Archive d’étiquettes pour : commande publique

Voici maintenant près de 6 ans que nous appliquons le Legal Design au quotidien, au cabinet. Et Sophie Lapisardi a formé des centaines de juristes et acheteurs publics à la méthode utilisée au cabinet qui est devenue la méthode Lexclair Legal Design.  Les retours et les bénéfices sont tels, pour toutes les parties prenantes, que nous voulions vous faire partager notre vision du Legal Design et vous parler de ses bénéfices.

Dans une tribune publiée le 18 novembre dernier, Sophie Lapisardi vous explique pourquoi le Legal Design est aujourd’hui incontournable pour des DAJ et Directions de la commande publique.

 »

Qu’est ce que le Legal Design ?

Le Legal Design est un mode de pensée qui place l’utilisateur (client interne/opérateur économique/usager) au centre de la démarche. Il permet de répondre au besoin de droit toujours plus pressant de nos interlocuteurs qui attendent une information claire et si possible visuelle.

Le Legal Design ne se réduit pas au graphisme (pictos, couleurs, infographies…). Il ne s’agit pas non plus de faire simpliste ou minimaliste. C’est un changement d’état d’esprit qui non seulement ne fait pas perdre en rigueur, mais au contraire, permet de délivrer une information juridique de plus grande qualité.

Avec le Legal Design les professionnels du droit communiquent l’information juridique de manière claire, efficace, engageante et percutante.

Il permet aussi de concevoir des services et des outils innovants pour améliorer l’accès à l’information juridique et la collaboration entre les services.

 

Quels usages peut-on faire du Legal Design dans la commande publique ?

Le Legal Design s’applique à tous les actes quotidiens, à toutes les décisions et à tous les processus d’une direction de la commande publique.

Concrètement, les acheteurs et juristes utilisent les techniques de Legal Design pour rédiger des emails, notes d’informations, des consultations, de dossiers de consultation des entreprises, des revues de contrats, des écrits contentieux…  mais également pour concevoir des présentations et des formations.

Le Legal Design permet également de revoir ses processus internes pour améliorer la collaboration avec les autres directions et notamment la collaboration entre acheteurs et prescripteurs.

 

Quels sont les intérêts du Legal Design pour une direction de la commande publique ?

Les intérêts sont nombreux pour tous les acteurs de la commande publique : l’entité acheteur public, les clients internes de la direction de la commande publique (élus/direction, autres services), les opérateurs économiques, les usagers mais aussi les magistrats, les experts judiciaires et médiateurs amenés à intervenir dans le cadre de contentieux et précontentieux.

 

Améliorer la définition de son besoin

Avec la pensée design, la direction de la commande publique place l’humain au cœur de sa réflexion. Utiliser l’empathie au stade de la définition des besoins permet ainsi de mieux comprendre les besoins des vrais utilisateurs des marchés publics : les utilisateurs/prescripteurs et les opérateurs économiques.

Les rédacteurs du dossier de consultation prennent conscience de ce qui compte réellement pour ces utilisateurs dans le cadre de l’exécution du marché. ils s’interrogent notamment sur ce que les opérateurs économiques en attendent.  Cette démarche complète parfaitement une démarche de sourcing et demande peu de temps.

 

Réduire le nombre de candidatures et d’offres irrégulières

Les opérateurs économiques réclament des documents de la consultation plus clairs. Travailler sur la clarté et l’accessibilité du règlement de la consultation permet ainsi de gagner en efficacité et de réduire les candidatures et les offres irrégulières.

Là encore, le Legal Design permet de dégager les informations essentielles pour les opérateurs économiques, de repenser ce règlement, sa structure, sa rédaction, afin de mieux les guider.

 

Plus de sécurité, de confiance et de transparence

Des marchés clairs sont le gage d’une meilleure compréhension par les prescripteurs et opérateurs économiques, d’une meilleure exécution par les parties avec corrélativement une baisse du nombre de litiges.

Et la marque « acheteur public » n’est pas en reste car des contrats clairs véhiculent de la confiance et de la transparence.

Les utilisateurs des marchés publics retrouvent plus facilement les clauses vraiment importantes pour eux et les comprennent.

Quant aux usagers, ils peuvent bénéficier d’une information plus claire et accessible.

 

Gagner en impact dans le cadre des contentieux et des règlements amiables

Il ne faut pas croire que les professionnels du droit se satisfont du jargon juridique. Nous aspirons tous à une information plus claire, plus accessible, plus visuelle et ergonomique.

Les magistrats ne sont pas en reste : ils ne peuvent plus lire d’interminables écritures. Ils demandent de la concision et des éléments visuels (schémas, tableaux…) pour appréhender plus rapidement les aspects factuels et techniques. Les techniques de Legal Design permettent de gagner en persuasion en les guidant dans les écritures.

 

 

Gagner en visibilité et en influence

Comme les directions juridiques, les directions de la commande publique souffrent souvent d’un déficit de visibilité et leur expertise n’est pas toujours appréciée à leur juste valeur. L’origine du mal est à chercher dans nos études de droit : nous avons appris à communiquer entre experts.

En apprenant à mieux communiquer avec des non-juristes, la direction de la commande publique gagne en visibilité et donc en pouvoir et en influence au sein de son organisme. Plus l’expert est clair plus il est contacté en amont et moins il a l’impression d’être constamment dans le rôle du pompier.

Les effets sont tels que certaines directions de la commande publique qui pratiquent le Legal Design deviennent désormais les moteurs de l’innovation au sein de leur organisme. Le Legal Design permet de lancer une démarche plus globale de transformation de tous les services.

 

Gagner du temps

Notre temps et celui de nos interlocuteurs est précieux. Sélectionner les informations pour donner la juste information à son interlocuteur est indispensable. Le Legal Design permet ainsi de mieux communiquer en interne dans le cadre de notes internes et de consultations.

 

Mieux collaborer avec les autres services et au sein du service

Ce mode de pensée innovant ouvre des possibilités infinies de collaboration pour la plus grande satisfaction de tous les acteurs.

Le Legal Design permet de concevoir des outils et des solutions juridiques innovants.

On pense bien sûr à :

  • des fiches pratiques claires que la direction, les prescripteurs et les usagers auront envie de lire ;
  • des formations dont les participants mémoriseront facilement les messages clés ;
  • des présentations impactantes pour la direction…

Le Legal Design est également le moyen de repenser les processus internes pour améliorer la collaboration entre les prescripteurs et les acheteurs/juristes au stade de la définition des besoins notamment.

Mais il y a plus : le Legal Design est la portée d’entrée de l’innovation juridique et de la digitalisation.

Pour ne prendre que cet exemple, les chatbot sont aujourd’hui un moyen efficace de décharger les directions de la commande publique et les directions juridiques, à condition d’avoir bien compris les besoins des utilisateurs, d’avoir posé les bonnes questions et d’y avoir répondu de manière claire et efficace.

Le Legal Design permet également de créer une émulation au sein même de la direction de la commande publique et renforce la collaboration des membres de l’équipe.

 

Comment pratiquer le Legal Design ?

Le Legal design repose sur 3 techniques structurantes : la visualisation de l’information juridique, la pensée design et le langage juridique clair. A ces techniques, s’ajoutent celles issues des résultats des sciences cognitives ainsi que des techniques de marketing et de journalisme.

Mais au-delà des moyens de le pratiquer, c’est surtout un changement de paradigme, de mode de pensée et il faut bien le dire, une petite révolution culturelle dans le monde du droit. En effet, l’empathie n’est pas étudiée dans nos cursus universitaires. Et le fait de tester ses écrits auprès de ses utilisateurs et d’attendre les retours de ses clients internes n’est pas usuel.

C’est la raison pour laquelle il est recommandé de se former avec une méthode structurée et éprouvée et de former toute son équipe pour diffuser la culture du Legal Design au sein de tout le département.

Les résultats sont très rapides, immédiatement perçus par les utilisateurs et motivants pour toute la direction.

C’est donc en plaçant l’humain au centre de la démarche juridique que le juriste et l’acheteur public – non pas de demain mais d’aujourd’hui – met en valeur son expertise et renforce le fait qu’il est incontournable.  »

 

Sophie Lapisardi est avocat spécialiste en droit public au sein du cabinet LAPISARDI AVOCATS dédié au droit public des affaires et Présidente de Lexclair, organisme de formation au Legal Design.

Retrouvez notre article sur achatpublic.info

 

Notre article dans Dalloz Actualité du 14 septembre 2021

 

La loi n° 2016-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République[1] a un objectif ambitieux : apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical. Et pour le législateur, la garantie du respect des principes de la république et des exigences minimales de la vie en société (Intitulé du Titre Ier de la loi) passe en premier lieu par les services publics et donc corrélativement par les contrats de la commande publique qui ont pour objet l’exécution d’un service public.

Même si les praticiens attendent une circulaire destinée à préciser ces mesures[2], nous pouvons d’ores et déjà percevoir les limites de cette loi et les problèmes d’interprétation qui pourront se poser.

 

Un périmètre d’application qui aurait pu être plus large et pourra donner lieu à interprétation

La loi[3] impose à tous les organismes de droit public ou de droit privé chargés directement de l’exécution d’un service public d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Sont donc par exemple concernés les organismes de sécurité sociale (URSSAF, CPAM…) tous comme les sociétés HLM visées expressément par la loi.

Ces organismes doivent veiller à ce que non seulement leurs salariés respectent ces règles, mais également « toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l’exécution du service public »[4], autrement dit les titulaires de leurs contrats de la commande publique.

Au premier abord le périmètre paraît large et clair car il n’est pas fait de distinction entre services publics administratifs (SPA) et services publics industriels et commerciaux (SPIC). Et comme le service public vise un large domaine, cette loi pourra concerner des situations telles que la gestion d’une crèche, l’exploitation d’un casino, d’une piscine aqualudique etc. Mais les praticiens vont être confrontés à des questions d’interprétation. En effet, le législateur n’a pas utilisé le terme « gestion » (gestion d’un service public) mais « exécution ». Il n’a pas non plus visé les concessions de service, les délégations de service public et les marchés de services. Aussi, on peut légitimement se poser la question de savoir si la loi s’applique à des contrats de fournitures ou de travaux. Par exemple, si un acheteur public est chargé, dans le cadre de l’exécution d’une mission de service public, de réaliser des travaux, est-ce que les contrats conclus pour ces travaux entrent dans le périmètre de la loi ?

Par ailleurs, la loi aurait pu aller plus loin en visant d’autres contrats, pas seulement les contrats de la commande publique. Sont en effet exclus de ce périmètre des contrats telles que les conventions d’occupation du domaine public, qui permettent par exemple à des sociétés d’exploiter une activité commerciale dans un aéroport. Sont également exclus les baux emphytéotiques administratifs (BEA) qui peuvent par exemple permettre à une société d’occuper un stade pour y organiser des activités et manifestations sportives.

Enfin, le gouvernement aurait pu envisager de modifier les cahiers des clauses administratives générales (2021) publiés dernièrement pour ajouter directement ces clauses. Cette initiative aurait facilité et accéléré l’application de la loi pour les marchés publics.

De nouvelles obligations pour les titulaires de contrats de la commande publique

Le titulaire doit assurer l’égalité des usagers devant le service public et les principes de laïcité et de neutralité du service public.

Pour cela, la loi prévoit que le titulaire doit s’assurer que ses salariés et les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction qui participent à l’exécution du service public respectent ces principes. Ces derniers doivent s’abstenir « notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses ». Ils doivent également traiter de façon égale les personnes et respecter leur liberté de conscience et leur dignité. Il s’agit pour l’essentiel d’une reprise de la jurisprudence qui considère déjà que les principes de neutralité et de laïcité s’appliquent aux salariés des personnes morales de droit privé gérant un service public (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690, Bull. 2013, V, n° 76).

Et le législateur ne s’arrête pas là : les titulaires des contrats visés par la loi devront également veiller à ce que leurs sous-traitants ou sous-concessionnaires respectent également ces obligations.

 

De nouvelles clauses dans les futurs contrats et certains contrats en cours et des sanctions liées

Pour que ces obligations ne restent pas lettre morte, la loi prévoit deux obligations :

Les clauses du contrat de la commande publique devront rappeler ces obligations et préciser les modalités de contrôle du cocontractant. Pour réaliser ces contrôles, l’acheteur ou l’autorité concédante pourra demander la communication de notes internes mais aussi prévoir des contrôles inopinés dans les locaux.

De plus, le titulaire devra communiquer à son cocontractant les contrats de sous-traitance ou de sous-concession qui portent sur l’exécution de la mission de service public. Cette communication permettra à l’acheteur ou à l’autorité concédante de vérifier que les règles de neutralité et de laïcité sont prévues et contrôlées par son titulaire lui-même.

Et naturellement, la loi prévoit que les contrats de la commande publique devront prévoir des sanctions si son cocontractant « n’a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés »[5]. Il pourra s’agir d’une pénalité dans un premier temps avec le cas échéant, une résiliation pour faute si la violation de ces principes persiste.

L’application dans le temps est la suivante :

  • Ces clauses doivent être intégrées dans tous les contrats concernés pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est envoyé depuis le 25 août dernier.
  • Pour les contrats en cours ou pour lesquels une consultation a été lancée avant le 25 août dernier, il faut distinguer 2 situations :
    • Pour les contrats qui se terminent avant le 25 février 2023, ces clauses n’ont pas à être insérées ;
    • Pour les contrats qui se terminent après le 25 février 2023, les acheteurs et autorités concédantes ont un an, jusqu’au 25 août 2022 pour intégrer ces clauses dans les contrats en cours.

Les principes sont posés et la rédaction de ces clauses ne devrait pas poser de difficultés. Reste la mise en place pratique qui se révèle toujours délicate quand il s’agit de questions de neutralité et de laïcité.

 

Sophie Lapisardi, avocat associé, spécialiste en droit public, LAPISARDI AVOCATS

 

[1] Publiée au JO du 25 août 2021

[2] Note de la DAJ du 25/08/21 : https://www.economie.gouv.fr/daj/loi-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-republique-quelles-consequences

[3] article 1er point I

[4] Article I.1

[5] Article 1er II

Article publié dans Dalloz Actualités le 9 septembre 2021

 

Le législateur s’est saisi de la proposition formulée par la Convention citoyenne pour le climat de « renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics » à l’horizon 2030.

 

La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021[1], dans un chapitre « Verdir l’économie », décline les nouvelles obligations des acheteurs, des autorités concédantes et des titulaires.

 

Les considérations environnementales seront désormais obligatoires lors la procédure de passation et de l’exécution des contrats. En matière sociale, les objectifs fixés sont plus modestes.

 

Aux racines du processus d’achat : l’environnement au stade de la procédure de passation

 

Dans un nouvel article préliminaire, le législateur affirme la participation de la commande publique au développement durable, dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales (article L 3-1 CCP).

 

Plus précisément, le législateur impose de nouvelles obligations contraignantes au stade de la définition des besoins et au stade du choix de l’offre[2], qui entreront en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard le 22 août 2026.

 

Des précisions sur la définition du besoin

 

Première étape du processus d’achat, la définition des besoins doit conduire l’acheteur ou l’autorité concédante à préciser la nature et l’étendue de son besoin ainsi que les spécifications techniques nécessaires pour le satisfaire.

 

Jusqu’à présent, le code de la commande publique prévoyait que seules la nature et l’étendue de ces besoins devaient prendre en compte des « objectifs de développement durable » qui recouvraient des considérations économiques, sociales et environnementales[3].

 

Cette exigence est désormais élargie aux spécifications techniques qui devront également être définies en fonction de ces objectifs[4]. Et ce pour toutes les catégories d’achat.

 

Cette nouvelle obligation risque d’être complexe à mettre en œuvre pour certains achats. On pense notamment aux prestations intellectuelles, pour lesquelles la mise en valeur du développement durable n’est pas toujours évidente.

Cette obligation n’est toutefois pas à négliger.

 

Le juge contrôle la bonne définition des besoins par les acheteurs et les autorités concédantes. Si ce contrôle est réduit à l’erreur manifeste d’appréciation[5], il n’en reste pas moins qu’un besoin imprécis ou incomplet peut conduire à l’annulation d’une procédure de passation[6].

 

L’environnement s’impose lors du choix des offres

 

C’est sans doute l’avancée la plus nette en matière de protection de l’environnement.

 

Jusqu’à présent, l’obligation d’intégrer une dimension « développement durable » dans la définition des besoins n’imposait pas à l’acheteur de prévoir un critère de sélection des offres portant sur le développement durable ou sur l’environnement[7].

 

La loi Climat revient sur cette position : en 2025 au plus tard, toutes les procédures de passation de tous les marchés publics devront inclure un critère de sélection des offres relatif aux « caractéristiques environnementales de l’offre »[8].

 

La Convention citoyenne pour le climat avait proposé qu’une pondération minimale de 20 % de ce critère soit inscrite dans la loi.

 

Assez logiquement, le législateur n’a pas retenu cette proposition : elle aurait été difficilement conciliable avec l’obligation d’adapter la pondération des critères en fonction des caractéristiques propres à chaque marché[9].

 

Ce nouveau critère obligatoire appelle plusieurs observations.

 

La formulation du critère « environnemental » devra éviter certains pièges.

 

On le sait, il ne sera pas possible d’exiger simplement des soumissionnaires qu’ils respectent la réglementation applicable en matière environnementale ou les exigences du cahier des charges. Un tel critère est systématiquement censuré car il relève de la seule conformité des offres[10].

 

De plus, la formulation du critère environnemental devra veiller à ne pas entrer en contradiction avec les autres objectifs de la commande publique, par exemple en restreignant abusivement la concurrence.

 

Ainsi, on pourrait imaginer qu’un critère qui se limiterait à comparer la quantité globale de CO2 émise lors du transport de marchandises pourrait pénaliser les entreprises les plus éloignées du lieu de livraison et donc s’apparenter à un critère géographique interdit. A l’inverse, le critère relatif à la quantité de CO2 émise par kilomètre parcouru a déjà été validé par le juge[11].

 

Enfin, le critère environnemental, bien qu’obligatoire, devra toujours être lié à l’objet du marché et apprécié sur la base d’éléments précis et objectifs.

 

Par exemple, la notation d’un critère « impact environnemental » sur la base d’un « bilan carbone » dont ni le contenu, ni les modalités d’appréciation n’étaient indiquées, est irrégulière[12].

 

Sous ses réserves, les possibilités restent très variées.

 

Le code de la commande publique prévoyait déjà la possibilité d’avoir recours à des critères fondés sur « les performances en matière de protection de l’environnement, (…) la biodiversité, le bien-être animal ».

 

Et la jurisprudence donne des exemples de critères « environnementaux » réguliers. Par exemple, pour un marché de travaux, les « mesures et démarches adoptées pour diminuer l’impact environnemental des travaux », appréciées notamment au regard « de la diminution du bruit et de la pollution, l’émission de poussières, la propreté du chantier et des accès, la gestion raisonnée des déchets et l’économie d’eau »[13].

 

Les critères envisageables sont nombreux : chaque étape d’une prestation peut donner lieu à des efforts et à des propositions innovantes des soumissionnaires : les processus de fabrication des matériaux ou des fournitures, les modes de transports et de livraison, la gestion des stockages, des emballages ou des déchets.

Pour les aider dans cette démarche et « dans la définition de leur politique d’achat »[14], la loi Climat impose à l’Etat de mettre à leur disposition au plus tard le 1er janvier 2025 « des outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat »[15].

 

Si la date d’entrée en vigueur du critère environnemental obligatoire reste à définir par décret – au plus tard le 22 août 2026 – il semble préférable de commencer dès à présent à s’approprier ces critères.

 

Cette période de transition pourra également être l’occasion de former les prescripteurs et les acheteurs au maniement des concepts environnementaux et au choix d’indicateurs pertinents.

 

La convention citoyenne pour le climat l’avait anticipé en proposant « d’accentuer la formation des fonctionnaires et des élus en charge des marchés publics ».

 

Reste à le mettre en pratique, dans un contexte où les acheteurs sont déjà soumis à des contraintes nombreuses et à une matière de plus en plus technique.

 

Au stade de la candidature, un nouveau motif d’exclusion facultatif

 

Depuis 2017, les sociétés ou les groupes d’au-moins 5.000 salariés doivent établir et mettre en œuvre un plan de vigilance qui a notamment pour but d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves à l’environnement[16].

 

La loi Climat permet désormais aux acheteurs et aux autorités concédantes d’exclure de la procédure de passation les entreprises qui ne satisfont pas à cette obligation, sauf si cette exclusion conduit à restreindre la concurrence ou à rendre plus difficile l’exécution des prestations[17].

 

A noter que ce motif d’exclusion est facultatif : l’acheteur devra apprécier, au regard des éléments dont il dispose et au terme d’une procédure contradictoire, si l’exclusion du candidat doit être prononcée.

 

Au stade de l’exécution : l’environnement comme obligation contractuelle

 

En 2018, l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) estimait que seuls 13,6 % des marchés publics contenaient une clause environnementale[18].

 

La loi Climat entend y remédier : les conditions d’exécution des marchés publics et des concessions devront désormais prendre en compte « des considérations relatives à l’environnement »[19]. Cette obligation ne concerne pas les marchés et les concessions en matière de sécurité et de défense.

 

Il s’agit de la conséquence logique de l’insertion de la logique environnementale au stade de la définition des besoins et du choix des offres.

 

Cette exigence générale s’inscrit dans la continuité des nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG)[20] qui contiennent tous une « clause environnementale générale ».

 

Les acheteurs pourront utilement s’appuyer sur les exemples d’objectifs environnementaux listés par les CCAG pour rédiger leurs clauses, comme la réduction des prélèvements des ressources, le recyclage ou les économies d’énergie.

 

 

Préparer l’avenir : les outils de suivi et de programmation en matière environnementale

A compter du 1er janvier 2023, les schémas de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER) devront intégrer une dimension sociale et environnementale et des objectifs précis.[21]

Si l’objectif est louable, il se heurte à une double limite.

D’abord, le SPASER ne concerne qu’un nombre réduit d’acheteurs ; seuls les acheteurs dont le montant annuel total des achats dépasse les 100 millions d’euros hors taxes sont concernés.

Ensuite, la mise en place de cet outil est laborieuse. Au 31 décembre 2019, seuls 20 % des collectivités soumises à l’adoption d’un SPASER en avait adopté un.

Concernant les concessions, le rapport annuel devra désormais intégrer les mesures mises en œuvre par le concessionnaire pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique[22].

Des objectifs beaucoup plus modestes en matière sociale

 

La loi Climat assigne également aux acheteurs des obligations en matière sociale, dont la valeur contraignante est toutefois à relativiser.

 

Au plus tard en août 2026, les clauses contractuelles des marchés et des concessions devront désormais prendre en compte « des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées »[23].

 

Cette obligation est toutefois doublement à relativiser.

D’abord, elle ne concerne que les contrats dont la valeur dépasse les seuils européens, c’est-à-dire 5 350 000 € HT pour les concessions et les marchés de travaux et 139.000, 214.000 et 428.000 euros HT pour les autres marchés.

Ensuite, la liste des exceptions à cette obligation risque d’atténuer sa valeur contraignante. Ainsi, un acheteur pourra échapper à cette obligation pour des motifs larges, notamment si le marché porte sur une solution immédiatement disponible  ou si cette clause n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché.

 

Alexandre Delavay, avocat à la Cour, Cabinet Lapisardi Avocats

 

[1] Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

[2] Les marchés publics et les concessions de défense ou de sécurité ne sont pas concernées par ces obligations et ne seront pas traités dans le présent article

[3] L.2111-1 code de la commande publique

[4] Article II. 1° et III 1° de la loi – articles L.2111-2 pour les marchés et L.3111-2 pour les concessions

[5] CE, 12 octobre 2013, n°368846

[6] CE, 15 novembre 2017, Commune du Havre, n° 412644

[7] CE, 23 novembre 2011, n°351570

[8] Article 35 II 6° et III 4° de la loi – article L. 2152-7 pour les marchés et L.3124-5 pour les concessions

[9] CJCE, 4 décembre 2003, « EVN et Wienstrom », C-448/01, points 39 à 43 ; CE, 10/06/2020, 431194

[10] CAA Bordeaux, 8 novembre 2016, n° 15BX00313

[11] TA Nice, ord., 20 janvier 2015, n° 1202066

[12] CE, 15 février 2013, n°36392

[13] TA Caen, ord., 31 mai 2013, n°1300854

[14] DAJ Bercy, Fiche explicative Loi Climat, 24 aout 2021

[15] Article 36 de la loi

[16] L225-102-4 code de commerce

[17] Article 35 II 5° et III 6° de la loi – futurs articles L.2141-7-1 pour les marchés et L. 3127-7-1 pour les concessions

[18] OECP, Étude sur les pratiques des acheteurs  en  matière  d’accès des TPE/PME à la commande publique,  d’achats innovants  et d’achats durables, juin 2020, p. 9

[19] Article 35 II 3° et III 2° de la loi – futurs articles L.2111-2 al. 2 pour les marchés et L. 3114-2 pour les concessions

[20] Arrêtés du 30 mars 2021 relatifs aux CCAG-FCS, Travaux, MI, MOE, TIC et PI.

[21] Article 35 II 2° de la loi – article L. 2111-3 du code de la commande publique

[22] Article 35 III 5° de la loi – article L. 3131-5 al.1

[23] Article 35 II 4° et III 3° de la loi – futurs articles L. 2112-2-1 pour les marchés et L. 3114-2-1 pour les concessions

article AFJE legal design

Le Legal Design, vous en avez entendu parler mais vous ne savez pas exactement ce que cela signifie ? ou bien concrètement ce que nous pouvons faire en l’utilisant quotidiennement ?

Nous vous disons tout dans le dernier numéro du JEM – Juriste d’entreprise Magazine ! Et notamment comment nous le pratiquons au quotidien au cabinet.