Recours contractuel : à quelle date a été signé le contrat ?

Dans tous les cas, le recours dirigé contre le contrat tend à obtenir son annulation, sa résiliation et/ou une indemnisation du requérant, candidat injustement évincé.

Mais de la réponse à cette question dépend le régime juridique applicable au recours, comme vient de le décider le Conseil d’Etat dans un arrêt du 5 février 2016 SMTCHT (n°383149) :

 

Pour une signature AVANT le 4 avril 2014, le recours sera régi par les règles issues de la décision du Conseil d’Etat du 16 juillet 2007, Sté Tropic travaux signalisation (n°291545) ;

Pour une signature APRES le 4 avril 2014, le recours sera soumis aux règles plus restrictives de la décision du Conseil d’Etat du 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne (n°358994).

Pour le candidat évincé d’un contrat public, la différence est de taille au regard de l’intérêt à agir et du caractère opérant des moyens.

Dans cette affaire, la Sté Voyages Guirette, concurrent évincé, a pu bénéficier de cette clarification. Elle invoquait la violation de l’article 77 du code des marchés publics (durée maximale des marchés à bons de commande) en solicitant l’annulation du contrat. Parce que ce dernier avait été conclu avant le 4 avril 2014, le juge n’a pas exigé la démonstration de la lésion d’un intérêt et a résilié le marché. Il aurait au contraire, conclu que le moyen était inopérant si l’affaire avait été jugée sous le régime de la jurisprudence Tarn et Garonne.

Nous pouvons ainsi résumer les différences entre ces deux régimes de recours :

Pour aller plus loin :

Dans ses conclusions sous l’arrêt du 5 février 2016, le Rapporteur public, Olivier Henrard se livre à une analyse détaillée des différences entre ces deux recours, mais également entre le recours Tarn et Garonne et le référé précontractuel. En effet, dans ces deux derniers cas, le requérant doit démontrer qu’il est lésé par le manquement invoqué. Nous serions donc tentés de considérer que le juge opère le même contrôle pour ces deux catégories de recours.

Mais le Rapporteur public prévient : « une appréciation des moyens qui conduirait à faire du nouveau recours [Tarn et Garonne] une séance de rattrapage du référé précontractuel, ruinerait évidemment l’objectif de simplification de la carte des recours contentieux qui fonde Tarn-et-Garonne. Il est dans l’intérêt du contribuable, des entreprises, d’une bonne administration de la justice et il est d’ailleurs conforme à la volonté du législateur européen, que le contentieux contractuel soit vidé de plus en amont possible. Et donc que les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence soient traités au stade du référé précontractuel. Il serait contreproductif, à cet égard, de permettre au concurrent évincé de demander au juge ce qu’il pouvait obtenir du juge du référé précontractuel et qui lui a été refusé par celui-ci ».

Aussi, si le concurrent évincé dispose de plusieurs recours (référé précontractuel, référé contractuel, recours contre le contrat (Tropic ou Tarn-et-Garonne)…), il doit établir avec minutie sa stratégie contentieuse en fonction des moyens qu’il soulève.

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, Avocat associée, Spécialiste en Droit Public