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Notre article dans Dalloz Actualité du 14 septembre 2021

 

La loi n° 2016-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République[1] a un objectif ambitieux : apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical. Et pour le législateur, la garantie du respect des principes de la république et des exigences minimales de la vie en société (Intitulé du Titre Ier de la loi) passe en premier lieu par les services publics et donc corrélativement par les contrats de la commande publique qui ont pour objet l’exécution d’un service public.

Même si les praticiens attendent une circulaire destinée à préciser ces mesures[2], nous pouvons d’ores et déjà percevoir les limites de cette loi et les problèmes d’interprétation qui pourront se poser.

 

Un périmètre d’application qui aurait pu être plus large et pourra donner lieu à interprétation

La loi[3] impose à tous les organismes de droit public ou de droit privé chargés directement de l’exécution d’un service public d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Sont donc par exemple concernés les organismes de sécurité sociale (URSSAF, CPAM…) tous comme les sociétés HLM visées expressément par la loi.

Ces organismes doivent veiller à ce que non seulement leurs salariés respectent ces règles, mais également « toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l’exécution du service public »[4], autrement dit les titulaires de leurs contrats de la commande publique.

Au premier abord le périmètre paraît large et clair car il n’est pas fait de distinction entre services publics administratifs (SPA) et services publics industriels et commerciaux (SPIC). Et comme le service public vise un large domaine, cette loi pourra concerner des situations telles que la gestion d’une crèche, l’exploitation d’un casino, d’une piscine aqualudique etc. Mais les praticiens vont être confrontés à des questions d’interprétation. En effet, le législateur n’a pas utilisé le terme « gestion » (gestion d’un service public) mais « exécution ». Il n’a pas non plus visé les concessions de service, les délégations de service public et les marchés de services. Aussi, on peut légitimement se poser la question de savoir si la loi s’applique à des contrats de fournitures ou de travaux. Par exemple, si un acheteur public est chargé, dans le cadre de l’exécution d’une mission de service public, de réaliser des travaux, est-ce que les contrats conclus pour ces travaux entrent dans le périmètre de la loi ?

Par ailleurs, la loi aurait pu aller plus loin en visant d’autres contrats, pas seulement les contrats de la commande publique. Sont en effet exclus de ce périmètre des contrats telles que les conventions d’occupation du domaine public, qui permettent par exemple à des sociétés d’exploiter une activité commerciale dans un aéroport. Sont également exclus les baux emphytéotiques administratifs (BEA) qui peuvent par exemple permettre à une société d’occuper un stade pour y organiser des activités et manifestations sportives.

Enfin, le gouvernement aurait pu envisager de modifier les cahiers des clauses administratives générales (2021) publiés dernièrement pour ajouter directement ces clauses. Cette initiative aurait facilité et accéléré l’application de la loi pour les marchés publics.

De nouvelles obligations pour les titulaires de contrats de la commande publique

Le titulaire doit assurer l’égalité des usagers devant le service public et les principes de laïcité et de neutralité du service public.

Pour cela, la loi prévoit que le titulaire doit s’assurer que ses salariés et les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction qui participent à l’exécution du service public respectent ces principes. Ces derniers doivent s’abstenir « notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses ». Ils doivent également traiter de façon égale les personnes et respecter leur liberté de conscience et leur dignité. Il s’agit pour l’essentiel d’une reprise de la jurisprudence qui considère déjà que les principes de neutralité et de laïcité s’appliquent aux salariés des personnes morales de droit privé gérant un service public (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690, Bull. 2013, V, n° 76).

Et le législateur ne s’arrête pas là : les titulaires des contrats visés par la loi devront également veiller à ce que leurs sous-traitants ou sous-concessionnaires respectent également ces obligations.

 

De nouvelles clauses dans les futurs contrats et certains contrats en cours et des sanctions liées

Pour que ces obligations ne restent pas lettre morte, la loi prévoit deux obligations :

Les clauses du contrat de la commande publique devront rappeler ces obligations et préciser les modalités de contrôle du cocontractant. Pour réaliser ces contrôles, l’acheteur ou l’autorité concédante pourra demander la communication de notes internes mais aussi prévoir des contrôles inopinés dans les locaux.

De plus, le titulaire devra communiquer à son cocontractant les contrats de sous-traitance ou de sous-concession qui portent sur l’exécution de la mission de service public. Cette communication permettra à l’acheteur ou à l’autorité concédante de vérifier que les règles de neutralité et de laïcité sont prévues et contrôlées par son titulaire lui-même.

Et naturellement, la loi prévoit que les contrats de la commande publique devront prévoir des sanctions si son cocontractant « n’a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés »[5]. Il pourra s’agir d’une pénalité dans un premier temps avec le cas échéant, une résiliation pour faute si la violation de ces principes persiste.

L’application dans le temps est la suivante :

  • Ces clauses doivent être intégrées dans tous les contrats concernés pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est envoyé depuis le 25 août dernier.
  • Pour les contrats en cours ou pour lesquels une consultation a été lancée avant le 25 août dernier, il faut distinguer 2 situations :
    • Pour les contrats qui se terminent avant le 25 février 2023, ces clauses n’ont pas à être insérées ;
    • Pour les contrats qui se terminent après le 25 février 2023, les acheteurs et autorités concédantes ont un an, jusqu’au 25 août 2022 pour intégrer ces clauses dans les contrats en cours.

Les principes sont posés et la rédaction de ces clauses ne devrait pas poser de difficultés. Reste la mise en place pratique qui se révèle toujours délicate quand il s’agit de questions de neutralité et de laïcité.

 

Sophie Lapisardi, avocat associé, spécialiste en droit public, LAPISARDI AVOCATS

 

[1] Publiée au JO du 25 août 2021

[2] Note de la DAJ du 25/08/21 : https://www.economie.gouv.fr/daj/loi-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-republique-quelles-consequences

[3] article 1er point I

[4] Article I.1

[5] Article 1er II

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La loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance créé, à titre expérimental, un nouveau dispositif s’apparentant à un rescrit « juridictionnel » ou à un recours « préventif ». Et celui-ci pourrait bien révolutionner le contentieux de l’urbanisme.

En effet, l’auteur ou le bénéficiaire de certaines décisions en matière d’urbanisme pourra désormais saisir le Juge administratif d’une demande tendant à en apprécier la légalité formelle, avant même qu’un tiers ne le saisisse d’un recours tendant à en obtenir l’annulation. Si la régularité de la décision est confirmée, celle-ci ne pourra plus être contestée, par quelque biais que ce soit.

Un tel mécanisme, organisant une intervention préalable du Juge administratif, permettra aux porteurs de projet de mieux anticiper d’éventuels litiges ultérieurs. Ainsi, il ambitionne de sécuriser, d’un point de vue juridique, leurs opérations. Analyse.

 

Un outil de cantonnement du risque juridique au soutien des opérations complexes

La procédure d’homologation instaurée continue de limiter les possibilités de contester la légalité formelle des décisions en matière d’urbanisme.

A côté du mécanisme prévu à l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, instaurant un délai au-delà duquel les vices de forme ou de procédure susceptibles d’affecter les documents d’urbanisme ne peuvent plus être invoqués, elle vise ainsi les décisions non règlementaires, susceptibles de fonder une décision ultérieure.

Si un décret doit venir préciser la liste des décisions concernées, on peut d’ores et déjà penser aux actes instaurant une opération complexe, tels que :

  • La création d’une Zone d’Aménagement Différé (ZAD) ou d’une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) ;
  • La Déclaration d’Utilité Publique (DUP) ;
  • L’institution d’un droit de préemption urbain (DPU) ;
  • Ou encore le permis d’aménager …

Ainsi, l’engagement d’une telle procédure permettra de limiter, à titre préventif, les moyens susceptibles de justifier l’annulation de ces décisions, et, au-delà, de toutes les décisions qui les mettent en œuvre.

Partant, ce nouvel outil permettra aux porteurs de projets de mieux évaluer le risque juridique afférent.

 

Un dispositif expérimental circonscrit

Le dispositif expérimental, limité à certaines décisions, reste également circonscrit dans le temps et l’espace.

 

 

Et il devra faire l’objet d’une évaluation, avant d’être éventuellement pérennisé.

 

Modalités de mise en œuvre

Si les modalités de mise en œuvre du dispositif doivent encore être précisées par décret, la loi du 10 août 2018 permet d’ores et déjà de tracer les contours de cette action :

 

 

Une systémisation du recours au juge paradoxale

Si le mécanisme instauré a indéniablement vocation à sécuriser les projets de grande ampleur, s’inscrivant dans le cadre d’opérations complexes, il n’en présente pas moins certains paradoxes, relevés par le Conseil d’Etat, et tenant :

  • A l’absence d’intérêt, pour l’auteur du recours, cherchant à faire valider la légalité de la décision en cause, de développer une argumentation convaincante, allant à l’encontre de ses intérêts ;
  • A une multiplication des procédures, plusieurs juges administratifs aux pouvoirs différents pouvant être saisis de la même décision.
  • A un allongement de la durée des procédures, la demande suspendant l’examen des recours contentieux dirigés contre la décision en cause.

Au final, si ce nouveau dispositif pourrait se révéler particulièrement intéressant pour les constructeurs, il pourrait également soulever des difficultés préjudiciables à sa pérennisation.

 

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Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat associé et Ariane Bakkali, Avocat

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Pour connaître le montant définitif des taxes d’urbanisme à payer, les porteurs de projets peuvent attendre plusieurs mois après la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. En effet, il est nécessaire que le service instructeur transmette la copie des permis délivrés et les feuillets « fiscalité » du formulaire CERFA pour que les services de l’Etat liquident ces taxes. Une telle situation n’est pas optimale pour finaliser le financement de son opération.

Pour tenter d’améliorer la prévisibilité de la fiscalité de l’urbanisme, la loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (ESSOC) développe les procédures de rescrit en visant :

  • Le versement pour sous-densité ;
  • La taxe d’aménagement ;
  • La taxe perçue sur les constructeurs en Ile-de-France.

Par ce biais, les porteurs de projet pourront, avant même le dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme, connaître la position de l’Administration sur l’application des règles afférentes à leur situation.

Sa réponse, opposable, leur permettra ainsi de sécuriser, d’un point de vue fiscal, leur opération. Analyse.

 

Mécanisme général du rescrit

Le rescrit est l’acte par lequel l’Administration, sollicitée par une personne physique ou morale, prend formellement position sur l’application des règles de droit à sa situation de fait.

Il a d’abord été institué dans le domaine fiscal (L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales), puis étendu à d’autres domaines, tels que la sécurité sociale (L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale), les douanes (345 bis II du code des douanes) ou encore la consommation (L.113-3-3 du code de la consommation).

Il n’est pas une nouveauté totale en droit de l’urbanisme, puisqu’il est déjà prévu pour certaines dispositions régissant le versement pour sous-densité.

Cependant l’article L. 331-40 du code de l’urbanisme permet seulement d’avoir une position de l’Administration sur certains éléments de calcul de la taxe (comme l’assiette de l’unité foncière à prendre en compte), mais pas d’obtenir un chiffrage du versement.

 

Un champ d’application étendu dans la fiscalité de l’urbanisme

La loi du 10 août 2018, qui vise à favoriser « une administration qui s’engage », élargit significativement le champ d’application du rescrit dans la fiscalité de l’urbanisme.

Ainsi, elle instaure de nouvelles procédures de rescrit concernant :

Dorénavant, les porteurs de projets pourront obtenir une réponse de l’administration sur le calcul des taxes d’urbanismes applicables, leur permettant ainsi d’affiner le financement de leurs opérations.

 

Mise en œuvre de la procédure de rescrit

Un redevable de bonne foi – pour reprendre les termes de la loi – pourra désormais demander au service de la préfecture de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles relatives :

  • Au versement pour sous-densité, peu importe la taille de son projet ;
  • À la taxe d’aménagement et à la taxe perçue sur les constructeurs en Ile-de-France, s’il porte un projet supérieur à 50.000 m2.

L’Administration devra lui répondre de manière motivée dans un délai de trois mois. Le demandeur pourra lui opposer sa réponse, et ce :

  • Jusqu’à ce que survienne un changement de fait ou de droit en affectant la validité ;
  • Ou jusqu’à ce qu’elle lui notifie une modification de son appréciation.

Un décret en Conseil d’Etat doit venir préciser les conditions de mise en œuvre du rescrit, et, notamment, le contenu, les modalités de dépôt et de réception des demandes, ainsi que les conditions et délais dans lesquels il y sera répondu.

A cet égard, il sera précisé que les rescrits en matière d’urbanisme pourraient bénéficier de l’expérimentation prévue par l’article 22 de la loi du 10 août 2018, selon laquelle le demandeur pourrait joindre un projet de prise de position à sa demande. Ce projet serait validé en l’absence de réponse de l’administration dans le délai de 3 mois. Un autre décret en Conseil d’Etat devra détailler ce point.

 

Des questions en suspens

Si le mécanisme instauré répond indéniablement à un besoin d’anticipation des opérationnels, il n’en laisse pas moins certaines questions en suspens.

En effet, son effectivité dépendra :

  • D’une part, de l’interprétation des notions visées, notamment de « redevable de bonne foi » ou encore de « changement de fait ou de droit » affectant la validité de la réponse donnée ;
  • D’autre part, du volontarisme de l’Administration, en l’absence de sanction dans la loi d’un éventuel défaut de réponse. Le décret en Conseil d’Etat prévu par la loi du 10 août 2018 apportera probablement des réponses sur ce point.

 

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Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat associé et Ariane Bakkali, Avocat

Le Cabinet LAPISARDI AVOCATS est, cette année encore, distingué au sein du guide Legal 500 PARIS qui classe les meilleurs cabinets d’avocats d’affaires sur le marché français, selon leurs domaines d’expertise.

Ce classement est réalisé sur la base de recherches minutieuses et d’une enquête de satisfaction auprès des clients des cabinets d’avocats.  

Le LEGAL 500 PARIS classe le cabinet LAPISARDI AVOCATS  parmi les meilleurs cabinets d’avocats en droit public des affaires avec la présentation suivante : 

« Lapisardi Avocats possède une bonne connaissance des collectivités locales et conseille une clientèle mixte, constituée d’acteurs publics et privés. Le cabinet possède un fort savoir faire en matière de contrats et de marchés publics, ainsi qu’en contentieux. L’expertise en matière d’urbanisme et d’aménagement est également très solide. Le cabinet a récemment traité de nombreux dossiers dans le domaine hospitalier et conseille des opérateurs de premier plan dans le secteur des casinos. Sophie Lapisardi est à la tête du cabinet. Agnès Boudin a été promue associée ».

Une belle reconnaissance pour toute notre équipe qui renforce notre détermination à accompagner la réussite des projets de nos clients !