Sunrock n0 431696

[7] Article 2322-14 modifié (article 6 du décret)

[8] Nouvel article R 2322-15 (article 7 du décret)

[9] Nouvel article R.2321-7 créé par l’article 5

[10] Article R.2331-5 modifié (article 9 du décret)

[11] Nouveaux articles R.2391-20-1 et R.2391-20-2 (article 22 du décret)

[12] Article 3

 

 

infographie nouveaux CCAG

infographie nouveaux CCAG ; faut-il les utiliser ? si oui, comment ?

Pourquoi cette question ?

 

Tout d’abord, parce que les CCAG ne sont pas adaptés pour certains acheteurs.

C’est le cas des acheteurs privés soumis à la commande publique (ex : Urssaf, associations, sociétés d’HLM…). Dans ce cas, il est préférable de concevoir ses propres CCAG pour allier le statut privé avec les règles de la commande publique. C’est ce que nous faisons actuellement au cabinet pour plusieurs de nos clients. Nous utilisons naturellement pour cela le Legal Design afin que ces CCAG soient clairs et compréhensibles pour les « vrais » utilisateurs, majoritairement des non-juristes.

 

Ensuite, parce que les CCAG ne s’appliquent pas automatiquement.

Pour appliquer un CCAG il faut l’indiquer expressément dans le marché.

Et se référer à un CCAG n’est pas obligatoire.

Bien sûr, les CCAG sont massivement utilisés par les acheteurs. Pour autant, certains acheteurs ont leurs propres CCAG, tandis que d’autres se dotent de clauses générales « allégées » pour des petits achats. Dans une démarche de Legal Design la meilleure solution serait d’avoir un seul document comportant l’ensemble des clauses administratives. En effet, le va-et-vient permanent entre le CCAP et le CCAG n’est pas satisfaisant pour les utilisateurs des marchés. C’est tout à fait possible et ce n’est  pas plus chronophage que le système actuel CCAG/CCAP (voir mon article à venir sur ce sujet).

 

Quand on se réfère à un CCAG, Il faut connaître quelques règles pour bien l’utiliser :

 

  1. D’abord il faut choisir le bon !

 

En effet, nous disposons maintenant de 6 CCAG mais vous devez choisir. En principe, vous ne pouvez utiliser qu’un seul CCAG. Mais naturellement si certaines clauses d’un autre CCAG vous intéressent, vous avez parfaitement le droit de les reprendre dans votre CCAP.

Et Il y a une exception au principe du CCAG unique : il s’agit des marchés globaux. C’est le cas notamment des marchés de conception-réalisation : vous pourrez alors vous référer aux CCAG maitrise d’œuvre et Travaux. Mais dans ce cas, il faudra clairement indiquer quel CCAG s’applique à quelle phase de l’exécution du marché.

 

  1. Il faut y faire référence

Il faut donc expressément mentionner le ou les CCAG comme faisant partie des documents contractuels de votre marché.

 

  1. Pour déroger au CCAG, il faut respecter certaines règles

Il faut expressément indiquer qu’on déroge au CCAG dans le CCAP ou tout autre document du marché (article R.2112-3 du CCP).

Les CCAG (2009 et 2021) prévoient également qu’il faut récapituler toutes les dérogations dans un dernier article du CCAP.

Quelles sont les conséquences si cette règle n’est pas respectée ?

On a coutume de citer l’arrêt Canac du Conseil d’État (CE, 31 juillet 1996, Canac) mais les juridictions du fond ne le suivent pas toujours en fonction des circonstances de l’affaire.

Faut-il alors déroger à cette règle du CCAG ? Autrement dit, faut-il indiquer dans le CCAP qu’on déroge à cet article du CCAG qui impose de récapituler les dérogations ? C’est probablement créer plus de difficultés d’interprétation.

Bien sûr le juge cherchera la commune intention des parties ; mais rien ne vaut un contrat clair. La clarté c’est la sécurité. Un contrat compris par ses utilisateurs est un contrat qui sera mieux appliqué.

 

Aussi nous vous conseillons de procéder de la manière suivante :

  1. Indiquer clairement les dérogations au CCAG dans le CCAP ou un document équivalent ;
  2. Préciser à quel(s) article(s) du CCAG vous entendez déroger ;
  3. Récapituler les dérogations dans le dernier article du CCAP (ou un document équivalent).