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Le domaine public est une source importante de recettes pour les personnes publiques et notamment les collectivités territoriales. En effet, tout occupant ou usager doit, en principe, payer une redevance pour l’occuper ou l’utiliser : qu’il s’agisse du vendeur de journaux dans son kiosque, du restaurateur qui y installe sa terrasse, du concessionnaire de service public ou du titulaire de marché de partenariat.

Pourtant, il n’existait pas, jusqu’à présent, d’obligation de mise en concurrence et de publicité préalables pour l’attribution de ces titres.

Sous l’influence de l’Union Européenne et, plus particulièrement de la décision de la CJUE du 14 juillet 2016, « Promoimpresa » imposant une transparence dans l’attribution des titres domaniaux, l’article 34 de la loi Sapin II du 9 décembre 2016 a habilité le gouvernement à modifier les règles relatives à la propriété des personnes publiques par ordonnance. En effet, elle avait établi une feuille de route précise, incitant notamment à adopter une procédure de publicité et de mise en concurrence préalables (voir notre article sur ce point).

Partant, l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques consacre cette obligation tout en prévoyant des exceptions ; elle prévoit également une clarification des règles relatives à la gestion du domaine afin d’optimiser la valorisation des propriétés publiques.

 

Certains titres domaniaux doivent faire l’objet d’une procédure de publicité et de mise en concurrence

 

Le principe est désormais que l’occupation ou l’utilisation du domaine public en vue d’une « exploitation économique » doit donner lieu à des mesures de publicité et de mise en concurrence. Cette notion est large ; a priori seules les activités des associations ou d’intérêt public pourraient y échapper. De plus, plusieurs exceptions sont prévues.

 

 

De manière logique la cession du titre et des droits réels résultant du titre est également affectée puisqu’il est désormais prévu qu’elle ne sera pas possible si le respect des obligations de mise en concurrence s’y oppose, c’est-à-dire si les conditions de la consultation préalable sont de nature à être remises en cause par la qualité du cessionnaire (art. 2122-7 et 2341-1 du CG3P et art. 1311-3 du CGCT). On peut noter que le texte ne prévoit pas, comme en matière de marchés publics ou de concessions, la possibilité de céder à une société issue d’une restructuration du titulaire précédent.

 

La durée des titres

 

En conséquence, la durée de l’autorisation doit être limitée à ce qui est nécessaire pour « assurer l’amortissement des investissements et permettre une rémunération de l’occupant ainsi qu’une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis ». Par cette formulation, le régime des conventions d’occupation du domaine public se rapproche de celui des concessions.

 

Le calcul du montant de la redevance est précisé pour les contrats de la commande publique

 

En principe, toute occupation ou utilisation privative du domaine public doit donner lieu au versement d’une redevance (article L2125-2 du CG3P). Aucune règle particulière n’existait quand il s’agissait d’en fixer le montant pour une occupation ou une utilisation liée à l’exécution d’un contrat public (par exemple pour construire un parc de stationnement et l’exploiter). Il fallait tenir compte, comme pour n’importe quel titre, « des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation » (article L.2125-3 du CG3P). Or, quand un concessionnaire finance, parfois exclusivement, la construction d’un ouvrage pour l’exploiter ou exploiter un service, la notion « d’avantages » est toute relative… Cette règle générale pouvait ainsi conduire à des flux financiers croisés entre la personne publique et son cocontractant uniquement destinés à « refacturer » la redevance, au surplus assujetti à la TVA.

Désormais, le montant de la redevance liée à l’exécution d’un contrat de la commande publique devra être déterminé au regard de l’économie générale du contrat.

Il est même prévu que l’autorisation soit gratuite quand le contrat « s’exécute au seul profit de la personne publique ». Reste à savoir ce qu’il faut entendre par « seul profit »…

 

L’assouplissement de la gestion du domaine public des personnes publiques

 

1.Il est désormais possible de délivrer un titre d’occupation sur une dépendance du domaine privé par anticipation à son incorporation dans le domaine public

Prenons l’exemple d’une commune qui vient de lancer des travaux pour la construction d’un bâtiment destiné en partie, à accueillir ses services municipaux. Elle souhaite rentabiliser le rez-de-chaussée en permettant par exemple l’occupation par un restaurateur. Auparavant, elle devait attendre que les travaux soient achevés pour que le bien fasse partie du domaine public. Désormais, elle pourra délivrer un titre d’occupation avant même la fin de travaux.

 

Il faudra toutefois que cette incorporation au domaine public intervienne dans un délai de 6 mois à compter de la délivrance de cette autorisation et que les conditions en cas de non incorporation du bien soient prévues.

 

2.Il est possible de vendre un bien alors même que celui-ci fait encore partie du domaine public

La loi Sapin 2 avait facilité les opérations immobilières pour l’Etat (voir notre article). C’est désormais également chose faite pour les collectivités territoriales.

Prenons l’exemple d’une commune qui abrite une crèche communale dans un bâtiment destiné à être vendu et qui souhaite déplacer ce service public dans un nouveau bâtiment en cours de réalisation. En principe, elle doit suivre la procédure chronologique suivante :

 

 

Autrement dit, avec ce principe elle doit attendre que la crèche ait quitté les lieux pour prononcer le déclassement du bien et ensuite le vendre. Elle ne peut donc pas disposer du prix de la vente pour financer les nouveaux locaux tant que le service municipal occupe le bâtiment pourtant destiné à être vendu.

Désormais, la commune pourra anticiper le déclassement et la vente d’un bien alors même qu’il est toujours affecté au service public ou à l’usage du public.

 

 

L’acte de vente devra prévoir :

  • une clause par laquelle la vente sera résolue (annulée rétroactivement), si la désaffectation ne s’opère pas dans ce délai ;
  • les conditions de la libération de l’immeuble par le service public ou la reconstitution des espaces affectés à l’usage direct du public.

 

3.Il est possible de s’engager à vendre un bien alors même que celui-ci fait encore partie du domaine public

Dans les hypothèses où la commune souhaiterait, par exemple, vendre un bien affecté à l’usage d’un service public et toujours utilisé par ce service, mais qu’un déclassement par anticipation ne serait pas opportun, elle peut toujours signer une promesse synallagmatique de vente.

 

 

Il faut toutefois que la promesse synallagmatique prévoit (et ce, à peine de nullité) :

  • des clauses précisant que l’engagement de la personne publique propriétaire reste subordonné à l’absence, après la signature de la promesse, d’un motif tiré de la continuité des services publics ou de la protection des libertés auxquels le domaine en cause est affecté qui imposerait le maintien du bien dans le domaine public ;
  • et que l’indemnité prévue en l’absence de cession n’excède pas le remboursement des dépenses engagées par le bénéficiaire de la promesse et « profitant à la personne publique propriétaire ».

 

Cette restriction de l’indemnisation réduit toutefois l’intérêt de cet assouplissement car un promoteur qui réalise des études pour la conception d’un ensemble immobilier ne pourra pas en être indemnisé.

 

4.La régularisation de certaines cessions irrégulières

L’ordonnance vient également régulariser les cessions antérieures intervenues sans déclassement préalable, sous certaines conditions (article 12).

 

5. Une dérogation à l’interdiction de cession gratuite du domaine mobilier de l’Etat est consacrée

Alors qu’en principe il n’est pas possible de céder un bien du domaine public gratuitement ou à un prix inférieur à sa valeur vénale en raison de l’interdiction de consentir des libéralités, il est désormais possible de procéder à une cession gratuite de biens meubles du ministère de la défense au profit d’Etats étrangers. Il peut s’agir de matériels de guerre et assimilés lorsqu’ils contribuent « à une action d’intérêt public, notamment diplomatique, d’appui aux opérations et de coopération internationale militaire » ;

 

 

Ainsi, l’ordonnance du 19 avril 2017, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er juillet 2017, met en conformité le droit national avec le droit européen et améliore la gestion du domaine des personnes publiques. Le gouvernement n’a toutefois pas intégralement épuisé l’habilitation qui lui a été donnée par l’article 34 de la loi Sapin 2, notamment en ce qu’elle ne soumet pas les transferts de propriété des collectivités territoriales à une mise en concurrence et une publicité préalables. La seconde partie de la réforme est donc attendue d’ici la fin de l’année.

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en Droit Public et Anne Villalard, stagiaire (Master II Pro Droit public des affaires à Paris I).

Droit administratif général

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En ouvrant aux tiers la possibilité de contester directement un contrat public, on pensait que le Conseil d’Etat avait définitivement fermé la possibilité d’attaquer les « actes détachables » de ce contrat (choix du cocontractant, délibération autorisant la signature du contrat etc.).

 

Pour rappel l’arrêt Tarn-et-Garonne, rendu le 4 avril 2014 par le Conseil d’Etat avait en principe délimité le contentieux contractuel ainsi :

 

Situation au 4 avril 2014 :

 

 

La réalité est toutefois plus complexe et des possibilités d’attaquer des actes annexes au contrat demeurent.

L’apparente simplification des recours ouverts aux tiers contre les contrats publics connaît quelques brèches que les juridictions administratives illustrent au gré de leurs décisions.

 

Il n’est pas possible de demander l’annulation des actes préalables à la conclusion du contrat une fois celui-ci signé

 

Le Conseil d’Etat aurait pu, dans sa décision Tarn-et-Garonne, adopter une formulation générale en fermant le recours direct contre tous les « actes détachables », comme il l’avait fait dans l’arrêt Tropic.

Il n’a cependant visé expressément qu’un certain nombre d’actes qui sont désormais uniquement contestables par la voie du recours direct contre le contrat :

  • La légalité du choix du cocontractant ;
  • La délibération autorisant la conclusion du contrat ;
  • La décision de signer le contrat.

 

Mais, la signature des contrats administratifs est précédée d’autres actes divers non expressément visés par cette décision.

A ce titre, on peut s’interroger sur le sort d’une délibération constatant l’existence d’un besoin ou se prononçant sur le principe d’une DSP, la décision de recourir à telle type de procédure ou encore celle de rejeter une offre ou une candidature etc.

 

Pour pallier cette incertitude, la jurisprudence administrative définit progressivement la limite entre les actes directement attaquables et ceux contestables uniquement par le biais d’un recours contre le contrat :

A titre d’exemple récent, un jugement du tribunal administratif d’Amiens du 31 janvier 2017 « Sté A7 aménagement » n°1500767 (commentée ici), a considéré que « toutes les décisions relatives à la passation du contrat » ne peuvent pas être contestées qu’à l’occasion d’un recours direct contre le contrat.

Cette décision rejoint les conclusions de B. DACOSTA sur l’arrêt Tarn-et-Garonne, qui considérait que « les actes préparatoires à la conclusion d’un contrat déterminé, actes que la jurisprudence a reconnus jusqu’ici comme détachables dans une démarche finaliste, afin de les rendre justiciables du recours pour excès de pouvoir, mais qui n’ont pas d’autre portée que de permettre la formation du lien contractuel ».

Tel est notamment le cas des décisions de rejet d’une offre, de celles rejetant des candidatures ou de celles des commissions d’appel d’offres qui ne sont plus contestables par la voie du recours en annulation classique.

 

Mais certains actes postérieurs à la signature demeurent directement attaquables, indépendamment du recours contre le contrat lui-même

 

Si les actes préalables à la signature du contrat semblent préservés d’un recours direct, les actes postérieurs (qui concourent pourtant à la validité du contrat) semblent encore pouvoir faire l’objet d’un recours direct et distinct de celui contre le contrat.

 

C’est ce qu’a récemment illustré le Conseil d’Etat.

 

Pour la première fois depuis l’arrêt Tarn-et-Garonne il reconnaît que le recours en annulation est ouvert contre un acte postérieur à la conclusion du contrat : les actes d’approbation du contrat (CE, 23 décembre 2016, n° 392815 et 392819).

 

Une voie de recours en excès de pouvoir subsiste donc pour les tiers mais elle n’est pas illimitée dans son principe :

  • L’intérêt à agir est strictement encadré puisqu’il faut se prévaloir d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine ;

  • Tous les moyens ne peuvent pas être invoqués : seuls les vices propres à l’acte d’approbation sont recevables, c’est-à-dire l’incompétence, le vice de forme, le vice de procédure et le détournement de pouvoir. Le contrôle de la violation de la loi et des motifs de l’acte ne peut être invoqué dans ce cadre puisqu’ils concernent le contenu même du contrat.

 

A ce jour, les actes d’exécution n’ont pas fait l’objet de position jurisprudentielle. En principe ces derniers peuvent être contestés par les tiers dès lors qu’ils ne sont pas uniquement liés aux relations contractuelles entre les parties. Toutefois, rien ne permet d’affirmer que cette solution sera maintenue à l’avenir.

Par ailleurs, les actes détachables (pour ceux relevant du juge administratif) relatifs aux contrats de droit privé restent contestables par la voie du recours en annulation (REP).

 

D’autres précisions sont donc attendues et le chemin est encore long avant de parvenir à clarifier le contentieux contractuel. Mais il invite à être particulièrement attentif à tous les stades de la procédure de passation et d’exécution ainsi qu’à mettre en place une véritable stratégie contentieuse !

 

Synthèse des recours possibles (au 10 mai 2017) :

 

Article rédigé par Alexandre Delavay, avocat à la Cour, et Anne Villalard, stagiaire (Master II Pro Droit public des affaires à Paris I).

 

La loi Sapin 2 a été promulguée le 9 décembre 2016. Vous pouvez consulter le texte ici.

 

Relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, elle comprend de nombreuses dispositions, notamment une refonte complète du droit relatif aux lanceurs d’alertes, qui concerne aussi bien les entreprises privées que les administrations et les entités publiques.

 

Pour la première fois, la loi donne une définition du lanceur d’alertes :

« Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foiun crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »

 

On voit que le lanceur d’alerte n’est donc pas nécessairement un salarié de l’entreprise ou un agent de l’administration ou entité publique. Ce peut être un tiers : un sous-traitant, un fournisseur,… Ce qui importe, c’est qu’il ait eu personnellement connaissance d’une infraction ou d’un manquement.

 

Cette définition étant donnée, la loi ne se contente pas de ce qui existait précédemment, à savoir la simple protection du lanceur d’alertes contre d’éventuelles mesures de rétorsions par son employeur.

Le lanceur d’alertes est en effet considéré par le législateur comme utile, intervenant aussi bien dans l’intérêt général que dans l’intérêt des entreprises privées et des entités publiques elles-mêmes.

Avertir d’une infraction, ou un manquement, prévenir un danger, c’est protéger la sécurité des salariés et agents, leur intégrité physique et morale, assurer que l’entreprise, administration ou entité publique ne subisse pas les conséquences des agissements anormaux de certains de ses dirigeants ou agents.

A l’inverse, si l’entreprise, administration ou entité publique ne sait pas qu’un manquement est commis, elle ne peut pas prendre l’initiative d’y mettre fin, et s’expose, ainsi que ses dirigeants ou élus personnellement, à des risques d’accidents humains, sociaux, industriels, environnementaux, ainsi qu’à des poursuites, des conflits, des procédures.

 

Dès lors, la loi rend obligatoire la mise en place de systèmes d’alertes dans les administrations, entités publiques et entreprises privées, selon deux dispositifs distincts, selon la taille de l’entité, sous le contrôle de la nouvelle Agence française anti-corruption :

 

          – 1er dispositif – pour toutes les personnes morales de droit privé ou de droit public de plus de 50 salariés (y compris bien entendu les sociétés d’économie mixte), l’article 8 de la loi rend obligatoire la mise en place d’un système d’alertes, destiné à dénoncer toute infraction (crime ou délit) sans distinction.

Le terme de salariés peut prêter à confusion, en fait on considèrera que cela inclut également les établissements publics de plus de 50 agents.

Cette obligation concerne également les administrations de l’Etat, les communes de plus de 10.000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres, ainsi que les départements et les régions.

 

         – 2ème dispositif, en complément – une organisation plus contraignante est imposée aux dirigeants (à titre personnel, sous peines de sanctions) des plus grandes entités, sociétés privées ou établissements publics industriels ou commerciaux, ayant plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros, ou de plus petite taille mais appartenant à un groupe qui répondrait, lui, à ces critères.

 

C’est alors tout un système de compliance qui est obligatoire :

  • un code de conduite définissant les comportements à proscrire en matière de corruption ou trafic d’influence,
  • un dispositif d’alerte pour recueillir les manquements au code (ce dispositif se « fusionnant » de fait avec celui de toute façon imposé par l’article 8 de la loi),
  • une cartographie des risques,
  • des procédures de contrôle comptable spécifiques,
  • des mesures disciplinaires ad hoc,
  • des formations des cadres,
  • etc.

 

La définition du lanceur d’alertes étant vaste, et incluant les tiers informés d’un manquement, le système d’alerte doit être rendu accessible aux « collaborateurs externes ou occasionnels », qui doivent être informés comme les salariés ou agents de la procédure par tout moyen (affichage, notification, publication, par voie électronique,…).

 

Le respect de ces dispositions est contrôlé par la nouvelle Agence française anti-corruption, dont on a vu que la commission des sanctions peut condamner à des amendes conséquentes : 200 000 euros pour les personnes physiques et 1 million d’euros pour les personnes morales.

 

La loi assure heureusement un encadrement bienvenu de l’alerte, qui auparavant pouvait être effectuée auprès de toute personne, sans précision.

 

Trois étapes impératives de diffusion sont prévues :

  1. En premier lieu, l’alerte doit d’abord être transmise en interne dans l’entité – ou auprès d’un référent désigné par l’entité, ce qu’est précisément la plateforme ethipublic.org,
  2. Sauf danger grave et imminent ou risque de dommages irréversibles, ce n’est qu’à défaut de réaction dans un délai raisonnable que l’alerte peut être déposée à une autorité judiciaire, administrative, ou à un ordre professionnel.
  3. Enfin, à défaut de réaction dans un délai de 3 mois, l’alerte peut être rendue publique.

En revanche, le lanceur d’alertes peut à tout moment s’adresser au Défenseur des droits, non pas pour déposer une alerte mais pour savoir à qui s’adresser.

 

Enfin, très important : la loi apporte une exigence de confidentialité fondamentale, tant à l’égard du lanceur d’alertes que de la personne visée par l’alerte. C’est une nouveauté de la loi, puisque jusqu’alors le principe – rappelé par la CNIL – était au contraire de dissuader le lanceur d’alertes de rester confidentiel. La divulgation finale de l’alerte ne pourra se faire qu’auprès de l’autorité judiciaire, dès lors que le caractère fondé de l’alerte aura été établi, donc après enquête interne.

 

Toute violation de cette confidentialité (et donc des trois étapes de l’alerte) est punie de 2 ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.

 

Cette confidentialité est essentielle. Elle permet de pouvoir vérifier le bien-fondé de l’alerte, et donne la possibilité à l’entreprise ou entité d’être en amont des mesures nécessaires, mesures de prévention des risques, mesures de sanctions éventuelles, procédures à initier, etc., au lieu de subir et de se trouver mise à défaut, de donner une image négative à ses équipes, à l’extérieur, et de risquer des poursuites judiciaires.

 

Les avantages d’ethicorp.org et ethipublic.org

Les plateformes ethicorp.org (entreprises privées) et ethipublic.org (entités publiques) répondent très précisément aux exigences de la loi, en apportant les plus grandes garanties.

  • Chaque entreprise ou entité adhérente reçoit un identifiant et un mot de passe qu’elle communique à ses salariés ou agents.
  • Le lanceur d’alerte se créé ensuite son espace personnel confidentiel, dans lequel il dépose l’alerte et les documents qui la justifient.
  • Les plateformes sont sécurisées pour assurer techniquement la confidentialité des alertes.
  • Les alertes sont reçues et traitées par des avocats, qui apportent ainsi la garantie de leur secret professionnel absolu, qui bénéficie des plus hautes protections légales et judiciaires.
  • Les avocats assurent la réception et l’analyse des alertes, échangent avec les équipes de l’entreprise pour enquêter sur les faits soulevés, et préconisent les actions nécessaires.
  • Nous confirmons au lanceur d’alertes la réception de son alerte, de manière à rester au stade 1 de l’alerte durant toute l’enquête et nous échangeons de manière sécurisée avec le lanceur d’alertes pour recueillir des éléments et précisions complémentaires.

 

C’est pourquoi la plateforme a reçu le soutien des pouvoirs publics, comme étant particulièrement innovante, aussi bien du Ministère de la Justice que du Ministère de l’Economie et du numérique.

 

Attention : l’entrée en vigueur de ces dispositions est fixée au 1er juin 2017, il ne reste que quelques mois pour être en conformité.

 

 

William FEUGERE, Avocat, fondateur d’ethicorp.org et ethipublic.org

wfeugere@ethicorp.org

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Tout en renforçant le tronc commun des règles applicables à l’ensemble des contrats publics, la loi dite « Sapin 2 »[1] aménage les textes promulgués ces dix-huit derniers mois et donne le tempo de la suite de la réforme de la commande publique.

Publié au Journal officiel du 10 décembre dernier, ce nouveau texte poursuit le même objectif que son prédécesseur[2], plus de vingt-trois an après : une plus grande transparence de la vie économique publique et une prévention accrue des délits afférents.

Dès à présent, il faut préciser que la loi commentée donne enfin valeur législative au droit de la commande publique, en ratifiant l’ordonnance relative aux marchés publics[3] et celle relative aux contrats de concession[4].

Néanmoins, les modifications de fond concernent quasi-exclusivement les marchés publics, (l’ordonnance relative aux contrats de concession étant simplement ratifiée) et ne s’appliquent qu’aux contrats pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est lancée à compter du 10 décembre.

Surtout, la loi Sapin 2 nous offre une véritable feuille de route des modifications à venir : création d’un code de la commande publique, mise en concurrence pour l’attribution des contrats domaniaux etc…

 

I. De la rédaction des documents de la consultation à l’analyse des offres : des obligations plus strictes pour les pouvoirs adjudicateurs.

 

Trois modifications significatives impactent directement les procédures de passation à venir.

 

Au stade de la rédaction des documents de la consultation, les acheteurs publics devront veiller à :

 

  • La motivation de l’absence de recours à l’allotissement par des circonstances de fait et de droit.

Si l’ordonnance du 23 juillet 2015 prévoyait expressément la motivation du choix de ne pas allotir un marché, la loi Sapin 2 renforce cette obligation et oblige une motivation au cas par cas.

Il apparaît clairement que les « motivations types » ne seront plus acceptées et qu’une attention particulière devra être prêtée en cas de recours à un marché non-alloti.

 

  • Ne plus autoriser la présentation de variantes selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus

 

Au stade de l’analyse des offres, la loi du 9 décembre oblige les pouvoirs adjudicateurs à « mettre en œuvre tous moyens » pour détecter les offres anormalement basses.

Ainsi, la demande de précisions et de justifications initialement prévues par l’article 53 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, si elle subsiste, semble n’être qu’un des moyens pouvant être mis en œuvre pour les détecter.

Cette plus grande liberté dans le contrôle financier des offres aura sans nul doute pour corolaire un contrôle renforcé du juge sur ce point, qui le conduira à sanctionner l’absence de diligence suffisante du pouvoir adjudicateur pour détecter les offres anormalement basses.

 

II. Quelques assouplissements tenant compte des retours d’expérience de l’ordonnance du 23 juillet 2015.

Près de huit mois après la parution du décret d’application relatif aux marchés publics[5], le législateur a aménagé certaines dispositions afin d’introduire plus de souplesse dans la pratique des acheteurs.

 

  • L’évaluation préalable pour les marchés supérieurs à 100 millions d’euros n’est plus obligatoire et celle pour les marchés de partenariat est précisé

En supprimant l’article 40 de l’ordonnance relative aux marchés publics, le législateur a mis fin à l’obligation de procéder à une « évaluation ayant pour objet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet » pour les marchés dont le montant avait été fixé à 100 millions d’euros par le décret d’application.

Il faut néanmoins noter que cette évaluation préalable obligatoire est maintenue pour les marchés de partenariat et que son contenu est affiné.

Elle doit désormais comporter « une analyse en coût complet ainsi que tout élément permettant d’éclairer l’acheteur dans le choix du mode de réalisation du projet », afin de « comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet »

 

  • L’analyse des offres sur la base d’un critère unique est élargie[6], sous réserve des conditions qui seront fixées par voie réglementaire.

Jusqu’alors, seul le prix (uniquement pour les achats de services ou de fournitures standardisées) ou le coût étaient acceptés comme critère unique d’attribution d’un marché[7].

L’utilisation de cette nouvelle possibilité élargie dépendra donc des conditions dont la détermination est confiée au pouvoir réglementaire.

 

  • L’incertitude relative au casier judiciaire est levée

Au regard des très nombreuses interrogations qu’avaient suscitées les articles 45 de l’ordonnance et 51 du décret du 25 mars 2016, qui ne mentionnaient que le casier judiciaire comme preuve suffisante de l’absence d’interdiction de soumissionner, le législateur a été contraint de revenir à la situation antérieure du droit.

Comme le prévoyait déjà les articles 43 et 44 du code des marchés publics, l’article 45 de l’ordonnance admet comme preuve suffisante du défaut d’interdiction de soumissionner une « déclaration sur l’honneur ».

 

  • Les précisions apportées concernant les marchés de partenariat 

Les marchés de partenariat qui confient tout ou partie de la conception d’un ouvrage au titulaire doivent prévoir l’obligation d’identifier les équipes de maîtrise d’œuvre chargées de la conception et du suivi de leur réalisation.

La loi du 7 juillet 2016, relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine avait déjà prévu la même obligation, rédigée en des termes identiques, mais uniquement pour les marchés publics globaux, en insérant un article 35 bis à l’ordonnance.

La loi Sapin 2 ne fait qu’étendre ce principe aux marchés de partenariat.

L’indemnisation en cas d’annulation, résolution ou de résiliation du marché par le juge est clairement alignée sur le régime applicable aux contrats de concession.

La même formulation est reprise et sont ajoutés à l’indemnisation éventuelle du cocontractant « les coûts pour le concessionnaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat », en plus des autres dépenses utiles.

Aussi, l’indemnisation de ces frais étaient jusqu’alors subordonnée à la mention, en annexe du contrat, des « clauses du contrat liant le titulaire aux établissements bancaires » finançant l’exécution du contrat.

Cette mention est allégée, puisqu’elle ne concerne plus que « principales caractéristiques des financements à mettre en place pour les besoins de l’exécution du marché. »

Il faut noter que ces dispositions ne sont applicables que pour les annulations faisant suite au recours d’un tiers au contrat, excluant de fait les recours en contestation de validité du contrat ou en reprise des relations contractuelles initiés par les parties elles-mêmes.

 

III. Vers un contrôle renforcé du respect des règles de la commande publique : la création de l’agence française anticorruption (AFA)

L’ensemble des modifications de la loi Sapin 2 tend à permettre un meilleur contrôle du juge et une prévention accrue des délits liés à la commande publique.

C’est dans cette optique que la loi du 9 décembre dernier créé l’Agence française anticorruption, dont la mission a ainsi été définie :

 

  • Le conseil et l’assistance des autorités compétentes et des pouvoirs adjudicateurs afin de prévenir et de détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

 

Cette mission s’exercera par la centralisation des informations relatives à ces délits, à l’élaboration de recommandations adaptées à chaque entité et la publication annuelle d’un rapport d’activité.

 

  • Le contrôle de la qualité et de l’efficacité des procédures de détection et de prévention de ses délits.

Ces contrôles s’effectuent de sa propre initiative ou sur saisine d’autorités limitativement énumérées (mais pas directement par des citoyens ou des collectivités locales).

Les règles de fonctionnement de l’AFA tendent à lui donner les moyens de cette mission : confidentialité des échanges, communication de tout document utile ou encore amende en cas d’entrave à sa mission.

  • La sanction des sociétés privées et de certains EPIC en cas de manquement aux obligations définies à l’article 17 de la loi (obligation d’instituer un code de conduire, une cartographie interne des risques, des contrôles internes etc.)

Sa composition ne laisse aucun doute quant à la finalité para-juridique de cette nouvelle institution : six magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes rempliront les missions de l’AFA.

 

IV. La réforme des contrats publics n’est pas finie !

La loi Sapin 2 est une nouvelle étape de construction de l’édifice renouvelé de la commande publique.

 

  • Vers une clarification des règles applicables à l’occupation du domaine public et à la cession des propriétés publiques

La loi habilite le gouvernement à fixer, par ordonnance et avant la fin de l’année 2017, les conditions d’occupation, de sous-occupation et de transfert du domaine public et de ses propriétés, ainsi que les règles de publicité et de mise en concurrence applicables à « certains » de ces contrats.

Il s’agit d’une clarification bienvenue au regard de la multiplication des contrats domaniaux (convention d’occupation du domaine public, autorisation d’occupation, autorisation de voirie, ancien bail emphytéotique administratif etc.) et de l’incertitude jurisprudentielle qui règne sur les conditions de passation de ces contrats.

En effet, si le Conseil d’Etat a expressément exclut les contrats d’occupation du domaine public des règles de publicité et de mise en concurrence[8], la Cour de justice de l’Union européenne exigeait encore récemment la mise en concurrence de ces contrats, dans des conditions particulières[9].
(voir notre article sur ce point)

  • Quel calendrier pour le futur code commande publique ?

Jusqu’à fin 2018, le gouvernement est habilité à adopter la partie législative d’un nouveau code de la commande publique.

Cette codification se fera à droit constant et doit permettre une meilleure lisibilité du code de la commande publique en regroupant et en organisant « les règles relatives aux différents contrats de la commande publique qui s’analysent, au sens du droit de l’Union européenne, comme des marchés publics et des contrats de concession »[10].

 

 Article rédigé par Alexandre Delavay, Avocat à la Cour.

 

[1] Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

[2] Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques

[3] Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics

[4] Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession

[5] Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics

[6] Article 52-I de l’ordonnance du 23 juillet 2015

[7] Article 62 décret du 25 mars 2016

[8] CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris, n°338272

[9] CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, C-458/14

[10] Article 38 de la loi du 9 décembre 2016

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Si la domanialité publique n’est évidemment pas le centre de la loi Sapin 2, il n’en demeure pas moins que la loi n°2016-1691 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique du 9 décembre 2016 initie des changements importants en la matière (Cf. articles 34 et 35).

Tout d’abord, la loi Sapin 2 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures introduisant une mise en concurrence à deux stades :

 

 

La loi du 9 décembre 2016 met donc fin à l’un des grands débats qui occupaient les juristes sur la mise en concurrence des autorisations domaniales (voir notamment les décisions suivantes: CE, 3 décembre 2010,Stade Jean Bouin, n°0338272 et CJUE, 14 juillet 2016, aff C-458/14 et C-67/15).

 

Ensuite, la Loi Sapin 2 cherche à faciliter les opérations immobilières en étendant les possibilités de déclassement par anticipation des dépendances domaniales.

Afin de pouvoir être cédé un bien doit préalablement être déclassé du domaine public (article L.2141-1 du CG3P). Ce déclassement est l’acte juridique constatant que le bien n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public.

En d’autres termes, il doit y avoir désaffectation, puis déclassement et enfin cession :

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L’article 35 de la loi Sapin 2 étend aux collectivités territoriales le dispositif du déclassement anticipé, qui n’existait que pour l’Etat et qui permet de déclasser un bien – donc de le céder – avant sa désaffectation.

 

Le déclassement anticipé permet, en principe, d’accélérer les procédures de cession. Cependant, l’extension aux collectivités territoriales s’accompagne de certaines règles spécifiques (Cf. schéma ci-dessus) qui pourraient concrètement en amoindrir l’intérêt. Restera donc à voir la rédaction de l’ordonnance sur ce point.

 

 Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour.

 

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Dans une décision du 31 janvier 2017 (TA Amiens, 31 janvier 2017, n° 1500767 et 1500768), le tribunal administratif d’Amiens vient apporter des précisions sur les recours possibles en cas de déclaration sans suite d’une procédure de passation d’un contrat public.

Dans cette affaire, un groupement de commande avait lancé une procédure négociée en vue de l’attribution d’un marché. La société requérante avait d’abord vu son offre rejetée. Puis, après l’introduction de son recours, l’acheteur public avait décidé de déclarer sans suite la procédure de passation pour un motif d’intérêt général tenant à son irrégularité et, finalement, d’en relancer une nouvelle ayant le même objet.

Cette affaire est l’occasion pour le juge de faire une nouvelle application du recours Tarn-et-Garonne et de rappeler les conditions d’indemnisation pour éviction.

 

I.  Il est impossible de demander l’annulation de la décision par laquelle l’administration déclare sans suite une procédure de passation d’un contrat public

 

C’est, à notre connaissance, la première fois, depuis la jurisprudence Tarn-et-Garonne (cf. infra), qu’une juridiction se prononce sur la recevabilité d’une demande d’annulation d’une décision déclarant sans suite une procédure.

 

Pour mémoire, jusqu’en 2007, les candidats évincés ne pouvaient pas demander l’annulation du contrat. Ils ne pouvaient former qu’un recours en annulation contre les actes détachables du contrat (par exemple : rejet de l’offre, délibération autorisant la signature du contrat).

Par la suite, seuls les candidats évincés se sont vus reconnaître la possibilité de contester la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses dans le délai de deux mois à compter de la publicité de la conclusion du contrat (CE, 16 juillet 2007, Tropic, n° 291545). Cette possibilité a ensuite été étendue à tout tiers susceptible d’être lésé de façon directe et certaine par le contrat conclu ou par certaines de ses clauses (CE, 4 avril 2014, Dpt du Tarn et Garonne, n° 358994). En revanche, la reconnaissance de ce recours de pleine juridiction aux tiers leur a fermé le recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat dont l’illégalité ne peut désormais être soulevée que devant le juge du contrat.

 

En l’espèce, le tribunal administratif d’Amiens devait statuer sur le point de savoir si un recours pour excès de pouvoir (cad annulation) est toujours possible contre la décision déclarant sans suite une procédure alors que pas définition, aucun contrat n’a été signé. Le juge répond par la négative en considérant qu’il n’y a aucun recours possible :

« compte tenu de la possibilité offerte à un concurrent évincé de pouvoir contester la validité d’un contrat dans le cadre du recours de pleine juridiction ouvert par la décision précitée et de la possibilité dont il dispose de remettre en cause à cette occasion la régularité des actes détachables de ce contrat, ce dernier n’est plus recevable à en demander directement l’annulation au juge du contrat ; qu’une telle solution est applicable y compris dans le cas où, comme en l’espèce, le marché n’a finalement pas été signé après que le pouvoir adjudicateur a déclaré sans suite la procédure d’appel d’offres ; qu’il suit de là que les conclusions présentées par la requérante et tendant à l’annulation de la décision de la commission d’appel d’offres, de celle rejetant son offre et de « toutes les décisions relatives à la passation du contrat de prestations de services querellé » doivent être rejetées comme irrecevables ».

 

II.  Le candidat irrégulièrement évincé peut, sous certaines conditions, être indemnisé de son préjudice et notamment de son manque à gagner

 

Le tribunal administratif rappelle que, sous certaines conditions, un candidat peut obtenir une indemnisation de son préjudice lié à son éviction irrégulière.

  • S’il avait des chances sérieuses d’emporter le marché il pourra être indemnisé de son manque à gagner.
  • En revanche, s’il avait une simple chance de remporter le marché, seuls les frais engagés pour la présentation de l’offre pourront lui être remboursés.

En tout état de cause, le candidat ne pourra pas être indemnisé si le pouvoir adjudicateur renonce à conclure un contrat pour un motif d’intérêt général.

 

Dans cette affaire, à la suite de l’introduction du recours, le groupement de commande a découvert des irrégularités affectant la procédure de passation et a décidé de mettre fin à la procédure en la déclarant sans suite. Le tribunal administratif considère (de manière tout à fait classique) que « l’objectif de ne pas conclure un contrat illégal » est un motif d’intérêt général ce qui exclut toute indemnisation du requérant.

 

Dès lors, une déclaration sans suite justifiée rend vain tout recours.

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en Droit Public et Anne Villalard, stagiaire en Master II Pro Droit public des affaires (Paris I)

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Quelles sont les personnes publiques concernées ?

Depuis le 1er janvier 2012, seul l’Etat était tenu d’accepter les factures dématérialisées provenant de ses fournisseurs via le logiciel « Chorus facture ».

L’Union Européenne a voulu étendre ce processus. Ainsi, par la directive du 16 avril 2014 relative aux marchés publics elle rend la facture électronique progressivement obligatoire dans tout le secteur public.

L’ordonnance du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique la généralise donc pour l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics avec l’objectif affiché de gagner en efficacité en réalisant des économies, des gains de productivité et en offrant des délais de paiement réduits.

Un échéancier est prévu en fonction de la taille de l’entreprise.

 

Quel calendrier ?

Depuis le 1er janvier 2017, il est obligatoire pour les grandes entreprises (plus de 5 000 salariés) et les personnes publiques de transmettre leur facture par voie électronique à l’Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics. Mais pour les autres entreprises cette obligation est échelonnée jusqu’en 2020 selon le calendrier suivant :

chronologie-efacture

En revanche, l’acceptation des factures électroniques par les personnes publiques est rendue obligatoire depuis le 1er janvier 2017 (article 1, 2 et 3 de l’ordonnance précitée). Ainsi, si une entreprise non encore soumise à l’obligation décide de transmettre une facture par voie électronique, la personne publique devra l’accepter.

 

Quel formalisme ?

L’article 1 du décret d’application du 2 novembre 2016 vient préciser les mentions que doivent contenir les factures adressées électroniquement :

 

tableau-exigences-formelles

 

Selon quelles modalités ?

Pour mettre en œuvre cette obligation, une plateforme en ligne, mutualisée et gratuite pour les entreprises, l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics a été mise en place : Chorus Pro (Cette solution remplace Chorus Factures qui était applicable uniquement à l’Etat).

Les entreprises devront s’habituer à cette facture électronique qui devient exclusive de tout autre mode de transmission (article 4 du décret précité).

 

Article rédigé par Alexandre Delavay, Avocat à la Cour et Anne Villalard, stagiaire en Master II Pro Droit public des affaires (Paris I)

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La réponse à cette question est essentielle car une offre inacceptable peut ou doit, selon les procédures, être rejetée par l’acheteur public. (Voir notre article sur les conditions de régularisation des offres)

Le Décret sur les marchés publics précise que l’offre inacceptable est celle « dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu’ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure » (Article 59 – Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics).

Faut-il en déduire qu’une offre est inacceptable au seul motif qu’elle excède le budget annuel de l’acheteur ou une simple estimation interne ?

La réponse est négative : une offre inacceptable est une offre que l’acheteur public n’est pas en mesure de financer (QE n° 21407 rep. Min. publiée au JO Sénat du 22 septembre 2016).

Ainsi une offre supérieure de 25% à l’estimation du montant du marché ne peut être, de ce seul fait, regardée comme inacceptable (CE, 24 juin 2011, Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, du Val d’Oise et des Yvelines, n°346665).

Face à une offre supérieure à l’estimation qu’il a faite, l’acheteur public doit donc rester prudent :

  • Il ne pourra pas, automatiquement, la rejeter ;
  • Et devra prouver qu’il est en mesure ou au contraire,dans l’incapacité de la financer.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en Droit Public et Laure Bouscayrol, stagiaire en Master II Pro Construction, urbanisme et contrats (Paris I)

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Alors que la réforme des marchés publics est venue renforcer le principe d’allotissement, le Conseil d’Etat vient d’emprunter le chemin inverse pour les délégations de service public (DSP) en validant :

Dans cette affaire, la communauté urbaine du Grand Dijon (CUGD) avait lancé une procédure pour la passation portant sur « l’exploitation des services de la mobilité » regroupant les services de transport urbain, de stationnement et de mise en fourrière.

Trois sociétés, qui estimaient que ce périmètre trop large de la délégation de service public les avait dissuadées de présenter leur candidature, ont attaqué la procédure en référé précontractuel.

La consécration du principe d’une DSP multi-services

Le Conseil d’Etat constate tout d’abord qu’« aucune disposition législative ou principe général, n’impose aux collectivités qui désirent confier à un opérateur la gestion de services publics dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts ». Il est vrai que le principe de l’allotissement ne concerne que les marchés publics et non les concessions et les DSP.

Toutefois, si le principe est effectivement affirmé, deux tempéraments sont immédiatement apportés afin de ne pas méconnaître les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence :

  • le périmètre ne doit pas être manifestement excessif ;
  • et il n’est pas possible de réunir au sein d’une même convention des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux.

La DSP de la CUGD est validée car le juge considère que « les services de transport urbain, de stationnement et de mise en fourrière, qui concourent à l’organisation de la mobilité des habitants sur le territoire de la communauté urbaine présentent entre eux un lien suffisant » et que la CUGD pouvaient ainsi les confier à un même prestataire « afin d’assurer une coordination efficace entre les modes de transport et de stationnement, dont une partie significative des usagers est identique ».

Nous le voyons, plusieurs pistes sont avancées pour justifier du lien suffisant entre les services publics :

  • Le fait que ces services poursuivent le même objectif ;
  • Et qu’ils aient une part significative d’usagers en commun.

La possibilité de mettre à la charge du délégataire des prestations accessoires qui présentent un caractère complémentaire à l’objet de la délégation 

En outre, les requérants soutenaient que l’autorité délégante avait mis à la charge du délégataire des services et paiements étrangers aux services publics : certaines missions de vérification de la performance et du fonctionnement des transports, des prestations d’assistance à maitrise d’ouvrage du projet Prioribus, et de maîtrise d’œuvre pour le déploiement de certains matériels (violation de l’article L. 1411-2 du CGCT aujourd’hui notamment  article 30 et article 31 de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016).

Mais le Conseil d’Etat rejette également ce moyen en affirmant que « ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une convention de DSP mette à la charge du cocontractant des prestations accessoires dès lors qu’elles présentent un caractère complémentaire à l’objet de la délégation ».

Voici un arrêt qui ouvre de nouvelles perspectives aux personnes publiques notamment dans le domaine de la mobilité et des villes intelligentes.

Pour les entreprises en revanche, elle complique la donne. En effet, l’exploitation de certains services publics peut être confiée par le biais d’un marché public ou d’une délégation de service public selon que la personne publique transfère ou non le risque d’exploitation. Aussi, selon les cas, ces opérateurs économiques devront soit présenter une offre pour un service public (marché public), soit répondre à une DSP multi-services publics avec la plupart du temps l’obligation de se présenter en groupement avec d’autres entreprises.

En somme, les entreprises doivent, elles-aussi, se préparer à devoir présenter des offres à géométrie variable.

Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public

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Les offres ne respectant pas les exigences des documents de la consultation sont irrégulières et doivent, en principe, être rejetées [1].

Ce principe déjà clairement énoncé par l’ancien code des marchés publics (CMP) a été réaffirmé par la réforme des marchés publics[2].

Toutefois, dans certains cas, la personne publique peut accepter d’analyser et de classer une offre malgré l’absence de diligences ou de documents exigés par le règlement de la consultation[3].

C’est ce que rappelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux pour les faits suivants : dans le cadre de la passation d’un marché public d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la création d’une installation de stockage de déchets, le pouvoir adjudicateur avait imposé une visite obligatoire du site objet du marché (CAA Bordeaux, 7 juillet 2016, n°14BX02425).

Une des entreprises candidates n’avait pas effectué cette visite et son offre, qui proposait le prix le plus bas, avait été analysée et classée.

Bien que cette société n’ait pas obtenu le marché, le classement de son offre avait eu pour conséquence de modifier la notation du critère prix de toutes les autres offres (la formule de calcul étant basée sur l’offre la moins chère).

Plusieurs candidats évincés ont estimé que cette offre était irrégulière en raison de l’absence de visite obligatoire et que, par conséquent, elle aurait dû être rejetée sans être classée.

Par l’arrêt commenté, la Cour de Bordeaux confirme un assouplissement de la valeur obligatoire et de la primauté du règlement de la consultation[4] :

Le pouvoir adjudicateur n’est pas obligé de rejeter une offre ne respectant pas les documents de la consultation si les éléments demandés ne sont pas utiles à l’appréciation de l’offre.

L’appréciation de l’utilité d’une information ou d’une pièce exigée par le règlement de la consultation relève de l’appréciation du juge. A titre d’exemple, ont été considérés comme n’étant pas des éléments utiles des informations accessibles publiquement à toutes personnes[5];

De plus, rappelons que  la personne publique peut toujours, sous certaines conditions, demander à l’entreprise ayant déposé une offre irrégulière de la régulariser[6]. Voir sur ce thème notre article

Article rédigé par Alexandre Delavay, juriste et Sophie Lapisardi, avocat associée, Spécialiste en droit public

 

[1] Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale.

[2] Article 59 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016

[3] CE, 22 décembre 2008, Ville de Marseille, n°314244

[4] CE, 23 juin 2010, Cne de Chatel, n°336910

[5] CE, 22 décembre 2008 préc.

[6] Article 59-I décret précité