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L’objectif croissant de transparence de la vie publique conduit à accorder une importance particulière à la diffusion des données publiques. Longtemps circonscrit à l’Etat et quelques collectivités, l’open data tend aujourd’hui à se généraliser à toutes les collectivités. C’est l’objectif que se fixe la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et le décret d’application n°2016-1922 du 28 décembre 2016 qui consacrent l’obligation de publication en ligne des documents administratifs.

 

Le principe : l’obligation de mise en ligne des documents administratifs

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique rend obligatoire à l’Etat, aux collectivités territoriales ainsi qu’aux autres personnes de droit public ou aux personnes de droit privé en charge d’une mission de service public, la publication en ligne de certains documents :

  • Les documents qui font l’objet d’un droit d’accès aux documents administratifs (ex : les documents considérés comme communicables à l’issue d’une procédure devant la CADA) ;

  • Les documents qui figurent dans le Répertoire des Informations Publiques (RIP). Il s’agit d’un recueil de documents classés par thème contenant des informations publiques. Par exemple, dans le cadre de ce RIP, au thème marchés publics, figurent le vadémécum des marchés publics de 2015 et le guide sur l’achat public innovant ;

  • Les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs ;

  • Les données dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental ;

  • Les algorithmes qui fondent les décisions individuelles doivent également être publiés. C’est le cas, par exemple, des algorithmes qui déterminent le calcul de l’impôt.

 

Toutefois, deux exceptions existent :

1. Les documents qui ne peuvent pas être communiqués

Ne sont pas publiés les documents administratifs qui actuellement ne peuvent pas être communiqués, c’est-à-dire :

♦ Ceux qui, pour des raisons tenant notamment à la sûreté de l’Etat, à la politique extérieure, à la défense nationale ou encore au fait qu’ils contiennent des secrets protégés par la loi, ne sont pas communicables (L311-5 CRPA) ;

♦ Ceux qui seraient susceptibles de porter atteinte à la vie privée, au secret médical mais également au secret des affaires (à savoir « le secret en matière commerciale et industrielle, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles») et qui ne sont communicables qu’à l’intéressé.(L311-6 CRPA).

Il convient tout de même de préciser que certains documents ne pourront être diffusés que sous réserve d’anonymisation ou d’occultation de certaines mentions.

 

2. Certaines administrations ne sont pas concernées

Par ailleurs, la loi précitée prévoit deux exceptions à cette obligation de diffusion en ligne des documents administratifs.

  • Pour les collectivités territoriales de moins de 3.500 habitants
  • Pour les personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à 50 (seuil fixé par le décret du 28 décembre 2016).

Une obligation de mise en ligne différée dans le temps

Néanmoins, cette publication en ligne des documents administratifs n’est pas immédiate. En effet, l’article 8 de la loi précitée, prévoit un calendrier pour la mise en œuvre de cette obligation :

Article rédigé par Alexandre Delavay, Avocat à la Cour et Anne Villalard, stagiaire en Master II Pro Droit public des affaires (Paris I)

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Les offres ne respectant pas les exigences des documents de la consultation sont irrégulières et doivent, en principe, être rejetées [1].

Ce principe déjà clairement énoncé par l’ancien code des marchés publics (CMP) a été réaffirmé par la réforme des marchés publics[2].

Toutefois, dans certains cas, la personne publique peut accepter d’analyser et de classer une offre malgré l’absence de diligences ou de documents exigés par le règlement de la consultation[3].

C’est ce que rappelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux pour les faits suivants : dans le cadre de la passation d’un marché public d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la création d’une installation de stockage de déchets, le pouvoir adjudicateur avait imposé une visite obligatoire du site objet du marché (CAA Bordeaux, 7 juillet 2016, n°14BX02425).

Une des entreprises candidates n’avait pas effectué cette visite et son offre, qui proposait le prix le plus bas, avait été analysée et classée.

Bien que cette société n’ait pas obtenu le marché, le classement de son offre avait eu pour conséquence de modifier la notation du critère prix de toutes les autres offres (la formule de calcul étant basée sur l’offre la moins chère).

Plusieurs candidats évincés ont estimé que cette offre était irrégulière en raison de l’absence de visite obligatoire et que, par conséquent, elle aurait dû être rejetée sans être classée.

Par l’arrêt commenté, la Cour de Bordeaux confirme un assouplissement de la valeur obligatoire et de la primauté du règlement de la consultation[4] :

Le pouvoir adjudicateur n’est pas obligé de rejeter une offre ne respectant pas les documents de la consultation si les éléments demandés ne sont pas utiles à l’appréciation de l’offre.

L’appréciation de l’utilité d’une information ou d’une pièce exigée par le règlement de la consultation relève de l’appréciation du juge. A titre d’exemple, ont été considérés comme n’étant pas des éléments utiles des informations accessibles publiquement à toutes personnes[5];

De plus, rappelons que  la personne publique peut toujours, sous certaines conditions, demander à l’entreprise ayant déposé une offre irrégulière de la régulariser[6]. Voir sur ce thème notre article

Article rédigé par Alexandre Delavay, juriste et Sophie Lapisardi, avocat associée, Spécialiste en droit public

 

[1] Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale.

[2] Article 59 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016

[3] CE, 22 décembre 2008, Ville de Marseille, n°314244

[4] CE, 23 juin 2010, Cne de Chatel, n°336910

[5] CE, 22 décembre 2008 préc.

[6] Article 59-I décret précité

Honoraires

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser à nouveau la manière dont les pénalités de retard infligées dans le cadre d’un contrat public sont appliquées et dont le juge peut les moduler (CE, 20 juin 2016, Sté Eurovia Haute Normandie, n°376235) en prenant notamment en compte :

 

  • Le montant des pénalités par rapport au montant initial du marché ;

 

  • L’ensemble des circonstances de l’espèce, dont le préjudice effectivement subi par la personne publique ;

 

En l’espèce, dans le cadre du marché de fourniture et de mise en œuvre de la voirie du programme de transport est-ouest de Rouen, des pénalités de retard dans l’exécution des travaux avaient été portées au décompte général.

 

Outre la contestation de la date d’achèvement des travaux, qui conditionnait la durée d’application des pénalités, cette affaire est l’occasion de préciser les pouvoirs du juge sur les pénalités prononcées contre les titulaires de contrats publics.

Le pouvoir de modulation des pénalités contractuelles

 

Depuis 2008[1], les juridictions administratives disposent du pouvoir de moduler les pénalités contractuelles, en les augmentant ou en les diminuant, si cette demande est formulée par les parties[2].

 

Le juge administratif peut user de ce pouvoir de modulation des pénalités s’il considère qu’elles sont excessives ou dérisoires.  Jusqu’à présent, les critères d’appréciation du caractère excessif ou dérisoire des pénalités n’étaient pas définis avec clarté. Le seul critère d’appréciation utilisé tenait au pourcentage que les pénalités représentaient par rapport montant initial du marché.

 

A titre d’exemple, ont été jugées excessives des pénalités représentant :

 

  • 80% du montant du marché HT[3]
  • 58% du montant total du marché[4]
  • 56,2 % montant global du marché[5]

 

A l’inverse, des pénalités de plus faible montant n’ont pas été jugées excessives dans les cas suivants :

 

  • 14% du montant du marché initial[6];
  • 18,7% du montant du marché[7];
  • 20% du montant global et définitif d’un marché à bons de commande[8];

 

Toutefois, l’insuffisance de ce seul critère du montant global du marché a conduit le Conseil d’Etat à préciser, certes de manière sibylline, des critères d’appréciation complémentaires.

 

Vers une prise en compte du préjudice subi par le pouvoir adjudicateur pour apprécier le caractère excessif ?

 

A plusieurs reprises, des juridictions ont innové par la prise en compte d’éléments autres que le seul montant du marché.

 

Ainsi, la Cour administrative de Paris a expressément fait référence au préjudice du créancier[9] pour apprécier des pénalités de retard contractuelle. A cette occasion elle a considéré que n’étaient pas excessives des pénalités :

 

  • représentant 10 % du montant du marché ;

 

  • appliquées en raison d’un dépassement constant des délais contractuels qui avait causé un préjudice d’image important à la personne publique cocontractante.

 

Récemment, la Cour administrative de Marseille a été invitée à suivre la même voie[10].

 

Cette position est adoptée de longue date dans le cadre de contrats privés. En effet, le juge judiciaire apprécie le caractère excessif principalement par le prisme du préjudice subi par le cocontractant en se fondant sur « la disproportion manifeste entre l’importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé »[11].

 

A titre d’exemple, la Cour d’appel de Nîmes a pu réduire des pénalités de retard de 32 381,70 euros à 630 euros, estimant que le cocontractant ne prouvait pas avoir « subi un quelconque préjudice du fait de ce retard »[12].

 

C’est dans cette perspective que s’inscrit l’arrêt commenté.

 

Tout en maintenant expressément le principe selon lequel le caractère excessif ou dérisoire d’une pénalité s’apprécie « eu égard au montant du marché », le Conseil d’Etat semble aussi prendre en compte deux nouveaux éléments : le préjudice subi par la personne publique et l’impact sur la marge bénéficiaire de son cocontractant.

Plus encore, le Conseil d’Etat semble laisser ouverte la possibilité de prendre en compte d’autres éléments puisque c’est au regard de « l’ensemble des circonstances de l’espèce » qu’il estime que les pénalités d’espèce n’étaient pas excessives.

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.


 

[1] CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n°296930

[2] Contrairement à l’article 1152 du code civil dont il s’inspire, le juge administratif ne peut pas soulever d’office ce moyen.

[3] CAA Bordeaux, 19 janvier 2016, n°14BX01375

[4] CAA Bordeaux, 25 avril 2016, n°14BX00073

[5] CE, 29 décembre 2008, préc.

[6] CAA Lyon, 11 février 2016, n°14LY00614

[7] CAA Nancy, 29 septembre 2015, n°14NC01133

[8] CAA Marseille, 26 octobre 2015, n°14MA01948

[9] CAA Paris, 11 février 2014, Société Ansoldobreda, n°12PA04995

[10] Conclusions R. Thielé sur CAA Marseille, 9 novembre 2015, n°14MA02747, AJDA 2016, p.318

[11] Cass., com., 11 février 1997, n°95-10.851.

[12] CA Nîmes, 2 mai 2013, n°10/03152

A la suite de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 16 avril 2016 (CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n°391431), les commentateurs ont tous vu le signe de la renaissance de la domanialité publique virtuelle.

Jusqu’à cet arrêt, on croyait que l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publique (CG3P)[1] avait fait disparaître cette théorie[2], qui entraîne l’application par anticipation du régime de la domanialité publique à des biens du domaine privé ne remplissant pas encore les conditions d’appartenance au domaine public.

Or, nombreuses sont les opérations immobilières des collectivités territoriales qui pourraient être concernées par sa nouvelle application, avec à la clef l’interdiction de céder le bien.

  • Que recouvre la domanialité publique virtuelle ?

La domanialité publique virtuelle permet d’appliquer les règles protectrices du domaine public (inaliénable, imprescriptible etc.) à un bien du domaine privé d’une collectivité territoriale non encore classé mais qui le sera de manière certaine à l’avenir.

Par anticipation, un bien peut donc être soumis au régime de la domanialité publique dès lors que :

  • la personne publique a pris la décision de l’affecter à un service public ;
  • et qu’il fait l’objet d’un aménagement indispensable entrepris de façon suffisamment certaine.

Le risque pour les opérations de cession immobilière classiquement réalisées est manifeste : si la personne publique affiche sa volonté de racheter une partie des constructions pour y implanter un service public et l’aménager en fonction, la parcelle concernée se verrait appliquer les règles du domaine public par anticipation, ce qui ferait obstacle à sa cession à un aménageur ou à un promoteur (indépendamment des éventuelles problématiques de qualification des contrats en marché public ou en concession).


  • Quelles précautions doivent prendre les collectivités territoriales et les promoteurs ?

Si la décision d’affectation à un service public est facilement définissable, celle de l’aménagement indispensable est plus problématique.

En effet, un aménagement est regardé comme indispensable s’il rend le bien utilisable exclusivement pour l’activité concernée.

Cette notion laisse donc une marge de manœuvre pour apprécier ce qui est indispensable ou non au service public (par exemple, on peut penser que des locaux « bruts » ne permettent pas d’exercer la mission de service public).

De plus, le caractère certain des travaux d’aménagement peut se matérialiser de multiples façons, par « l’ensemble des circonstances de droit ou de fait », tel que les contrats signés, le début de travaux, les actes administratifs de la personne publique etc.[3]

Dès lors, les collectivités territoriales soucieuses de valoriser leur patrimoine et d’en affecter une partie à un service public ou à l’usage direct du public doivent redoubler de vigilance au moment du déclassement et de la cession du terrain.

Les promoteurs ont aussi, de leur côté, tout intérêt à sécuriser au maximum ces opérations. En effet, si elle est appliquée par une juridiction, la domanialité publique virtuelle entraîne l’annulation, par nature rétroactive, de l’acte de cession et fait peser sur les parties de lourdes conséquences financières.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.

[1] Notamment son article L.2111-1 qui définit la consistance du domaine public

[2] Créée par le Conseil d’Etat : CE, 6 mai 1985, Eurolat Crédit Foncier de France, n° 41589

[3] CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n°391431

Le bilan d’activité des juridictions administratives pour l’année 2015 est paru. Ce document analyse l’activité contentieuse des juridictions de premier ressort, d’appel et du Conseil d’Etat.

On y apprend que le délai moyen de jugement toutes juridictions et procédures (fond et référé) confondues est d’un peu plus de neuf mois.

  • les tribunaux administratifs se prononcent dans un délai moyen de 10 mois et 9 jours ;

  • les cours administratives d’appel statuent dans un délai moyen de 10 mois et 25 jours ;

  • le Conseil d’Etat évoque, quant à lui, un délai moyen de jugement de 6 mois et 23 jours.

Ces délais de jugement sont toutefois des délais moyens. Le délai de jugement de chaque dossier dépend de sa complexité, du nombre de parties, de l’éventuelle demande d’expertise, de l’encombrement de la juridiction etc.

Ainsi, certains dossiers, notamment dans les contentieux de masse comme celui du droit des étrangers ou le contentieux fiscal, sont traités rapidement par les juridictions.

A l’inverse, en droit de la construction, par exemple, les délais d’instruction peuvent avoisiner les 3/4 ans devant certaines juridictions…

Article rédigé par Alexandre Delavay, juriste.

A un mois de l’Euro de football 2016, le Conseil d’Etat a statué sur la régularité de la procédure de passation du contrat de partenariat conclu pour la construction du nouveau stade de Bordeaux, devant accueillir cinq rencontres.

Les requérants contestaient deux délibérations du 24 octobre 2011 par lesquelles le conseil municipal de Bordeaux a approuvé, d’une part, les termes du projet de contrat de partenariat et autorisé le maire à signer ce contrat et d’autre part, autorisé le maire à signer l’accord autonome ainsi que l’acte d’acceptation de la cession de créance.

Les requérants invoquaient notamment le défaut d’information des élus préalablement à la délibération approuvant le contrat et autorisant le maire à signer le contrat.

Tout en précisant le contenu de l’information devant être délivrée aux conseillers municipaux préalablement à la délibération autorisant le maire à signer un contrat de partenariat (1.), le Conseil d’État sauve le contrat de la résiliation sous réserve d’une régularisation (2.) (CE, 11 mai 2016, M.B., n°383768).

1. Un droit d’information renforcé des élus pour les contrats de partenariat

Le droit des conseillers municipaux d’être informés sur les affaires de la commune (article L.2121-13 du code général des collectivités territoriales) trouve une application particulière lorsqu’ils délibèrent sur l’autorisation donnée au maire de signer un contrat de partenariat (articles L.1414-10 et D. 1414-4 du CGCT).

L’impact de l’exécution du contrat sur les finances de la collectivité est au nombre des informations devant être délivrées aux conseillers municipaux, par le biais d’une note préalable à la délibération indiquant :

  • le coût prévisionnel du contrat, rapporté en moyenne annuelle ;
  • la part qu’il représente par rapport à la capacité de financement de la commune ;

Le Conseil d’Etat précise que le coût prévisionnel du contrat doit prendre en compte :

  • D’une part, les sommes versées à raison du contrat et liées aux prestations confiées au partenaire privé. Il en va ainsi des sommes versées par le partenaire privé à la collectivité (recettes) et de celles versées par la collectivité publique au prestataire (redevances).
  • D’autre part, toutes les sommes qui pourraient être versées pendant l’exécution du contrat, même si elles n’ont pas directement de lien avec les prestations exécutées durant le contrat.

A titre d’exemple, le versement d’une « subvention » de 17 millions d’euros de la commune au partenaire privé concernant une avance sur rémunération ou bien les impôts et taxes payés par le partenaire privé et refacturés à la commune doivent être inclus dans le coût prévisionnel du contrat, quand bien même ces sommes n’ont pas de lien direct avec les prestations prévues par le contrat.

Cette définition du coût prévisionnel correspond à la définition de la valeur du marché de partenariat de l’article 151 du décret n°2016-360 sur les marchés publics du 26 mars 2016.

2. Un nouvel exemple de l’approche pragmatique du juge quant aux conséquences des vices affectant le contrat

De jurisprudence désormais établie, l’annulation d’un acte détachable du contrat n’entraîne pas automatiquement la résiliation de ce dernier. La possibilité de régulariser le contrat ou une atteinte manifestement excessive à l’intérêt général peut conduire le juge à maintenir les relations contractuelles.

L’arrêt du 11 mai 2016 illustre les larges pouvoirs dont dispose le juge dans ce cadre, dans la droite ligne des jurisprudences Tropic et Tarn et Garonne. voir sur ce thème notre article

Tout en relevant que le défaut d’information suffisante des membres du conseil municipal constitue un vice grave, le Conseil d’Etat laisse un délai de quatre mois à la commune pour régulariser la signature du contrat, par l’adoption d’une nouvelle délibération, à défaut de quoi la commune est enjointe de résilier le contrat.

Les matchs de l’Euro 2016 sont ainsi sauvés !

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.

La jonction entre deux DSP est parfois difficile à réaliser. Un recours contre une procédure de passation, une annulation d’un contrat de DSP en cours, une procédure de passation infructueuse etc. : nombreux sont les événements imprévus pour lesquels l’urgence à conclure un contrat de DSP, même provisoire, se heurte à une procédure de publicité et de mise en concurrence longue et rigoureuse.

Jusqu’à présent, les juridictions administratives n’avaient pas dégagé de solution claire. Soit elles assimilaient une convention provisoire à une simple prolongation du contrat initial (CAA Marseille, 9 avril 2009, Cne d’Orange, n°07MA02807), soit elles reconnaissaient la possibilité pour la personne publique de prolonger unilatéralement le contrat, sauf pour les conditions financières de la convention (CAA Douai, 16 novembre 2006, Syndicat mixte des transports en commun de la communauté urbaine de Lille, n°05DA00233). Plus récemment, le juge avait même admis la possibilité pour une collectivité territoriale de prendre une mesure de police administrative pour assurer la continuité d’un service public en cas de résiliation du contrat initial (CAA Marseille, 30 janvier 2015, société Scam TP, n°13MA03765).

Prenant acte de cette situation de fait, le Conseil d’Etat vient de préciser les cas dans lesquels une personne publique peut conclure un contrat de délégation de service public temporaire, sans respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombent normalement (CE, 4 avril 2016, Société Caraïbes Développement, n°396191).

En l’espèce, la Communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) a conclu en 2008 une convention de délégation de service public portant sur la gestion et l’exploitation d’une fourrière de véhicules avec une société privée. Ce contrat, repris en 2011 par la société Caraïbes Développement, avait pour terme le 31 août 2015. En vue de la fin du contrat, la CACEM a souhaité le prolonger par avenant jusqu’au 30 avril 2016, motif pris du transfert de cette compétence à l’Etat à cette date et afin d’éviter de conclure une nouvelle convention de longue durée.

Toutefois, deux clauses de l’avenant ainsi conclu avec la société Caraïbes Développement ont été considérées comme illégales par le préfet de la Martinique, avis qui a conduit la CACEM a « retiré » ledit avenant et a conclure un nouveau contrat provisoire avec une autre société.

C’est la procédure de passation de ce contrat provisoire qui était contestée par la société Caraïbes Développement qui arguait, devant le juge du référé contractuel, de l’absence de toute procédure de publicité et de mise en concurrence.

La CACEM pouvait-elle conclure un contrat de délégation de service public provisoire sans publicité ni mise en concurrence et, le cas échéant, sous quelles conditions ?

Les juges du Palais Royal estiment que la conclusion d’un contrat provisoire de délégation de service public est possible, sans procédure de publicité et de mise en concurrence (qui est pourtant la règle en principe), si trois conditions cumulatives sont réunies :

  • L’urgence caractérisée par l’impossibilité imprévisible, soudaine et extérieure à la volonté de la personne publique, de faire poursuivre l’exécution du service public par son cocontractant ou par elle-même. A ce titre, on peut imaginer que la fin naturelle du contrat ou qu’une situation de défaillance dans laquelle se serait elle-même placée l’autorité délégante ne saurait caractériser la condition d’urgence ;
  • Un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public ;
  • Une durée du contrat provisoire ne dépassant pas le délai nécessaire à la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence en bonne et due forme ou pour organiser les conditions de la reprise du service en régie.

En l’espèce, le « retrait » de l’avenant de prolongation par la CACEM a été regardé comme une résiliation à l’initiative de la personne publique alors que le contrat aurait valablement pu être prolongé, circonstance faisant obstacle à ce que la condition d’urgence soit regardée comme remplie et, en conséquence, à ce que le contrat provisoire puisse être conclu sans publicité ni mise en concurrence.

Si la clarification apportée par le Conseil d’Etat constitue une avancée par la reconnaissance  expresse de la légalité de ces conventions provisoires, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une exception dont les conditions d’application sont très strictes et qui exige une attention toute particulière avant la conclusion d’un contrat provisoire.

Reste aussi à savoir si cette jurisprudence s’appliquera aux contrats soumis aux nouvelles règles sur les concessions applicables depuis le 1er avril 2016.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.

Négociation

Les modes de règlement amiable des litiges sont renouvelés : d’un côté le recours au médiateur des entreprises fait son apparition, de l’autre, le champ du recours à l’arbitrage est questionné (article 142 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016).

En cas de litige, il est désormais possible de recourir :

  • Soit au Comité consultatif de règlement amiable des différends ou des litiges (CCRA). Cette possibilité n’est pas nouvelle et était prévue dans les mêmes termes à l’article 127 abrogé du code des marchés publics.

Le décret n°2010-1525 du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics semble toujours applicable à la procédure de saisine de l’un de ces 7 comités locaux.

Organismes paritaires, composés de représentants de l’administration et des organisations professionnelles, les CCRA peuvent être saisis sans formalité, ni demande préalable, sur simple demande circonstanciée, motivée et accompagnée des pièces justificatives.

Les CCRA rendent un avis non contraignant, motivé en droit et en opportunité.

  • Soit au Médiateur des entreprises. Le recours à cette nouvelle instance est une innovation du décret du 25 mars 2016.

Nommé par décret du 14 janvier 2016, le premier médiateur des entreprises (Pierre PELOUZET) a repris les missions anciennement confiées à la médiation des marchés publics.

Le décret relatif aux marchés publics précise qu’il « agit comme tierce partie, sans pouvoir décisionnel, afin d’aider les parties, qui en ont exprimé la volonté, à trouver une solution mutuellement acceptable à leur différend ».

Ainsi, à la différence des CCRA qui tranchent le litige, par un avis non contraignant, dont les parties sont libres de se saisir ou non, le médiateur des entreprises dispose d’une mission de conciliation entre les parties en vue de la résolution amiable et concertée du litige.

-Le recours à ces deux procédures amiables emporte les mêmes conséquences que celles prévues par le code des marchés publics avant la réforme :L’interruption du cours des différentes prescriptions

-L’interruption des délais de recours contentieux jusqu’à la notification du constat de clôture de la médiation ou la notification de la décision prise par l’acheteur sur l’avis du comité.

  • Soit à l’arbitrage, sous conditions :

Contrairement au code des marchés publics (article 128 abrogé), le recours à l’arbitrage n’est expressément prévu que pour l’exécution des marchés de partenariat (article 90 de l’ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015).

Néanmoins, l’article 69 de la loi du 17 avril 1906, qui autorise l’État, les départements et les communes à recourir à l’arbitrage pour la liquidation de leurs dépenses de travaux publics et de fournitures, n’est pas abrogé par la présente réforme et la faculté de l’ancien article 128 semble ainsi maintenue.

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste

Avec le décret du 25 mars 2015, le recours aux variantes est parfois autorisé, parfois interdit et il peut désormais même être exigé (article 58 du décret n°2016-360 du 25 mars 2015). Afin d’y voir plus clair, nous avons synthétisé les dispositions applicables :

 

  • Les règles de principe

 

  • L’exception : les variantes peuvent désormais être exigées par l’acheteur

 

Le décret permet désormais aux acheteurs d’exiger la présentation de variantes, quelle que soit la procédure suivie. La seule condition qu’impose le II de l’article 58 du décret est celle d’une information préalable des candidats dans l’un des documents suivants : avis d’appel à la concurrence, invitation à confirmer l’intérêt ou dans un des documents de la consultation.

 

Les documents contractuels doivent indiquer, comme c’était le cas sous l’empire du code des marchés publics, les exigences minimales que les variantes autorisées ou exigées doivent remplir ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent ou doivent être présentées.

 

De plus, les acheteurs doivent veiller à ce que les critères d’attribution qu’ils déterminent soient applicables tant aux offres de base qu’aux variantes qui peuvent être demandées (article 62-V du décret du 25 mars 2016).

 

Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.