Le Conseil d’Etat joue les prolongations : quatre mois pour régulariser le contrat de partenariat pour la construction et la maintenance du nouveau stade de Bordeaux
A un mois de l’Euro de football 2016, le Conseil d’Etat a statué sur la régularité de la procédure de passation du contrat de partenariat conclu pour la construction du nouveau stade de Bordeaux, devant accueillir cinq rencontres.
Les requérants contestaient deux délibérations du 24 octobre 2011 par lesquelles le conseil municipal de Bordeaux a approuvé, d’une part, les termes du projet de contrat de partenariat et autorisé le maire à signer ce contrat et d’autre part, autorisé le maire à signer l’accord autonome ainsi que l’acte d’acceptation de la cession de créance.
Les requérants invoquaient notamment le défaut d’information des élus préalablement à la délibération approuvant le contrat et autorisant le maire à signer le contrat.
Tout en précisant le contenu de l’information devant être délivrée aux conseillers municipaux préalablement à la délibération autorisant le maire à signer un contrat de partenariat (1.), le Conseil d’État sauve le contrat de la résiliation sous réserve d’une régularisation (2.) (CE, 11 mai 2016, M.B., n°383768).
1. Un droit d’information renforcé des élus pour les contrats de partenariat
Le droit des conseillers municipaux d’être informés sur les affaires de la commune (article L.2121-13 du code général des collectivités territoriales) trouve une application particulière lorsqu’ils délibèrent sur l’autorisation donnée au maire de signer un contrat de partenariat (articles L.1414-10 et D. 1414-4 du CGCT).
L’impact de l’exécution du contrat sur les finances de la collectivité est au nombre des informations devant être délivrées aux conseillers municipaux, par le biais d’une note préalable à la délibération indiquant :
- le coût prévisionnel du contrat, rapporté en moyenne annuelle ;
- la part qu’il représente par rapport à la capacité de financement de la commune ;
Le Conseil d’Etat précise que le coût prévisionnel du contrat doit prendre en compte :
- D’une part, les sommes versées à raison du contrat et liées aux prestations confiées au partenaire privé. Il en va ainsi des sommes versées par le partenaire privé à la collectivité (recettes) et de celles versées par la collectivité publique au prestataire (redevances).
- D’autre part, toutes les sommes qui pourraient être versées pendant l’exécution du contrat, même si elles n’ont pas directement de lien avec les prestations exécutées durant le contrat.
A titre d’exemple, le versement d’une « subvention » de 17 millions d’euros de la commune au partenaire privé concernant une avance sur rémunération ou bien les impôts et taxes payés par le partenaire privé et refacturés à la commune doivent être inclus dans le coût prévisionnel du contrat, quand bien même ces sommes n’ont pas de lien direct avec les prestations prévues par le contrat.
Cette définition du coût prévisionnel correspond à la définition de la valeur du marché de partenariat de l’article 151 du décret n°2016-360 sur les marchés publics du 26 mars 2016.
2. Un nouvel exemple de l’approche pragmatique du juge quant aux conséquences des vices affectant le contrat
De jurisprudence désormais établie, l’annulation d’un acte détachable du contrat n’entraîne pas automatiquement la résiliation de ce dernier. La possibilité de régulariser le contrat ou une atteinte manifestement excessive à l’intérêt général peut conduire le juge à maintenir les relations contractuelles.
L’arrêt du 11 mai 2016 illustre les larges pouvoirs dont dispose le juge dans ce cadre, dans la droite ligne des jurisprudences Tropic et Tarn et Garonne. voir sur ce thème notre article
Tout en relevant que le défaut d’information suffisante des membres du conseil municipal constitue un vice grave, le Conseil d’Etat laisse un délai de quatre mois à la commune pour régulariser la signature du contrat, par l’adoption d’une nouvelle délibération, à défaut de quoi la commune est enjointe de résilier le contrat.
Les matchs de l’Euro 2016 sont ainsi sauvés !
Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Alexandre Delavay, juriste.