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L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas, pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19, vient d’être publiée au JO.

 Elle prévoit plusieurs mesures dérogatoires pour faire face à la crise sanitaire.

Une première chose nous frappe : à aucun moment, le texte n’utilise les termes de force majeure ou d’imprévision. Il place ces mesures dans un cadre juridique propre à la situation, sans les rattacher à ces régimes juridiques.

Ensuite, plusieurs mesures sont d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles prévalent sur le contrat, sauf si la clause est plus favorable au titulaire du contrat.

De plus, certaines mesures concernent tous les contrats publics, d’autres seuls les marchés publics ou les concessions. Nous vous avons trié ces informations dans deux fiches : celle-ci pour les marchés et une autre pour les concessions.

Enfin, si ce texte répond à certaines questions, il laisse plusieurs situations sans réponse. Il faudra donc chercher les solutions dans les théories classiques dont la force majeure et l’imprévision, à condition bien sûr de démontrer qu’elles s’appliquent (voir nos articles précédents disponible sur le site du cabinet).

I. Quels sont les marchés concernés ?

 

Tous les marchés publics en cours ou conclus durant la période comprise entre :

  • le 12 mars 2020 ;
  • jusqu’au 24 juillet 2020 (à ce jour – date susceptible d’être reportée = 24 mai (date marquant à ce jour la fin du l’état d’urgence sanitaire) + deux mois).

 

Le fait que les marchés conclus après le 12 mars et durant cette période soient concernés est à noter. Cette approche est donc beaucoup plus large que celle de la force majeure, par exemple. En effet, dans le cas de la force majeure, il faut démontrer que Evènement est imprévisible, ce qui serait contestable pour des marchés conclus aujourd’hui par exemple.

II. Quelles sont les conditions préalables indispensables à l’application de ces dispositions ?

 

Les mesures prévues par cette ordonnance ne s’appliqueront que si elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux mesures prises pour limiter cette propagation. 

Le Rapport au Président de la République le souligne aussi : « l’application de ces dispositions requiert une analyse au cas par cas de la situation dans laquelle se trouvent les cocontractants qui devront justifier la nécessité d’y recourir ».

En somme, il faut démontrer que la difficulté rencontrée pour la passation et l’exécution du marché est réellement liée à la crise sanitaire.

Les entreprises devront donc se constituer un solide dossier.

III. Les mesures pour la passation des marchés publics

 

III.1. Les mesures pour les procédures en cours

 

  • Les délais de réception des candidatures et des offres sont prolongés (art 2)

 

Ils sont prolongés d’une « durée suffisante », pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner.

Cette durée est fixée par l’acheteur public.

Exception : cette prolongation ne s’applique pas si les prestations commandées doivent être obtenues rapidement (« ne peuvent souffrir aucun retard »).

Question : faut-il systématiquement prolonger ? Le texte semble effectivement l’imposer (« sont prolongés »). Pour autant, la durée de prolongation est laissée à l’appréciation de l’acheteur.

 

  • Les modalités de mise en concurrence pourront être aménagées (art 3)

 

Si les modalités de la mise en concurrence prévues dans les documents de la consultation ne peuvent pas être respectées par l’acheteur public, il peut les aménager en cours de procédure. Il devra toutefois respecter le principe d’égalité de traitement des candidats.

Remarque :

Cette formulation générale semble laisser une grande liberté à l’acheteur public. Mais ce n’est qu’une apparence. Cet article fait prévaloir le principe d’égalité, comme le fait d’ailleurs déjà l’article L.3 du code de la commande publique (CCP). Or, ce principe va jouer le rôle de garde-fou.

 Prenons par exemple l’hypothèse de négociations annoncées dans le règlement de la consultation. Les offres ont été déposées mais l’acheteur ne peut plus, pour le moment, organiser de réunions de négociation en présentiel.

Avec cette mesure, il pourra par exemple les organiser en visio-conférence ou même les annuler, à condition toutefois dans ce dernier cas, de laisser aux candidats un délai pour présenter une dernière offre.

 

  • Certains marchés pourront être prolongés afin d’alléger le travail de passation des acheteurs (cf ci-dessous point IV.2)

 

III.2. Les mesures pour les procédures de passation à lancer (art.6.2°) b))

 

Le texte prévoit des mesures spécifiques pour la passation de nouveaux marchés, en cas de difficultés d’exécution.

Ainsi, lorsque le titulaire d’un marché est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat, l’acheteur pourra conclure un marché de substitution avec un tiers.

 Plusieurs précisions sur cette faculté :

  • Concernant sa mise en œuvre ; là encore il faut justifier l’application de cette mesure :
    • Il faut que les prestations à commander soient nécessaires (elles « ne peuvent souffrir aucun retard ») ;
    • Il faut notamment que l’entreprise ne dispose pas des moyens suffisants pour exécuter le contrat (par ex : personnel en quarantaine, fournisseur défaillant) ou que le fait de mobiliser ces moyens fait peser sur elle une charge manifestement excessive ;
  • Concernant ses conséquences ; aucune des parties n’est fautive :
    • L’acheteur n’engage pas sa responsabilité même si le contrat prévoit une exclusivité ;
    • et ce marché n’est pas passé aux frais et risques de l’entreprise. Autrement dit, elle ne prend pas en charge l’éventuel surcoût de ce marché pour l’acheteur et elle n’en supporte pas les risques.

Ces dispositions prévalent sur le marché : Les clauses du contrat ne s’appliquent pas sauf si elles sont plus favorables au titulaire du marché.

IV. Les mesures pour l’exécution des marchés publics

 

IV.1. Les mesures relatives aux difficultés d’exécution

 

  • Si l’entreprise ne peut pas respecter son ou ses délais d’exécution ou bien moyennant des charges manifestement plus élevées (art.6-1)

Dans cette hypothèse, le délai contractuel est prolongé d’une durée au moins équivalente à 4 mois et 12 jours (cf point I).

 Mais attention, l’entreprise devra prouver :

  • soit, les raisons pour lesquelles elle ne peut pas respecter ce délai ;
  • soit, qu’elle devrait pour cela, mobiliser des moyens qui lui feraient supporter une charge manifestement excessive. On peut imaginer qu’une augmentation des charges de plus de 15 % sera considérée comme excessive.

Et elle devra le demander à l’acheteur avant l’expiration du délai d’exécution.

Cette mesure s’applique même si le contrat prévoit une clause contraire, sauf si cette clause est plus favorable au titulaire du marché.

 

  • Si l’entreprise est dans l’impossibilité d’exécuter le marché ou tout ou partie d’un bon de commande (art.6-2)

Dans cette hypothèse, le texte prévoit que le titulaire du marché ne pourra pas :

  • être sanctionné,
  • se voir appliquer les pénalités contractuelles,
  • ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif.

Plusieurs précisions sur cette faculté :

 

  • Concernant sa mise en œuvre ; là encore il faut que le titulaire démontre, notamment :
    • Qu’il ne dispose pas des moyens suffisants pour exécuter le contrat (par ex : personnel en quarantaine, fournisseur défaillant)
    • Ou que le fait de mobiliser ces moyens fait peser sur lui une charge manifestement excessive. Ce sera certainement le cas pour une augmentation des charges supérieure à 15 %.
  • Ces dispositions prévalent sur le marché : Les clauses du contrat ne s’appliquent pas sauf si elles sont plus favorables au titulaire du marché.

 

  • Si l’acheteur résilie le contrat ou annule le bon de commande (art.6-3)

 Il faut que cette résiliation ou cette annulation soit la conséquence des mesures prises par les autorités administratives compétentes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Dans ce cas, le titulaire pourra être indemnisé par l’acheteur. Cette indemnisation est toutefois réduite : elle ne couvre que les dépenses engagées qui sont directement liées à l’exécution d’un bon de commande annulé ou du marché résilié.

Ces dispositions prévalent sur le marché : Les clauses du contrat ne s’appliquent pas sauf si elles sont plus favorables au titulaire du marché.

IV.2. Les mesures permettant de prolonger la durée des marchés (art 4)

Pour les marchés qui arrivent à terme entre le 12 mars et le 24 juillet 2020 (date qui pourra être modifiée), le texte prévoit qu’ils pourront être prolongés par avenant au-delà de la durée prévue par le contrat.

Il faudra toutefois démontrer que l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre.

De plus, il est précisé que cette prolongation :

  • pourra conduire à dépasser les durées butoirs pour les accords-cadres (délais prévus aux articles L. 2125-1 et L. 2325-1 du code de la commande publique). La durée totale pourra par exemple aller au-delà du délai de 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs ;
  • mais ne pourra pas aller au-delà de la durée nécessaire à la remise en concurrence, délai décompté à partir du 24 juillet 2020 (sous réserve que cette date soit repoussée).

 Remarque : Le texte ne précise pas s’il déroge ou non aux règles sur les modifications des marchés. Autrement dit, s’agit-il d’un nouveau cas d’avenant autorisé ou faut-il respecter les règles générales sur les avenants ?

Cette question a toutefois une portée limitée dans la mesure où cet avenant entrerait dans le cadre du point 3°) de l’article L2194-1 du CCP (circonstances imprévues). Il serait alors soumis à un seuil de 50 % du montant du marché initial pour les pouvoirs adjudicateurs (article R2194-3 du CCP).

 

IV.3. Les mesures relatives aux conditions financières

  • Pour les marchés à prix forfaitaire (art.6-4)

Si l’acheteur suspend un marché à prix forfaitaire dont l’exécution est en cours, il a plusieurs obligations :

  1. Il doit procéder sans délai au règlement du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat.
  2. A l’issue de la suspension, un avenant sera signé. Trois options sont prévues pour cet avenant :
  • Il pourra modifier le contrat si ces modifications sont nécessaires,
  • il pourra prévoir un reprise à l’identique du contrat,
  • ou encore sa résiliation.

 

Et cet avenant devra préciser les sommes dues au titulaire ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier à l’acheteur.

Ces dispositions prévalent sur le marché : Les clauses du contrat ne s’appliquent pas sauf si elles sont plus favorables au titulaire du marché.

Remarques :

Il est prévu que l’avenant soit conclu à l’issue de la suspension afin que les parties aient une vision d’ensemble des conséquences liées à la suspension.

Rien n’est prévu sur le montant de l’indemnisation à verser au titulaire du marché : Pour toutes les questions relatives à la suspension d’un marché de travaux à l’initiative du maître d’ouvrage, nous vous renvoyons à notre article.

 

  • Les avances

 Le texte prévoit deux assouplissements :

  • Les acheteurs peuvent modifier les conditions de versement de l’avance. Son taux peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande. Un avenant sera nécessaire.
  • Les acheteurs ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché (dérogation à l’article R2191-8 du CCP).

 

 

Infographie COVID-19 passation 2

La situation sanitaire inédite que traverse le pays en raison de la pandémie liée au COVID-19, a un impact sur les procédures de passation qui ont été lancées avant les mesures de confinement (voir notre article sur ce sujet) mais également sur les procédures de passation à lancer en pleine épidémie.

Certains achats peuvent s’avérer indispensables et doivent être réalisés en urgence. Dans ce cas, des dispositions procédurales dérogatoires sont prévues par le code de la commande publique (CCP). Elles permettent soit de réduire les délais de consultation (1), soit même d’exonérer l’acheteur des mesures de publicité et de mise en concurrence (2).

 

I. Pour les prestations à commander en urgence : il est possible de réduire les délais de consultation, sous certaines conditions

En cas de situation d’urgence, le code de la commande publique permet de réduire les délais minimums de réception des candidatures et des offres pour certaines procédures formalisées et certains acheteurs (articles R. 2161-2 et suivants du CCP).

Attention : Cette souplesse permet aux acheteurs de réduire de quelques jours la procédure de passation mais elle ne permet pas de les exonérer de toute procédure.

 

  • Qu’entend-t-on par urgence ?

Il s’agit d’une urgence dite « simple » qui doit répondre à trois conditions cumulatives :

  1. Le besoin doit être satisfait rapidement (en général, en quelques semaines)
  2. l’urgence est liée à des circonstances particulières qui ne sont pas liées à l’acheteur.
  3. Et les délais normaux de procédure ne peuvent matériellement pas être pratiqués.

La crise sanitaire génèrera nécessairement de telles situations.

Certaines vont surgir en pleine crise ; D’autres après la crise sanitaire :

Par exemple, tous les retards dans l’exécution des marchés publics (chantier à l’arrêt, prestations non exécutées…) pourraient justifier qu’il soit urgent de passer certains marchés à la fin de l’épidémie.

Un exemple parlant de catastrophe naturelle peut être rapproché au cas du COVID-19 : la tempête Xynthia. Elle a eu des conséquences sur les procédures de passation à lancer. Par exemple, l’implantation d’un groupe industriel sur une commune était prévue à une date précise. Des travaux de voiries devaient être effectués pour faciliter cette installation. Or, ces travaux n’ont pas pu être mis en œuvre en raison de la tempête. Et si la commune respectait les délais classiques de procédure, l’installation du groupe industriel ne pouvait pas se faire dans les délais. Cette situation a été qualifiée d’urgente et a justifié que l’acheteur déroge aux délais afin que les travaux soient réalisés dans un délai inférieur à 3 mois (CAA Lyon, 18 décembre 2003, n° 99LY02245).

En revanche, les acheteurs ne pourront pas invoquer l’urgence pour pallier leurs propres carences. Par exemple, des marchés dont la procédure de passation aurait pu être lancée bien avant l’épidémie de COVID-19 ne pourront pas bénéficier de délais réduits de réception des candidatures et des offres.

Ainsi, l’urgence s’appréciera au cas par cas au moment où l’acheteur lancera la procédure de passation.

 

  • Quels sont les délais à respecter en cas d’urgence ?

En procédure formalisée

Les délais minimaux sont différents selon la procédure formalisée. En règle générale, les opérateurs économiques ont a minima entre 30 et 35 jours pour remettre leur candidatures et/ou leur offre. Mais en cas d’urgence, ce délai minimal peut être ramené entre 10 et 15 jours (articles R. 2161-2 et suivants du CCP).

Attention : aucune disposition dérogatoire n’est prévue par les textes dans deux cas :

  • Pour les entités adjudicatrices hors appel d’offres ouvert. Cela s’explique sans doute par le fait qu’elles bénéficient déjà de délais très courts dans les autres procédures formalisées. En général, 15 jours pour la remise des candidatures et 10 jours pour la remise des offres, sauf accord plus avantageux avec les candidats ; ce qui correspond donc aux délais d’urgence.
  • En dialogue compétitif. Cette dérogation est logique ; cette procédure est particulière et demande du temps. Elle n’est pas adaptée à une situation d’urgence.

A noter : En procédure formalisée, lorsque l’acheteur réduit les délais de réception des offres en raison de l’urgence, il doit envoyer les renseignements complémentaires sur les documents de la consultation aux opérateurs économiques 4 jours (au lieu de 6) au plus tard avant la date limite fixée pour la réception des offres (article R2132-6 du CCP).

 

En procédure adaptée :

En procédure adaptée, le code ne prévoit pas de délai minimum de réception des candidatures et/ou des offres. Toutefois, l’acheteur doit fixer des délais qui sont proportionnés à la complexité du marché et au temps nécessaire aux entreprises pour préparer leur candidature et leur offre. En cas d’urgence, ces délais peuvent donc aussi être réduits.

 

  • Quelles obligations respecter ?

Les acheteurs qui décident de déroger aux délais minimaux de réception des candidatures et/ou des offres devront :

  • Motiver objectivement l’urgence ;
  • Justifier de l’impossibilité de respecter les délais ;
  • Indiquer les motifs qui justifient la procédure d’urgence dans l’avis d’appel public à la concurrence ;
  • Et respecter leurs obligations d’information, c’est-à-dire informer les candidats évincés et respecter le délai de standstill en procédure formalisée.

 

II. Pour les prestations extrêmement urgentes : le contrat public peut être conclu sans publicité ni mise en concurrence préalables (urgence impérieuse)

Le CCP prévoit des procédures sans publicité ni mise en concurrence pour les marchés publics et les concessions en cas d’urgence :

 

  • Pour les marchés publics

Les acheteurs peuvent passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables (article R.2122-1 du CCP) en cas d’urgence impérieuse. Elle doit résulter de circonstances extérieures que l’acheteur ne pouvait pas prévoir.

La crise sanitaire actuelle entre pleinement dans ce cas car :

  • Elle a créé une situation d’urgence inédite qui nécessite notamment l’achat immédiat de matériels médicaux dans un contexte de pénurie (masques de protection ou de gels hydroalcooliques notamment).Le texte vise d’ailleurs comme cas de recours à cette procédure dérogatoire le danger ponctuel imminent pour la santé publique en faisant référence à l’article L1311-4 du code de la santé publique.
  • Et elle n’est pas liée à l’acheteur, qui ne pouvait raisonnablement pas prévoir la pandémie.

 

Toutefois, le recours à cette procédure dérogatoire est conditionné. Il faut :

  • qu’en raison de l’urgence impérieuse, les délais minimaux imposés dans le cadre des procédures formalisées ne puissent pas être respectés. Le CCP impose aux acheteurs de respecter au minimum des délais de remise des candidatures et/ou des offres entre 30 jours et 35 jours en procédure formalisée. Il est par exemple, évident que l’achat de matériels médicaux ne peut pas attendre ces délais compte tenu de la pénurie que nous connaissons et de la propagation rapide de l’épidémie.
  • Que l’acheteur se limite à acheter les prestations qui sont strictement nécessaires pour faire face à l’urgence. Concrètement, les acheteurs ne doivent acheter que ce qui est nécessaire pour lutter contre le COVID-19.

 

Par exemple, les hôpitaux pourront recourir à cette procédure pour acheter des masques, du gel hydroalcoolique, des lits et des machines d’assistance respiratoire, par exemple. En revanche, ils ne pourront pas utiliser cette dérogation pour commander des prestations qui sont accessoires et non nécessaires à la lutte contre le COVID-19 (Par exemple, des tests de dépistage pour des maladies autres que le COVID-19).

Des prestations exceptionnelles de transport ou de nettoyage de locaux pourront également être conclues, là encore si elles sont justifiées.

Par ailleurs, le marché qui sera conclu devra être limité dans le temps. Il ne pourra durer que quelques semaines et pourra être reconduit en cas de prolongement des mesures prises par l’Etat.

 

Le recours à cette procédure présente des avantages :

  • Elle permet une plus grande réactivité des acheteurs qui peuvent conclure dès à présent un marché en contactant directement l’entreprise de leur choix.
  • Le code ne prévoit pas de limite de montant pour recourir à cette procédure. Elle peut donc être utilisée pour des achats au-dessus des seuils de procédure.

 

Mais attention : le marché devra tout de même respecter certaines règles pour sa passation et son exécution :

  • Pour la passation, par exemple, l’acheteur devra recourir à la dématérialisation si son achat est d’un montant supérieur aux seuils de procédure formalisée qui lui sont applicables. Et si son achat dépasse 25.000 euros HT, il devra obligatoirement conclure le marché par écrit.
  • Pour l’exécution, les règles du CCP s’appliqueront, notamment les règles de modification des marchés publics.

Et, tous les acheteurs ne pourront pas se prévaloir de cette procédure pour leurs achats. La crise sanitaire ne doit pas être un motif pour contourner les règles de publicité et de mise en concurrence.

 

  • Pour les concessions

Le code de la commande publique prévoit une disposition similaire pour les concessions (article R3121-6) :

Les acheteurs peuvent conclure un contrat de concession sans publicité ni mise en concurrence préalables si trois conditions cumulatives sont réunies :

  • L’autorité concédante se retrouve confrontée à une urgence indépendante de sa volonté qui ne lui permet pas de faire assurer le service concédé par son cocontractant ou de l’assurer elle-même.  C’est le cas si certains concessionnaires ne peuvent plus assurer leur mission de service public car – par exemple – leur personnel a exercé son droit de retrait ou est en quarantaine. De même, les collectivités qui assuraient certains services en régie, peuvent se trouver confrontées aux mêmes difficultés.
  • Si la continuité du service est justifiée par un motif d’intérêt général. Toutes les concessions de service ne sont pas concernées. Par exemple, aucun motif d’intérêt général ne justifie la continuité du service public d’une piscine municipale. En revanche, afin d’assurer la salubrité publique, il est nécessaire d’assurer en continu le traitement et la collecte des déchets.
  • Et enfin, la durée de ce nouveau contrat de concession ne doit pas excéder le temps nécessaire pour mettre en œuvre une procédure de passation et / ou le temps de la crise sanitaire.

 

En conclusion, le recours aux procédures d’urgence doit rester exceptionnel et justifié. Les acheteurs devront veiller à invoquer l’urgence avec parcimonie pour éviter toute remise en cause de leur procédure de passation.

 


 

Coronavirus et marchés publics : que faire si la maîtrise d’ouvrage souhaite suspendre l’exécution des travaux ?

Cet article a été mis à jour à la suite de la publication de l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 relative aux mesures d’adaptation des contrats publics en période de Covid-19.
Le Cabinet a commenté les conséquences de cette ordonnance sur : les marchés publics , les concessions  et les procédures de passation.

 

Dans nos précédents articles, nous avons évoqué la question de l’interruption, par l’entreprise, des travaux en raison des conséquences, sur son organisation, du Covid-19 (voir fiches 1 et 2).

La question est ici différente : qu’en est-il si c’est le maitre d’ouvrage qui souhaite suspendre le chantier ?

 

A ce jour, pas d’obligation générale et absolue de fermer les chantiers

Les français sont confinés chez eux : le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 interdit par principe tout déplacement en dehors de son domicile jusqu’au 31 mars 2020, sauf certains cas limitatifs.

Pour autant, le Premier ministre a rappelé mardi 18 mars au soir que cette mesure de confinement « n’interdit pas le travail » de manière générale et absolue.

Et l’ordonnance du 25 mars 2020 relative aux contrats publics n’a rien imposé de tel non plus.

Cette position semble cohérente avec la possibilité prévue par le décret de se déplacer pour effectuer les « trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle » (article 1 1° du décret n°2020-260 du 16 mars 2020).

Le Premier Ministre a donné une première grille de lecture pour savoir quelle activité est autorisée :

  • Si le télétravail n’est pas possible ;
  • Si les gestes-barrière et l’ensemble des consignes permettant d’éviter la contamination peuvent être respectées.

A ce jour, même si plusieurs fédérations professionnelles appellent de leurs vœux la fermeture des chantiers, aucune interdiction générale et absolue ne s’impose aux maîtres d’ouvrage.

Chaque opération de travaux va donc devoir faire l’objet d’une appréciation au cas par cas de la part du maître d’ouvrage et des entreprises.

Je suis maître d’ouvrage, comment savoir si je dois suspendre ou arrêter le chantier ?

 Une seule chose est certaine : la situation actuelle est inédite et l’attitude du maître d’ouvrage doit répondre à trois règles d’or : dialoguer, anticiper puis décider

 

 

Quelles conséquences financières va avoir chaque décision ?

 

Pour l’heure, il est très délicat de déterminer avec précision les préjudices qui pourront être indemnisés dans chaque situation.

En effet, l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 prévoit un seul cas d’indemnisation concernant les marchés publics : en cas de résiliation du contrat ou d’un bon de commande (article 6 3° de l’ordonnance).

Et l’épidémie de COVID-19 donnera certainement lieu à une jurisprudence abondante.

En l’état de la jurisprudence actuelle – et parfois ancienne car la force majeure se présente rarement – l’entrepreneur pourrait prétendre aux indemnités suivantes :

 

 

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Crédit photo illustration  : Photo by Kuan Fang on Unsplash

 

Infographie

Les mesures exceptionnelles prises en raison du COVID-19 ont de multiples conséquences sur les procédures de passation en cours. Cette situation inédite nécessite de prendre des mesures particulières du côté de l’acheteur :

 

  • Il est possible de reporter les délais de remise des candidatures et des offres

Le délai de remise des candidatures et des offres est la date et l’heure maximale imparties aux candidats pour déposer leurs candidatures et leurs offres. A défaut de respecter ce délai, l’offre ou la candidature est irrecevable.

Les acheteurs doivent le fixer en tenant compte (R.2143-1, R.2143-2, R.2151-1 et R.2151-3 du Code de la commande publique) :

  • De la complexité du marché ;
  • du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour répondre ;
  • Ainsi que de l’existence d’une visite des sites ou de la consultation de documents sur place.

Le code prévoit deux cas dans lesquels le délai de remise des offres doit obligatoirement être prolongé (R.2151-4 du CCP) :

  • Lorsque les documents de la consultation sont modifiés de façon importante ;
  • Ou lorsqu’un complément d’informations, nécessaire à l’élaboration de l’offre, demandé en temps utile par l’opérateur économique, n’est pas fourni dans les délais par l’acheteur.

Ces hypothèses ne concernent pas directement l’hypothèse actuelle.

 

Toutefois, l’acheteur peut toujours prolonger les délais de remise des candidatures et des offres pour d’autres raisons. Par exemple, une prolongation 20 minutes a été admise en raison de problèmes techniques sur la plateforme de dématérialisation (CAA de NANTES, 22/12/2017, 16NT01413).

Aussi, dans la situation actuelle, l’acheteur n’est pas tenu de prolonger les délais mais il peut le faire.

En effet, les mesures exceptionnelles prises en raison du COVID-19 peuvent justifier que les acheteurs prolongent les délais de remise des candidatures et des offres car les entreprises n’ont pas nécessairement eu le temps ou ne peuvent pas matériellement répondre dans les délais impartis (désorganisation des services, manque de personnel, remise d’échantillons impossible etc).

Il faut néanmoins respecter certaines conditions :

  • Publier un avis rectificatif et informer tous les opérateurs économiques qui ont téléchargé les documents de la consultation du nouveau délai ;
  • Modifier les documents de la consultation et notamment le règlement de la consultation pour indiquer ce nouveau délai ;
  • Modifier tous les délais contractuels susceptibles d’être impactés par ce report (date de début d’exécution des prestations, date de fin du marché public, les éventuels phasages de travaux etc).

 

Et que faire si les opérateurs économiques ont déjà déposé une offre avant le report de délai ?

Dans ce cas, les opérateurs économiques pourront bénéficier du report du délai pour améliorer leur offre et en déposer une nouvelle. Seule la dernière offre déposée sera examinée par l’acheteur (article R2151-6 du CCP).

 

  • Il est possible de reporter le délai de validité des offres

Les documents de la consultation fixent un délai de validité des offres. Il s’agit de la date limite jusqu’à laquelle une entreprise est liée par son offre.

Il est possible que le délai de validité des offres expire pendant le confinement ou peu de temps après ce qui ne laissera pas le temps aux acheteurs de les étudier et de se prononcer.

Aussi, pour éviter de devoir relancer une procédure de passation, il est possible, dès à présent, de demander aux opérateurs économiques de prolonger le délai de validité de leurs offres. Toutefois pour en bénéficier, plusieurs conditions doivent être remplies afin de respecter le principe d’égalité de traitement :

Si un candidat ne donne pas son accord :

  • il ne peut pas être exclu sauf si les documents de la consultation le prévoyaient expressément (CJUE, 6ème chambre, ordonnance, 13 juillet 2017 affaire C‑35/17).
  • L’acheteur devra donc attribuer le marché avant la fin du délai de validité des offres ;
  • Et, si cela n’est pas possible, il devra déclarer sans suite la procédure.
  • comme nous ne connaissons pas la date de la fin du confinement, les acheteurs pourront indiquer que le délai est prolongé à X jours à compter de la fin de la période de confinement.

Les acheteurs doivent également faire preuve de bon sens. La durée de prolongation de la validité des offres ne doit pas être excessive pour éviter par exemple des modifications importantes dans la situation des entreprises ou que l’offre ne soit plus économiquement viable pour l’entreprise.

 

  • Il faut aménager les conditions de visite des sites et de consultation de documents sur place

Certains marchés prévoient des visites obligatoires de site ou des consultations de documents sous peine ou non d’irrégularité de l’offre. C’est le cas notamment des marchés de nettoyage où il est essentiel que les candidats connaissent le nombre et les caractéristiques des vitres, le type de sols etc…

Des visites sur site ont pu être programmées de manière groupée ou individuellement pendant la période de confinement. Elles ne peuvent donc matériellement pas être réalisées. L’acheteur doit alors agir :

  • Si une visite groupée est prévue, l’acheteur devra alors modifier les documents de la consultation pour fixer une autre date.
  • Si des visites individuelles ont été programmées, l’acheteur devra décaler ces dates avec les opérateurs économiques.
  • Les acheteurs devront également modifier la date limite de remise des offres pour tenir compte du report des visites obligatoires sur site. Ils doivent veiller à laisser un délai suffisant entre les nouvelles dates de visites et le nouveau délai de remise des offres pour que les opérateurs économiques puissent préparer leur offre.

 

  • Il sera possible de poursuivre la négociation ou le dialogue sous certaines conditions

Les mesures prises en raison du Covid-19 posent également des questions sur la tenue des négociations ou des dialogues qui sont en cours ou programmés.

Dans la mesure du possible, il faut privilégier les moyens de communication à distance :

  • Le téléphone ou les visioconférence (utile si des éléments doivent être montrés). Dans ce cas, il faut retracer tous les échanges afin de respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats.
  • Le mail. Dans ce cas, il faut absolument échanger avec les opérateurs économiques via la plateforme de dématérialisation.

Et si la tenue des négociations est impossible dans ces conditions, il est préférable de demander aux candidats d’accepter un report de validité de leurs offres (cf. point II ci-dessus) ou de déclarer sans suite la procédure.

 

  • L’acheteur peut également déclarer sans suite la procédure

Les différentes mesures précitées ne pourront pas toujours être mises en place. Par exemple, par manque de personnel au sein des services achats ou en raison de délais trop courts.

Dans ce cas, il est préférable pour l’acheteur de déclarer sans suite la procédure :

  • Elle peut se faire à tout moment de la procédure (2185-1 du CCP).
  • Et l’acheteur devra impérativement communiquer aux opérateurs économiques qui ont participé à la procédure les motifs de cette décision. Ici il faudra expliquer qu’il est impossible d’assurer la poursuite de la procédure de passation en raison des mesures prises pour lutter contre le COVID-19 (2185-2 du CCP).

Une nouvelle procédure devra alors être lancée à la fin des mesures de confinement imposées par l’Etat. Et, en cas d’urgence, un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pourra être conclu.

 

 

 

commande publique

Les praticiens du droit de la commande publique ont et auront bien besoin de ce kit en ce moment et dans les semaines et les mois qui viennent !

Les questions se multiplient sur la passation et l’exécution des contrats de la commande publique.

Et face au caractère inédit de la situation, revenir aux fondamentaux est essentiel.

De plus, le cabinet est mobilisé pour vous apporter des réponses (voir nos précédents articles sur le site du cabinet).

Enfin une avancée notable : le projet de Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 prévoit que le gouvernement est autorisé à prendre par Ordonnance toute mesure «adaptant les règles de délai, d’exécution et de résiliation prévues par les contrats publics et le code de la commande publique, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles ». Le texte précise que cette mesure devra être conforme au droit de l’Union Européenne.

Nous devrions donc avoir de nouvelles pistes dans quelque temps. Mais, nul doute que le kit de survie de la commande publique restera, en tout état de cause, d’actualité !

 

Sophie Lapisardi, avocat associé, spécialiste en droit public

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Avant de lire cette fiche, il faut vérifier que votre situation correspond bien à une hypothèse de force majeure. Vous trouverez cette information dans la fiche n°1.

 

Pour les marchés publics 

Attention : il faut vérifier les clauses de votre contrat : le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) peut déroger au cahier des clauses administratives générales (CCAG). Si ce n’est pas le cas, voici ce que prévoient les CCAG travaux, fournitures courantes et services (FCS) et prestations intellectuelles (PI).

 

1. Pour les marchés publics de travaux

Les règles à respecter sont prévues aux articles 18.3 et 19.2.2. du CCAG Travaux de 2009. Elles concernent notamment les hypothèses d’ajournement de travaux décidé par le maître d’ouvrage, de retard dans l’exécution, ou d’impossibilité de commencer ou poursuivre les travaux en raison de circonstances imprévues.

L’entreprise doit immédiatement informer le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre. Elle doit le faire par écrit. Le marché prévoit les conditions dans lesquelles il faut notifier cette information. Si le courrier recommandé est imposé, n’hésitez pas à l’accompagner d’un mail.

Avec cette information, l’entreprise doit demander une prolongation des délais d’exécution ou un report.

Ensuite c’est au maître d’œuvre d’agir : il doit envisager la durée de la prolongation ou le report et demander l’avis à l’entreprise. Le maître d’œuvre présente ensuite sa proposition au maître d’ouvrage qui prend une décision et la notifie à l’entreprise.

Voici la procédure en schéma :

 

*MOA = maître d’ouvrage / MOE = maître d’œuvre

 

2. Pour les marchés publics de fournitures courantes et services ou pour les marchés de prestations intellectuelles

 

La procédure à suivre est prévue aux articles 13.3 de ces deux CCAG de 2009.

Les CCAG prévoient que si le titulaire est dans l’impossibilité de respecter les délais d’exécution en raison d’un cas de force majeure, le cocontractant public doit prolonger le délai d’exécution. Le délai ainsi prolongé a les mêmes effets que le délai contractuel, c’est-à-dire qu’aucune pénalité ne pourra être appliquée mais que l’entreprise devra respecter ce délai.

Pour bénéficier de cette prolongation, l’entreprise doit respecter la procédure suivante :

  • Elle doit signaler à l’acheteur public le ou les évènement(s) qui justifient qu’elle ne puisse pas respecter le délai d’exécution prévu au contrat.

 

Attention :

  • Elle doit le faire dans un délai maximum de 15 jours à compter de ce ou ces évènements. Ce délai est réduit si le marché doit se terminer avant ces 15 jours.
  • La demande doit toujours être faite avant l’expiration du délai contractuel d’exécution des prestations.

L’entreprise doit indiquer à l’acheteur public la durée de la prolongation demandée. Le marché prévoit les conditions dans lesquelles il faut notifier cette information. Si le courrier recommandé est imposé, il ne faut pas hésiter à l’accompagner d’un mail.

  • Ensuite, l’acheteur public a quinze jours, à compter de la date de réception de la demande de l’entreprise, pour lui notifier sa décision.

 

La demande de prolongation ne peut pas être refusée dans deux cas :

 

  • Si l’entreprise ne peut pas exécuter les prestations en raison d’un ordre de réquisition ;
  • Si l’entreprise ne peut pas exécuter les prestations parce qu’elle est mobilisée sur un marché conclu en urgence impérieuse en raison de circonstances imprévisibles. Attention toutefois : cette règle ne s’applique pas si le marché a lui-même pour objet de répondre à une situation d’urgence impérieuse résultant de situations imprévisibles.

Dans ces deux cas exceptionnels, la durée d’exécution du marché est prolongée de la durée nécessaire à la réalisation des prestations réalisées sur réquisition ou pour les besoins du marché passé en urgence impérieuse.

Voici la procédure en schéma :

 

Pour les concessions 

Les contrats signés ces dernières années prévoient généralement cette hypothèse de force majeure et une procédure particulière pour informer les autorités concédantes.

Il faut la respecter à la lettre.

Si aucune procédure n’est prévue, il est recommandé d’adresser un mail + un courrier recommandé avec accusé de réception pour informer l’autorité concédante de l’arrêt des prestations.

Là encore, le dialogue entre les parties au contrat sera primordial.

 

 

Dans tous les cas, nous vivons actuellement une situation inédite qui va nous confronter à des situations inédites. Il est certain que la loyauté et la bonne foi des parties seront un atout pour l’affronter et le cas échéant, pour faire face à un différend.

 

Entreprises, acheteurs publics, autorités concédantes, vous souhaitez être conseillés ? Le cabinet LAPISARDI AVOCATS s’est organisé pour répondre à vos demandes.

Contactez-nous par mail : contact@lapisardi-avocats.fr 

 

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L’entreprise peut être confrontée à plusieurs problèmes qui l’empêchent d’exécuter ses prestations et donc son contrat public (salariés en quarantaine, en arrêt maladie, ayant exercé leur droit de retrait sans possibilité d’aménager les conditions de travail, difficultés d’approvisionnement…)

 

Quels sont les risques ?

S’agit-il d’un cas de force majeure ?

Le Ministre de l’Economie et des Finances a déclaré que pour les marchés publics de l’Etat, le virus sera considéré comme un « cas de force majeure ». Et l’une des conséquences est que les pénalités, notamment de retard, ne seront pas appliquées.

Attention toutefois :

  • Les autres acheteurs publics peuvent avoir une analyse juridique différente (justifiée ou non) ;
  • Même pour les marchés de l’Etat, les entreprises devront constituer un solide dossier pour pouvoir faire jouer la force majeure.

On se trouve dans un cas de force majeure quand 3 conditions sont réunies :

  1. L’évènement (ici le covid-19) doit être extérieur aux parties ; cette condition est réunie.

 

  1. Ses conséquences doivent être imprévisibles au moment de la signature du contrat ; cela semble être le cas. La question pourra se poser pour des contrats conclus récemment, alors que son existence était déjà connue.

 

  1. Et l’évènement doit être « irrésistible » ; c’est-à-dire qu’en raison de cet événement, l’exécution des obligations contractuelles est impossible, provisoirement ou définitivement. C’est la condition qui pose en général, le plus de difficultés et entraîne des contestations. Il faut que l’entreprise démontre :
    1. Qu’elle n’a pas d’autre moyen pour exécuter ses prestations (ex : adaptation des conditions de travail, autre canal pour se fournir …) ;
    2. et que le fait de ne pas pouvoir exécuter le contrat est bien lié au virus :

C’est la raison pour laquelle les entreprises doivent – plus que jamais – constituer un solide dossier.

 

Quelles sont les options possibles en cas de force majeure ?

Si l’entreprise ne peut pas ou plus exécuter son contrat, l’acheteur public ou l’autorité concédante peut prendre deux décisions :

  • Soit suspendre l’exécution des prestations;

Dans ce cas, il ne doit pas appliquer de pénalités.

  • Soit résilier le contrat pour force majeure.

L’entreprise n’a pas la possibilité de résilier elle-même le contrat pour ce motif (sauf si le contrat l’autorise). Mais elle peut demander à l’acheteur public ou l’autorité concédante de le faire et solliciter une indemnisation en cas de refus (cf ci-dessous).

 

Que doit faire l’entreprise ?

 

Immédiatement

  • Vérifier son contrat: que prévoit-il en cas de force majeure ?

Pour les marchés publics, il ne faut pas oublier de vérifier le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable. Dans la fiche n°2 de cette série, vous trouverez les procédures prévues aux CCAG travaux, fournitures courantes et services (FCS) et prestations intellectuelles (PI).

Pour les concessions, le contrat prévoit, en général, une procédure particulière.

Dans tous les cas, il faut respecter la procédure à la lettre.

 

  • Informer votre cocontractant public en suivant la procédure prévue au contrat, le cas échéant.

 

  • Constituer des preuves afin de démontrer que vous ne pouvez plus exécuter les prestations et que le Covid-19 en est bien responsable (ex : arrêt de travail de vos salariés, fournisseurs défaillants etc…). il faut demander des attestations, conserver tous les éléments nécessaires pour vous justifier si besoin.

Puis,

  • Etablir des constats contradictoires et un inventaire avec son cocontractant public.

 

  • Si l’entreprise souhaite résilier le contrat et qu’elle l’a demandé sans succès à son cocontractant public, elle pourra être indemnisée. Cette indemnisation sera toutefois très limitée : elle ne portera que sur les pertes subies, à condition bien sûr de démontrer qu’elles sont liées au Covid-19. L’entreprise ne pourra obtenir aucune autre indemnité (ex : aucune indemnité n’est possible pour la perte du bénéfice).

 

 Et quand la situation permettra de reprendre l’exécution du contrat,

Il faudra reprendre le plus vite possible ou adapter la reprise en concertation avec le cocontractant public.

 

Que doit faire l’acheteur public et l’autorité concédante ?

Un mot d’ordre : le dialogue !

Les acheteurs/concédants devront communiquer avec leurs prestataires privés pour trouver des solutions.

Mais ils devront aussi veiller à disposer d’un solide dossier de l’entreprise pour justifier la force majeure (cf ci-dessus).

 

Attention ! en cas de différend avec le cocontractant public,

l’entreprise doit respecter les règles de procédure prévues par son contrat.

Dans les CCAG FCS et PI notamment, il faut adresser une réclamation dans un délai de 2 mois à compter du différend.

 

Entreprises, acheteurs publics, autorités concédantes, vous souhaitez être conseillés ? Le cabinet LAPISARDI AVOCATS s’est organisé pour répondre à vos demandes. Contactez-nous par mail : contact@lapisardi-avocats.fr

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Cette situation inédite va poser de nombreuses questions et problèmes pour la passation et l’exécution des contrats publics.

Même si la situation est exceptionnelle, tout n’est pas et ne sera pas possible !

 

J’ai coutume de dire qu’il existe 4 principes de la commande publique :

  • les 3 inscrits dans les textes : égalité de traitement, liberté d’accès et transparence des procédures ;
  • et un 4ème  : le bon sens. Il sera plus que jamais indispensable !

 

Nous avons publié deux fiches/articles sur ce thème :

fiche 1 : que faire si l’entreprise ne peut plus/pas exécuter son marché 

fiche 2 : Quelle procédure doit suivre l’entreprise si elle ne peut plus/pas exécuter son contrat ?

 

Le Cabinet a mis en place une organisation pour vous aider et vous accompagner.

Nous pouvons consulter tous nos dossiers distance, accéder à toutes les bases de données et nous disposons d’un outil de visio-conférence performant.

Pour nous contacter, privilégiez le mail :

contact@lapisardi-avocats.fr

 

Et – le plus important – prenez bien soin de vous et de vos proches !

 

Sophie Lapisardi

Image de couverture

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » écrivait déjà Nicolas Boileau en 1674 (L’Art poétique, Chant).

Nous le vérifions chaque jour dans notre pratique. Pour autant, nous avons notre jargon et nous ne sommes pas toujours compris de tous nos interlocuteurs. Des méthodes existent pourtant et les résultats sont tangibles pour tous les lecteurs, clients et magistrats.

Le langage juridique clair est une approche centrée sur l’utilisateur, il fait aujourd’hui partie des composantes essentielles du Legal Design. Communiquer clairement c’est permettre à l’utilisateur, même profane, de trouver facilement l’information et de la comprendre correctement et rapidement. C’est lui permettre d’utiliser cette information pour répondre à ses besoins et en mémoriser les messages clés. Et – précision capitale – tout cela dès la première lecture !

Un mouvement aujourd’hui inéluctable

Issu du monde anglo-saxon (« plain language »), le langage juridique clair est bien connu de nos confrères Québécois. En ce sens, le barreau du Québec a notamment publié un guide en 2008 intitulé « le langage clair : un outil indispensable à l’avocat ».

En France, ce mouvement est encore très récent. Le Conseil d’Etat (décembre 2018) et la Cour de cassation (juin 2019) ont ainsi adopté de nouvelles règles pour la rédaction de leurs arrêts. Finis les « considérants que » et « attendus que »… Mais pas seulement ! Désormais, « les juridictions doivent rendre [leurs décisions] mieux compréhensibles à un public large, sans rien sacrifier de leur qualité » (Conseil d’État, vade-mecum, 10 déc. 2018 : https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/juridiction-administrative-nouveaux-modes-de-redaction-des-decisions).

Ce mouvement est étroitement lié à celui de la transparence. Le RGPD recommande notamment un langage clair et compréhensible. Il en est de même pour les règles sur la compliance : si les entreprises veulent diffuser une culture de conformité, elles doivent s’adresser à leurs salariés dans un langage rapidement et facilement compréhensible.

Enrichir sa pratique

Communiquer clairement avec son client c’est à mes yeux, une marque de respect. Nous sommes tous confrontés au syndrome de l’obésité de l’information. Aussi, lorsque nous avons besoin d’une information, nous souhaitons en disposer rapidement et facilement.

Selon Labrador Maverick, les bénéfices du langage clair sont tangibles :
– 20 % de texte en moins ;
– 0 % de phrases relues ;
– 30 % de vitesse de lecture ;
– et 50 % d’amélioration de la mémorisation.

Communiquer clairement nous permet également de renforcer la confiance de notre client et diminue le risque de malentendus. Et donc de contestations !

J’entends souvent l’objection selon laquelle l’avocat y perdrait sa crédibilité. Bien au contraire ; il montre ainsi à son client qu’il possède un niveau de compétence élevé puisqu’il est en mesure de traduire des concepts complexes en mots simples et faciles à comprendre.

Quant aux magistrats, ils sont en demande d’écrits plus clairs. Pour l’ACE (Association des avocats conseils d’entreprises), nous avons réalisé une enquête auprès des magistrats sur la visualisation de l’information juridique. À la question « Quels sont les éléments de forme qui sont particulièrement importants pour vous ? » 81 % ont répondu la concision1.

Des méthodes existent et les résultats sont mesurables

Rédiger clairement ça s’apprend ! Voici quelques-unes des règles essentielles :
• Identifier le lecteur et adapter son message à son besoin. Il sera par exemple différent selon qu’il est juriste ou non juriste, juriste spécialisé dans le domaine d’intervention ou non.
• Définir l’objectif du document : Informer ? Convaincre ? Demander au lecteur de passer à l’action ?
• Sélectionner et structurer l’information selon la logique du lecteur (et non la sienne).
• Rédiger des phrases courtes (en général moins de 25 mots) en utilisant la voix active, en supprimant au maximum les incises et en plaçant l’idée principale au début de la phrase.
• Il n’est pas question de supprimer les termes juridiques : Il suffit de les définir clairement et d’utiliser des paraphrases.

(V. notamment le livre blanc sur le langage clair par l’agence Avec des mots).

Prenons un exemple :

 

Et il existe aujourd’hui des techniques pour vérifier la lisibilité de son document. Par exemple, LABRADOR vient de développer le service, PLAINLY, qui mesure automatiquement la lisibilité des textes.

Comment se former ?

L’ACE organise des ateliers sur ce thème, dans le cadre de la commission Soft skills que je co-préside avec Eléonore Zahlen.

Et sous l’impulsion de Droits quotidiens, une communauté du langage juridique clair s’est récemment constituée. Elle rassemble des experts dans tous les domaines concernés par cette pratique dans le but de créer un parcours commun de formation.

Reste ensuite à utiliser le langage juridique clair au quotidien. Et c’est finalement le plus difficile : les mauvaises habitudes reviennent au (triple) galop. Pour assurer le succès de cette démarche, il faut fédérer son équipe autour de cette exigence et se remettre constamment en question.

Mais le jeu en vaut la chandelle car comme le disait Victor Hugo, « la concision dans le style, la précision dans la pensée, la décision dans la vie ».

 

Notes :

1. Enquête réalisée en juillet-août 2017 avec Eléonore Zahlen auprès des présidents de juridictions, qui avaient la liberté de la communiquer ou non aux membres de leur juridiction. Cette enquête a donné lieu à 91 réponses, émanant de magistrats des deux premiers degrés de juridiction.

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Vous pouvez également retrouver cet article rédigé par Sophie Lapisardi dans la Newsletter du CNB de décembre 2019.