Est-ce que le titulaire d’un contrat public (marché public, concession…) peut arrêter d’exécuter ses obligations contractuelles si son cocontractant, administration, ne le paye pas ou plus ?

La réponse ressemble un peu à une valse à trois temps : Non, mais oui, mais non.

Explications :

Nous mettrons immédiatement de côté l’hypothèse d’une absence de paiement résultant d’une violation des propres obligations contractuelles de l’entreprise auquel cas toute décision d’interrompre l’exécution du contrat est non seulement interdite, mais aggraverait sa situation.

Si aucune faute ne peut lui être reprochée, la règle, rappelée et appliquée récemment par le Conseil d’Etat est la suivante :

En principe, il n’est pas possible de rompre les relations contractuelles :

« Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir de manquements ou de défaillances de l’administration pour se soustraire à se propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat ».

Le principe est donc clair : subir dans un premier temps, sachant qu’il sera toujours possible d’être rapidement indemnisé par le biais d’un référé provision, voire même d’obtenir du juge (du fond) qu’il prononce la résiliation aux torts de la personne publique.

Une exception existe mais est soumise à trois conditions cumulatives ; Il est possible de cesser d’exécuter le contrat et d’y mettre fin :

  1. Si le contrat le prévoit expressément ;

  2. Et s’il ne concerne pas l’exécution d’une mission de service public ;

  3. Et enfin, si l’administration n’a pas invoqué un motif d’intérêt général justifiant selon elle, la poursuite des relations contractuelles.

En effet, avant de mettre fin aux relations contractuelles, le cocontractant devra avoir mis à même la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public.

Par exemple, pour un marché de fourniture de matériel médical, la personne publique pourrait soutenir que le matériel fourni est indispensable au bon fonctionnement du service hospitalier et s’opposer ainsi à l’application de la clause permettant à son cocontractant de résilier le contrat.

Or, si l’administration invoque un motif d’intérêt général, le cocontractant doit obligatoirement poursuivre l’exécution du contrat sous peine de voir le contrat être résilié à ses torts exclusifs et ce, même si le motif n’est pas justifié.

Si l’envie venait à l’entreprise de ne pas exécuter ses obligations, l’Administration pourrait appliquer des pénalités et si ce n’est pas suffisant, saisir le juge des référés afin qu’il fasse injonction au cocontractant d’exécuter son contrat sous peine d’une astreinte.

Cette situation – bien désagréable – ne serait toutefois que passagère car l’entreprise pourrait alors contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat et en tout état de cause, une indemnisation de son préjudice, y compris très rapidement par le biais d’un référé-provision.

Récemment, le Conseil d’Etat a sanctionné un cocontractant qui n’exécutait plus son contrat au motif que l’Administration ne payait pas son sous-traitant. En effet, aucune stipulation de son contrat ne l’autorisait à le faire. Le juge lui ordonne de reprendre l’exécution du contrat avec une astreinte de 2000 euros par jour de retard (CE, 19 juillet 2016, CH Andrée Rosemon, n° 399178).

En sens inverse, il a été jugé qu’une société avait parfaitement pu rompre ses relations contractuelles avec son cocontractant, le MUCEM, pour défaut de versement des loyers de location du matériel mis à sa disposition. En effet, son contrat le prévoyait, il ne concernait pas l’exécution du service public et l’établissement public n’avait jamais invoqué un motif d’intérêt général avant la résiliation par la société (CAA Nancy 2 avril 2015, Grenke Location n° 14NC01916).

On le voit, la prudence est de mise… pour les deux parties :

  • Cesser d’exécuter ses obligations contractuelles quand l’administration est son cocontractant n’est possible que dans des cas limités ;
  • Mais l’administration s’expose de son côté, à indemniser intégralement son cocontractant, voire même à ce que le contrat soit résilié par le juge à ses torts exclusifs.

Dans ces situations, la palette d’intervention du juge des référés permet à chacune des parties d’obtenir rapidement une décision.

 

Sophie Lapisardi, avocat associé, Spécialiste en droit public

Honoraires

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser à nouveau la manière dont les pénalités de retard infligées dans le cadre d’un contrat public sont appliquées et dont le juge peut les moduler (CE, 20 juin 2016, Sté Eurovia Haute Normandie, n°376235) en prenant notamment en compte :

 

  • Le montant des pénalités par rapport au montant initial du marché ;

 

  • L’ensemble des circonstances de l’espèce, dont le préjudice effectivement subi par la personne publique ;

 

En l’espèce, dans le cadre du marché de fourniture et de mise en œuvre de la voirie du programme de transport est-ouest de Rouen, des pénalités de retard dans l’exécution des travaux avaient été portées au décompte général.

 

Outre la contestation de la date d’achèvement des travaux, qui conditionnait la durée d’application des pénalités, cette affaire est l’occasion de préciser les pouvoirs du juge sur les pénalités prononcées contre les titulaires de contrats publics.

Le pouvoir de modulation des pénalités contractuelles

 

Depuis 2008[1], les juridictions administratives disposent du pouvoir de moduler les pénalités contractuelles, en les augmentant ou en les diminuant, si cette demande est formulée par les parties[2].

 

Le juge administratif peut user de ce pouvoir de modulation des pénalités s’il considère qu’elles sont excessives ou dérisoires.  Jusqu’à présent, les critères d’appréciation du caractère excessif ou dérisoire des pénalités n’étaient pas définis avec clarté. Le seul critère d’appréciation utilisé tenait au pourcentage que les pénalités représentaient par rapport montant initial du marché.

 

A titre d’exemple, ont été jugées excessives des pénalités représentant :

 

  • 80% du montant du marché HT[3]
  • 58% du montant total du marché[4]
  • 56,2 % montant global du marché[5]

 

A l’inverse, des pénalités de plus faible montant n’ont pas été jugées excessives dans les cas suivants :

 

  • 14% du montant du marché initial[6];
  • 18,7% du montant du marché[7];
  • 20% du montant global et définitif d’un marché à bons de commande[8];

 

Toutefois, l’insuffisance de ce seul critère du montant global du marché a conduit le Conseil d’Etat à préciser, certes de manière sibylline, des critères d’appréciation complémentaires.

 

Vers une prise en compte du préjudice subi par le pouvoir adjudicateur pour apprécier le caractère excessif ?

 

A plusieurs reprises, des juridictions ont innové par la prise en compte d’éléments autres que le seul montant du marché.

 

Ainsi, la Cour administrative de Paris a expressément fait référence au préjudice du créancier[9] pour apprécier des pénalités de retard contractuelle. A cette occasion elle a considéré que n’étaient pas excessives des pénalités :

 

  • représentant 10 % du montant du marché ;

 

  • appliquées en raison d’un dépassement constant des délais contractuels qui avait causé un préjudice d’image important à la personne publique cocontractante.

 

Récemment, la Cour administrative de Marseille a été invitée à suivre la même voie[10].

 

Cette position est adoptée de longue date dans le cadre de contrats privés. En effet, le juge judiciaire apprécie le caractère excessif principalement par le prisme du préjudice subi par le cocontractant en se fondant sur « la disproportion manifeste entre l’importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé »[11].

 

A titre d’exemple, la Cour d’appel de Nîmes a pu réduire des pénalités de retard de 32 381,70 euros à 630 euros, estimant que le cocontractant ne prouvait pas avoir « subi un quelconque préjudice du fait de ce retard »[12].

 

C’est dans cette perspective que s’inscrit l’arrêt commenté.

 

Tout en maintenant expressément le principe selon lequel le caractère excessif ou dérisoire d’une pénalité s’apprécie « eu égard au montant du marché », le Conseil d’Etat semble aussi prendre en compte deux nouveaux éléments : le préjudice subi par la personne publique et l’impact sur la marge bénéficiaire de son cocontractant.

Plus encore, le Conseil d’Etat semble laisser ouverte la possibilité de prendre en compte d’autres éléments puisque c’est au regard de « l’ensemble des circonstances de l’espèce » qu’il estime que les pénalités d’espèce n’étaient pas excessives.

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.


 

[1] CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n°296930

[2] Contrairement à l’article 1152 du code civil dont il s’inspire, le juge administratif ne peut pas soulever d’office ce moyen.

[3] CAA Bordeaux, 19 janvier 2016, n°14BX01375

[4] CAA Bordeaux, 25 avril 2016, n°14BX00073

[5] CE, 29 décembre 2008, préc.

[6] CAA Lyon, 11 février 2016, n°14LY00614

[7] CAA Nancy, 29 septembre 2015, n°14NC01133

[8] CAA Marseille, 26 octobre 2015, n°14MA01948

[9] CAA Paris, 11 février 2014, Société Ansoldobreda, n°12PA04995

[10] Conclusions R. Thielé sur CAA Marseille, 9 novembre 2015, n°14MA02747, AJDA 2016, p.318

[11] Cass., com., 11 février 1997, n°95-10.851.

[12] CA Nîmes, 2 mai 2013, n°10/03152

A la suite de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 16 avril 2016 (CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n°391431), les commentateurs ont tous vu le signe de la renaissance de la domanialité publique virtuelle.

Jusqu’à cet arrêt, on croyait que l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publique (CG3P)[1] avait fait disparaître cette théorie[2], qui entraîne l’application par anticipation du régime de la domanialité publique à des biens du domaine privé ne remplissant pas encore les conditions d’appartenance au domaine public.

Or, nombreuses sont les opérations immobilières des collectivités territoriales qui pourraient être concernées par sa nouvelle application, avec à la clef l’interdiction de céder le bien.

  • Que recouvre la domanialité publique virtuelle ?

La domanialité publique virtuelle permet d’appliquer les règles protectrices du domaine public (inaliénable, imprescriptible etc.) à un bien du domaine privé d’une collectivité territoriale non encore classé mais qui le sera de manière certaine à l’avenir.

Par anticipation, un bien peut donc être soumis au régime de la domanialité publique dès lors que :

  • la personne publique a pris la décision de l’affecter à un service public ;
  • et qu’il fait l’objet d’un aménagement indispensable entrepris de façon suffisamment certaine.

Le risque pour les opérations de cession immobilière classiquement réalisées est manifeste : si la personne publique affiche sa volonté de racheter une partie des constructions pour y implanter un service public et l’aménager en fonction, la parcelle concernée se verrait appliquer les règles du domaine public par anticipation, ce qui ferait obstacle à sa cession à un aménageur ou à un promoteur (indépendamment des éventuelles problématiques de qualification des contrats en marché public ou en concession).


  • Quelles précautions doivent prendre les collectivités territoriales et les promoteurs ?

Si la décision d’affectation à un service public est facilement définissable, celle de l’aménagement indispensable est plus problématique.

En effet, un aménagement est regardé comme indispensable s’il rend le bien utilisable exclusivement pour l’activité concernée.

Cette notion laisse donc une marge de manœuvre pour apprécier ce qui est indispensable ou non au service public (par exemple, on peut penser que des locaux « bruts » ne permettent pas d’exercer la mission de service public).

De plus, le caractère certain des travaux d’aménagement peut se matérialiser de multiples façons, par « l’ensemble des circonstances de droit ou de fait », tel que les contrats signés, le début de travaux, les actes administratifs de la personne publique etc.[3]

Dès lors, les collectivités territoriales soucieuses de valoriser leur patrimoine et d’en affecter une partie à un service public ou à l’usage direct du public doivent redoubler de vigilance au moment du déclassement et de la cession du terrain.

Les promoteurs ont aussi, de leur côté, tout intérêt à sécuriser au maximum ces opérations. En effet, si elle est appliquée par une juridiction, la domanialité publique virtuelle entraîne l’annulation, par nature rétroactive, de l’acte de cession et fait peser sur les parties de lourdes conséquences financières.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.

[1] Notamment son article L.2111-1 qui définit la consistance du domaine public

[2] Créée par le Conseil d’Etat : CE, 6 mai 1985, Eurolat Crédit Foncier de France, n° 41589

[3] CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n°391431

A un mois de l’Euro de football 2016, le Conseil d’Etat a statué sur la régularité de la procédure de passation du contrat de partenariat conclu pour la construction du nouveau stade de Bordeaux, devant accueillir cinq rencontres.

Les requérants contestaient deux délibérations du 24 octobre 2011 par lesquelles le conseil municipal de Bordeaux a approuvé, d’une part, les termes du projet de contrat de partenariat et autorisé le maire à signer ce contrat et d’autre part, autorisé le maire à signer l’accord autonome ainsi que l’acte d’acceptation de la cession de créance.

Les requérants invoquaient notamment le défaut d’information des élus préalablement à la délibération approuvant le contrat et autorisant le maire à signer le contrat.

Tout en précisant le contenu de l’information devant être délivrée aux conseillers municipaux préalablement à la délibération autorisant le maire à signer un contrat de partenariat (1.), le Conseil d’État sauve le contrat de la résiliation sous réserve d’une régularisation (2.) (CE, 11 mai 2016, M.B., n°383768).

1. Un droit d’information renforcé des élus pour les contrats de partenariat

Le droit des conseillers municipaux d’être informés sur les affaires de la commune (article L.2121-13 du code général des collectivités territoriales) trouve une application particulière lorsqu’ils délibèrent sur l’autorisation donnée au maire de signer un contrat de partenariat (articles L.1414-10 et D. 1414-4 du CGCT).

L’impact de l’exécution du contrat sur les finances de la collectivité est au nombre des informations devant être délivrées aux conseillers municipaux, par le biais d’une note préalable à la délibération indiquant :

  • le coût prévisionnel du contrat, rapporté en moyenne annuelle ;
  • la part qu’il représente par rapport à la capacité de financement de la commune ;

Le Conseil d’Etat précise que le coût prévisionnel du contrat doit prendre en compte :

  • D’une part, les sommes versées à raison du contrat et liées aux prestations confiées au partenaire privé. Il en va ainsi des sommes versées par le partenaire privé à la collectivité (recettes) et de celles versées par la collectivité publique au prestataire (redevances).
  • D’autre part, toutes les sommes qui pourraient être versées pendant l’exécution du contrat, même si elles n’ont pas directement de lien avec les prestations exécutées durant le contrat.

A titre d’exemple, le versement d’une « subvention » de 17 millions d’euros de la commune au partenaire privé concernant une avance sur rémunération ou bien les impôts et taxes payés par le partenaire privé et refacturés à la commune doivent être inclus dans le coût prévisionnel du contrat, quand bien même ces sommes n’ont pas de lien direct avec les prestations prévues par le contrat.

Cette définition du coût prévisionnel correspond à la définition de la valeur du marché de partenariat de l’article 151 du décret n°2016-360 sur les marchés publics du 26 mars 2016.

2. Un nouvel exemple de l’approche pragmatique du juge quant aux conséquences des vices affectant le contrat

De jurisprudence désormais établie, l’annulation d’un acte détachable du contrat n’entraîne pas automatiquement la résiliation de ce dernier. La possibilité de régulariser le contrat ou une atteinte manifestement excessive à l’intérêt général peut conduire le juge à maintenir les relations contractuelles.

L’arrêt du 11 mai 2016 illustre les larges pouvoirs dont dispose le juge dans ce cadre, dans la droite ligne des jurisprudences Tropic et Tarn et Garonne. voir sur ce thème notre article

Tout en relevant que le défaut d’information suffisante des membres du conseil municipal constitue un vice grave, le Conseil d’Etat laisse un délai de quatre mois à la commune pour régulariser la signature du contrat, par l’adoption d’une nouvelle délibération, à défaut de quoi la commune est enjointe de résilier le contrat.

Les matchs de l’Euro 2016 sont ainsi sauvés !

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.

La jonction entre deux DSP est parfois difficile à réaliser. Un recours contre une procédure de passation, une annulation d’un contrat de DSP en cours, une procédure de passation infructueuse etc. : nombreux sont les événements imprévus pour lesquels l’urgence à conclure un contrat de DSP, même provisoire, se heurte à une procédure de publicité et de mise en concurrence longue et rigoureuse.

Jusqu’à présent, les juridictions administratives n’avaient pas dégagé de solution claire. Soit elles assimilaient une convention provisoire à une simple prolongation du contrat initial (CAA Marseille, 9 avril 2009, Cne d’Orange, n°07MA02807), soit elles reconnaissaient la possibilité pour la personne publique de prolonger unilatéralement le contrat, sauf pour les conditions financières de la convention (CAA Douai, 16 novembre 2006, Syndicat mixte des transports en commun de la communauté urbaine de Lille, n°05DA00233). Plus récemment, le juge avait même admis la possibilité pour une collectivité territoriale de prendre une mesure de police administrative pour assurer la continuité d’un service public en cas de résiliation du contrat initial (CAA Marseille, 30 janvier 2015, société Scam TP, n°13MA03765).

Prenant acte de cette situation de fait, le Conseil d’Etat vient de préciser les cas dans lesquels une personne publique peut conclure un contrat de délégation de service public temporaire, sans respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombent normalement (CE, 4 avril 2016, Société Caraïbes Développement, n°396191).

En l’espèce, la Communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) a conclu en 2008 une convention de délégation de service public portant sur la gestion et l’exploitation d’une fourrière de véhicules avec une société privée. Ce contrat, repris en 2011 par la société Caraïbes Développement, avait pour terme le 31 août 2015. En vue de la fin du contrat, la CACEM a souhaité le prolonger par avenant jusqu’au 30 avril 2016, motif pris du transfert de cette compétence à l’Etat à cette date et afin d’éviter de conclure une nouvelle convention de longue durée.

Toutefois, deux clauses de l’avenant ainsi conclu avec la société Caraïbes Développement ont été considérées comme illégales par le préfet de la Martinique, avis qui a conduit la CACEM a « retiré » ledit avenant et a conclure un nouveau contrat provisoire avec une autre société.

C’est la procédure de passation de ce contrat provisoire qui était contestée par la société Caraïbes Développement qui arguait, devant le juge du référé contractuel, de l’absence de toute procédure de publicité et de mise en concurrence.

La CACEM pouvait-elle conclure un contrat de délégation de service public provisoire sans publicité ni mise en concurrence et, le cas échéant, sous quelles conditions ?

Les juges du Palais Royal estiment que la conclusion d’un contrat provisoire de délégation de service public est possible, sans procédure de publicité et de mise en concurrence (qui est pourtant la règle en principe), si trois conditions cumulatives sont réunies :

  • L’urgence caractérisée par l’impossibilité imprévisible, soudaine et extérieure à la volonté de la personne publique, de faire poursuivre l’exécution du service public par son cocontractant ou par elle-même. A ce titre, on peut imaginer que la fin naturelle du contrat ou qu’une situation de défaillance dans laquelle se serait elle-même placée l’autorité délégante ne saurait caractériser la condition d’urgence ;
  • Un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public ;
  • Une durée du contrat provisoire ne dépassant pas le délai nécessaire à la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence en bonne et due forme ou pour organiser les conditions de la reprise du service en régie.

En l’espèce, le « retrait » de l’avenant de prolongation par la CACEM a été regardé comme une résiliation à l’initiative de la personne publique alors que le contrat aurait valablement pu être prolongé, circonstance faisant obstacle à ce que la condition d’urgence soit regardée comme remplie et, en conséquence, à ce que le contrat provisoire puisse être conclu sans publicité ni mise en concurrence.

Si la clarification apportée par le Conseil d’Etat constitue une avancée par la reconnaissance  expresse de la légalité de ces conventions provisoires, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une exception dont les conditions d’application sont très strictes et qui exige une attention toute particulière avant la conclusion d’un contrat provisoire.

Reste aussi à savoir si cette jurisprudence s’appliquera aux contrats soumis aux nouvelles règles sur les concessions applicables depuis le 1er avril 2016.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.

Sans bouleverser la règlementation, cette réforme la modifie cependant en profondeur par une constellation de modifications.

Nous avons choisi de vous présenter une synthèse des principales modifications sous forme de schéma, sachant que les principaux thèmes ont été repris dans des articles publiés sur notre site.

  • Concernant la passation 

 

Passation

Pour aller plus loin : voir nos articles sur l’allotissement et l’analyse des candidatures

 

Passation (suite)

Pour aller plus loin : voir notre article sur les variantes.

 

Passation (suite et fin)

Pour aller plus loin : voir nos articles sur les offres non conformes, les nouveaux critères d’attribution et le nouvel acte d’engagement.

 

  • Concernant l’exécution des marchés 

Les modifications des marchés sont désormais très encadrées (voir notre article sur les modifications des marchés).

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public

La réforme des marchés publics s’accompagne d’une nouvelle liste des renseignements demandés aux candidats, adoptée par arrêté du 29 mars 2016 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics. Il abroge l’arrêté du 28 août 2006 ayant le même objet et s’applique aux marchés pour lesquels une consultation a été engagée ou un appel public à la concurrence envoyé depuis le le 1er avril 2016.

Cet arrêté reste, comme l’arrêté du 2006  une liste limitative. Il distingue les documents selon leur objet :

-d’une part, les pièces exigibles afin d’apprécier la capacité économique et financière des candidats (chiffre d’affaires, bilans ou extraits de bilans, déclarations de banques, etc), (article 2),

-et d’autre part, celles qui le sont afin d’apprécier leurs capacités techniques et professionnelles (liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, effectifs moyens des candidats et importance du personnel d’encadrement …), (article 3).

Ce qui frappe à sa lecture c’est la volonté de limiter la production des documents à ce qui est strictement nécessaire pour l’appréciation des capacités des opérateurs économiques, mais surtout ce qu’il est possible pour eux de produire. Ainsi, alors que l’arrêté de 2006 précisait que l’acheteur pouvait demander « la déclaration concernant le chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles« , le nouvel arrêté précise :  la « déclaration concernant le chiffre d’affaires global du candidat et, le cas échéant, le chiffre d’affaires du domaine d’activité faisant l’objet du marché public, portant au maximum sur les trois derniers exercices disponibles en fonction de la date de création de l’entreprise ou du début d’activité de l’opérateur économique, dans la mesure où les informations sur ces chiffres d’affaires sont disponibles »

Par ailleurs, l’arrêté du 29 mars 2016 apporte quelques nouveautés et précisions :

  • Désormais les acheteurs publics peuvent prendre en compte les éléments de preuve relatifs à l’exécution de marchés de plus de 5 ans pour les travaux, et de plus de 3 ans pour les fournitures et services.

« Afin de garantir un niveau de concurrence suffisant »,  il est prévu que « l’acheteur peut indiquer que les éléments de preuve relatifs à des travaux exécutés il y a plus de cinq ans seront pris en compte », cette possibilité étant reprise pour les marchés de produits et de services exécutés il y a plus de 3 ans.

Les acheteurs publics peuvent donc demander aux candidats des références sur une période plus étendue qu’auparavant (vs 5 ans maximum pour les travaux et  3 ans maximum pour les fournitures et services avec l’arrêté de 2006).

  • Vérification des formes des documents de preuve

Les acheteurs pourront désormais utiliser la base de données e-Certis de la Commission européenne pour vérifier les formes des documents de preuve ou des pièces justificatives des candidats.

E-Certis est un guide des différents documents et certificats que les entreprises doivent fournir pour participer à des marchés publics dans les Etats membres de l’Union européenne. Il aide les acheteurs à déterminer les documents qu’ils doivent demander aux candidats, ou ceux qu’ils peuvent accepter.

En outre, à partir du 1er octobre 2018, lorsque les acheteurs demanderont la production d’un certificat, d’une attestation ou d’un document de preuve particulier, ils exigeront principalement celles de ces pièces justificatives qui sont référencées dans cette base (article 6).

  • Les acheteurs publics peuvent demander des indications supplémentaires concernant la chaine d’approvisionnement et les mesures de gestion environnementale

L’arrêté intègre une nouvelle possibilité pour les acheteurs publics qui peuvent désormais exiger la communication de deux éléments supplémentaires :

– « l’indication des systèmes de gestion et de suivi de la chaine d’approvisionnement que le candidat pourra mettre en œuvre lors de l’exécution du marché public » ;

– « l’indication des mesures de gestion environnementale que le candidat pourra appliquer lors de l’exécution du marché public ».

  • La fourniture de certificats de qualité

L’acheteur peut demander aux candidats qu’ils produisent des certificats de qualité attestant qu’ils se conforment à certaines normes d’assurance de qualité, y compris en ce qui concerne l’accessibilité pour les personnes handicapées.

Ces certificats sont fondés sur les normes européennes et certifiés par des organismes accrédités. Ce dispositif est nettement plus développé que celui qui était décrit dans l’arrêté de 2006 (art. 4).

 


Article rédigé par Sophie Lapisardi, Avocat associée et Mickael Laurent, stagiaire -Master 2 Droit public des affaires.

Négociation

Les modes de règlement amiable des litiges sont renouvelés : d’un côté le recours au médiateur des entreprises fait son apparition, de l’autre, le champ du recours à l’arbitrage est questionné (article 142 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016).

En cas de litige, il est désormais possible de recourir :

  • Soit au Comité consultatif de règlement amiable des différends ou des litiges (CCRA). Cette possibilité n’est pas nouvelle et était prévue dans les mêmes termes à l’article 127 abrogé du code des marchés publics.

Le décret n°2010-1525 du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics semble toujours applicable à la procédure de saisine de l’un de ces 7 comités locaux.

Organismes paritaires, composés de représentants de l’administration et des organisations professionnelles, les CCRA peuvent être saisis sans formalité, ni demande préalable, sur simple demande circonstanciée, motivée et accompagnée des pièces justificatives.

Les CCRA rendent un avis non contraignant, motivé en droit et en opportunité.

  • Soit au Médiateur des entreprises. Le recours à cette nouvelle instance est une innovation du décret du 25 mars 2016.

Nommé par décret du 14 janvier 2016, le premier médiateur des entreprises (Pierre PELOUZET) a repris les missions anciennement confiées à la médiation des marchés publics.

Le décret relatif aux marchés publics précise qu’il « agit comme tierce partie, sans pouvoir décisionnel, afin d’aider les parties, qui en ont exprimé la volonté, à trouver une solution mutuellement acceptable à leur différend ».

Ainsi, à la différence des CCRA qui tranchent le litige, par un avis non contraignant, dont les parties sont libres de se saisir ou non, le médiateur des entreprises dispose d’une mission de conciliation entre les parties en vue de la résolution amiable et concertée du litige.

-Le recours à ces deux procédures amiables emporte les mêmes conséquences que celles prévues par le code des marchés publics avant la réforme :L’interruption du cours des différentes prescriptions

-L’interruption des délais de recours contentieux jusqu’à la notification du constat de clôture de la médiation ou la notification de la décision prise par l’acheteur sur l’avis du comité.

  • Soit à l’arbitrage, sous conditions :

Contrairement au code des marchés publics (article 128 abrogé), le recours à l’arbitrage n’est expressément prévu que pour l’exécution des marchés de partenariat (article 90 de l’ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015).

Néanmoins, l’article 69 de la loi du 17 avril 1906, qui autorise l’État, les départements et les communes à recourir à l’arbitrage pour la liquidation de leurs dépenses de travaux publics et de fournitures, n’est pas abrogé par la présente réforme et la faculté de l’ancien article 128 semble ainsi maintenue.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste

Avec le décret du 25 mars 2015, le recours aux variantes est parfois autorisé, parfois interdit et il peut désormais même être exigé (article 58 du décret n°2016-360 du 25 mars 2015). Afin d’y voir plus clair, nous avons synthétisé les dispositions applicables :

 

  • Les règles de principe

 

  • L’exception : les variantes peuvent désormais être exigées par l’acheteur

 

Le décret permet désormais aux acheteurs d’exiger la présentation de variantes, quelle que soit la procédure suivie. La seule condition qu’impose le II de l’article 58 du décret est celle d’une information préalable des candidats dans l’un des documents suivants : avis d’appel à la concurrence, invitation à confirmer l’intérêt ou dans un des documents de la consultation.

 

Les documents contractuels doivent indiquer, comme c’était le cas sous l’empire du code des marchés publics, les exigences minimales que les variantes autorisées ou exigées doivent remplir ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent ou doivent être présentées.

 

De plus, les acheteurs doivent veiller à ce que les critères d’attribution qu’ils déterminent soient applicables tant aux offres de base qu’aux variantes qui peuvent être demandées (article 62-V du décret du 25 mars 2016).

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.

Feu le DC3, voici l’ATTRI1, autrement dit le nouveau formulaire de l’acte d’engagement aux marchés ou accords-cadres.

Le changement va bien au delà de la dénomination : alors que le candidat devait jusqu’à présent signer l’acte d’engagement pour déposer son offre, sa signature n’est désormais obligatoire qu’au stade de l’attribution du marché.

Un allégement bienvenu pour les opérateurs économiques et les acheteurs !

Ce formulaire n’est pas obligatoire mais très souvent utilisé dans la pratique. Il permet en effet, de récapituler les principales caractéristiques du marché.

Il est en ligne sur le site de la DAJ est accompagné d’une notice explicative.

article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public