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BTP marchés publics, surcoûts

Le BTP, fortement touché par la crise sanitaire, attendait de pied ferme les annonces du gouvernement mercredi 10 juin, à l’occasion de la présentation de la loi de finances rectificative (3ème) pour 2020 (déclaration de Bruno Le Maire lors du compte rendu du conseil des ministres du 10 juin 2020).

Les regards étaient notamment portés vers les mesures concernant les surcoûts liés à la mise en place des règles sanitaires, estimés à 25/30 % selon les professionnels du secteur.

Les annonces concernant ces surcoûts peuvent être classées en 3 catégories (marchés publics de l’Etat, autres marchés et mesures générales).

Elles donnent le ton et la mesure mais la partition est loin d’être écrite !

 

I. Pour les marchés publics de l’Etat et de ses opérateurs

 

Dans une instruction du 9 juin 2020, le premier ministre a présenté aux Ministres et Secrétaires d’Etat une série de préconisations pour la prise en charge des surcoûts, sous la forme d’une « méthode » à mettre en place pour marchés de l’Etat et de ses opérateurs (SNCF, RATP, société du grand Paris).

Dans quels cas appliquer cette méthode ?

Les entreprises ont supporté des coûts durant la période d’interruption du chantier, qu’elles en soient ou non à l’origine.

1er élément marquant : l’instruction ne fait aucune distinction selon la personne à l’origine de l’arrêt. Que l’arrêt des travaux soit lié à un ajournement ou une décision de l’entreprise, la solution est la même pour les surcoûts.

2ème élément marquant : il faudra adapter la méthode au cas par cas, en fonction des caractéristiques de chaque marché, notamment sa durée d’exécution.

 

En revanche, il est prévu que la méthode décrite dans cette instruction ne s’applique pas dans 2 hypothèses :

  • Cette méthode ne s’applique pas si la question des surcoûts est déjà traitée par le contrat (peu importe d’ailleurs de quelle manière c’est-à-dire avec ou sans prise en charge par le maître d’ouvrage). Autrement dit si le contrat précise les conditions de prise en charge ou de non prise en charge des surcoûts, ce sont les règles du contrat qui s’appliqueront.

On pense donc notamment à l’article 18-3 du CCAG Travaux.

  • Cette méthode ne s’applique pas si un accord a déjà été trouvé. Dans ce cas, cet accord reste valable et ne doit pas être remis en cause.

 

Quels sont les surcoûts pris en charge ?

L’instruction distingue les surcoûts liés à la période d’interruption et ceux liés aux nouvelles modalités d’exécution des travaux.

  • Les surcoûts liés à l’interruption des travaux

L’instruction précise les surcoûts pris en charge, tout en apportant immédiatement des limites et en précisant ceux qui restent à la charge des entreprises.

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Quelle est la clé de répartition des surcoûts pris en charge ?

L’instruction évoque une prise en charge en « tout ou partie » et ne fournit donc aucune clé de répartition.

Quelle procédure mettre en place ?

L’instruction insiste à plusieurs reprises sur la nécessité d’un dialogue et d’une négociation entre les parties. Elle décrit la procédure suivante :

  1. Le maitre d’ouvrage doit, si ce n’est pas déjà fait, faire chiffrer les coûts directs par son cocontractant.
  2. Il doit ensuite mettre en place un « dispositif formalisé » de concertation et favoriser une solution amiable, le cas échéant avec l’aide de la médiation des entreprises ou du comité national ou des comités consultatifs interrégionaux de règlement amiable des différends ou litiges.
  3. Les parties matérialiseront ensuite un accord (avenant et/ou protocole transactionnel)
  4. Et le maître d’ouvrage paiera rapidement cette dépense supplémentaire.

 

 

  • Les surcoûts liés aux nouvelles modalités d’exécution du chantier

 

L’instruction distingue les coûts directs des coûts indirects.

 

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Quelle procédure mettre en place ?

L’instruction insiste à plusieurs reprises sur la nécessité d’un dialogue et d’une négociation entre les parties. Elle décrit la procédure suivante :

  • Les surcoûts doivent être tracés et réduits. L’instruction ne le précise pas expressément mais nous comprenons qu’elle favorise le contradictoire pour ce traçage. Elle évoque d’ailleurs un « travail collectif et collaboratif mené par l’ensemble des parties prenantes »

 

  • Le maître d’ouvrage doit ensuite mettre en place un « dispositif formalisé » de concertation et favoriser une solution amiable, le cas échéant avec l’aide de la médiation des entreprises ou du comité national ou des comités consultatifs interrégionaux de règlement amiable des différends ou litiges.

 

  • Les parties matérialiseront ensuite un accord (avenant et/ou protocole transactionnel).

 

II. Pour les autres marchés publics

 

Les annonces sont très restreintes.

Le gouvernement indique avoir demandé aux Préfets de promouvoir des « chartes définissant une approche solidaire des surcoûts entre les entreprises du BTP, les maîtres d’ouvrage, dont les collectivités et bailleurs, et les maîtres d’œuvre ».

L’Etat pourrait financer une partie des surcoûts des collectivités par le biais des dotations (dotation de soutien à l’investissement local DSIL et dotation d’équipement des territoires ruraux DETR).

 

III. Les annonces générales

 

Un comité de suivi est créé pour « objectiver les surcoûts liés aux pertes de rendement sur les chantiers compte tenu de l’application des règles de sécurité sanitaire ».

Ce comité sera piloté par le commissariat général au développement durable (CGDD), en lien avec les fédérations professionnelles. Il a pour objet de donner des références pour la négociation entre maîtres d’ouvrage et entreprises du BTP.

IV. Que doit-on en penser ?

 

Les acteurs qui espéraient trouver une solution au problème des surcoûts liés à la crise du Covid sont clairement déçus, surtout les entreprises.

En effet ces mesures n’ont pas de caractère impératif, ne prévoient pas de clé de répartition et certains surcoûts sont d’ores et déjà identifiés comme ne pouvant pas être indemnisés.

Le contrat sera d’ailleurs souvent plus protecteur pour les entreprises.

Ces annonces mettent cependant en évidence 2 éléments saillants :

  • La nécessaire collaboration entre les parties au contrat pour trouver une solution à plus ou moins long terme et la mise en place d’un dispositif de concertation et de négociation ;
  • La nécessité pour les entreprises de « tracer » les surcoûts indirects liés à la reprise d’activité tout au long du chantier.

Nous l’avions déjà souligné dans un article antérieur, plus que jamais, les entreprises doivent se constituer un solide dossier de réclamation pour obtenir gain de cause.

 

Photo by Omid Armin on Unsplash

 

slide 3

Avant de lire cette fiche, il faut vérifier que votre situation correspond bien à une hypothèse de force majeure. Vous trouverez cette information dans la fiche n°1.

 

Pour les marchés publics 

Attention : il faut vérifier les clauses de votre contrat : le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) peut déroger au cahier des clauses administratives générales (CCAG). Si ce n’est pas le cas, voici ce que prévoient les CCAG travaux, fournitures courantes et services (FCS) et prestations intellectuelles (PI).

 

1. Pour les marchés publics de travaux

Les règles à respecter sont prévues aux articles 18.3 et 19.2.2. du CCAG Travaux de 2009. Elles concernent notamment les hypothèses d’ajournement de travaux décidé par le maître d’ouvrage, de retard dans l’exécution, ou d’impossibilité de commencer ou poursuivre les travaux en raison de circonstances imprévues.

L’entreprise doit immédiatement informer le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre. Elle doit le faire par écrit. Le marché prévoit les conditions dans lesquelles il faut notifier cette information. Si le courrier recommandé est imposé, n’hésitez pas à l’accompagner d’un mail.

Avec cette information, l’entreprise doit demander une prolongation des délais d’exécution ou un report.

Ensuite c’est au maître d’œuvre d’agir : il doit envisager la durée de la prolongation ou le report et demander l’avis à l’entreprise. Le maître d’œuvre présente ensuite sa proposition au maître d’ouvrage qui prend une décision et la notifie à l’entreprise.

Voici la procédure en schéma :

 

*MOA = maître d’ouvrage / MOE = maître d’œuvre

 

2. Pour les marchés publics de fournitures courantes et services ou pour les marchés de prestations intellectuelles

 

La procédure à suivre est prévue aux articles 13.3 de ces deux CCAG de 2009.

Les CCAG prévoient que si le titulaire est dans l’impossibilité de respecter les délais d’exécution en raison d’un cas de force majeure, le cocontractant public doit prolonger le délai d’exécution. Le délai ainsi prolongé a les mêmes effets que le délai contractuel, c’est-à-dire qu’aucune pénalité ne pourra être appliquée mais que l’entreprise devra respecter ce délai.

Pour bénéficier de cette prolongation, l’entreprise doit respecter la procédure suivante :

  • Elle doit signaler à l’acheteur public le ou les évènement(s) qui justifient qu’elle ne puisse pas respecter le délai d’exécution prévu au contrat.

 

Attention :

  • Elle doit le faire dans un délai maximum de 15 jours à compter de ce ou ces évènements. Ce délai est réduit si le marché doit se terminer avant ces 15 jours.
  • La demande doit toujours être faite avant l’expiration du délai contractuel d’exécution des prestations.

L’entreprise doit indiquer à l’acheteur public la durée de la prolongation demandée. Le marché prévoit les conditions dans lesquelles il faut notifier cette information. Si le courrier recommandé est imposé, il ne faut pas hésiter à l’accompagner d’un mail.

  • Ensuite, l’acheteur public a quinze jours, à compter de la date de réception de la demande de l’entreprise, pour lui notifier sa décision.

 

La demande de prolongation ne peut pas être refusée dans deux cas :

 

  • Si l’entreprise ne peut pas exécuter les prestations en raison d’un ordre de réquisition ;
  • Si l’entreprise ne peut pas exécuter les prestations parce qu’elle est mobilisée sur un marché conclu en urgence impérieuse en raison de circonstances imprévisibles. Attention toutefois : cette règle ne s’applique pas si le marché a lui-même pour objet de répondre à une situation d’urgence impérieuse résultant de situations imprévisibles.

Dans ces deux cas exceptionnels, la durée d’exécution du marché est prolongée de la durée nécessaire à la réalisation des prestations réalisées sur réquisition ou pour les besoins du marché passé en urgence impérieuse.

Voici la procédure en schéma :

 

Pour les concessions 

Les contrats signés ces dernières années prévoient généralement cette hypothèse de force majeure et une procédure particulière pour informer les autorités concédantes.

Il faut la respecter à la lettre.

Si aucune procédure n’est prévue, il est recommandé d’adresser un mail + un courrier recommandé avec accusé de réception pour informer l’autorité concédante de l’arrêt des prestations.

Là encore, le dialogue entre les parties au contrat sera primordial.

 

 

Dans tous les cas, nous vivons actuellement une situation inédite qui va nous confronter à des situations inédites. Il est certain que la loyauté et la bonne foi des parties seront un atout pour l’affronter et le cas échéant, pour faire face à un différend.

 

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