Marchés publics : le mécanisme de paiement direct du sous-traitant
Voir notre article en format PDF
Avant l’exécution de toutes prestations, le sous-traitant d’un marché public doit avoir été accepté par l’acheteur et avoir été agréé par lui pour ses conditions de paiement (article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance).
Le sous-traitant agréé doit alors respecter une procédure très formalisée pour obtenir le paiement direct des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance.
La procédure du paiement direct du sous-traitant
L’ancien article 116 du Code des marchés publics, aujourd’hui article 136 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016, organise une procédure en trois temps qui peut être résumée de la façon suivante :
Depuis l’ordonnance n°2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique, les titulaires et les sous-traitants admis au paiement direct doivent transmettre leurs factures sous forme électronique sur le portail Chorus pro pour toutes les étapes du schéma.
Cette obligation s’applique aux contrats en cours d’exécution ou conclus postérieurement à compter du 1er janvier 2017, 2018, 2019 ou 2020 selon la taille de l’entreprise (article 3 de l’ordonnance).
Les entreprises devront être vigilantes à l’entrée en vigueur de cette obligation, car l’article 4 du décret n°2016-1478 du 2 novembre 2016, précise que l’utilisation du portail de facturation est exclusive de tout autre mode de transmission. Ainsi, lorsqu’une facture est transmise en dehors du portail de facturation, la personne publique destinataire pourra la rejeter après avoir informé l’émetteur par tout moyen, de l’obligation de la facturation électronique.
Etape 1
Pour pouvoir obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage, le sous-traitant doit d’abord adresser sa demande avec les factures au titulaire du marché par LRAR ou en cas de facture dématérialisée, en éditant la demande de paiement sur le portail Chorus Pro.
A compter de la signature de l’accusé de réception attestant que le titulaire a bien reçu la demande de paiement du sous-traitant (ou selon le cas, à compter du dépôt, par le sous-traitant, de la transmission au titulaire de la demande de paiement sur Chorus) :
-
Le titulaire dispose d’un délai de 15 jours pour accepter ou refuser le paiement demandé par courrier ou sur le portail de facturation ;
-
A défaut de réponse de sa part dans ce délai de 15 jours, le titulaire est réputé avoir tacitement donné son accord.
Si le titulaire manifeste son désaccord, postérieurement à l’expiration de ce délai, il est trop tard. Il sera regardé comme ayant accepté définitivement les demandes de paiement (CAA Paris, 8 octobre 2015, n°14PA01272 ; CAA Douai, 3 avril 2014, n°12DA01302).
Etape 2
Ensuite, le sous-traitant doit transmettre sa demande au maître d’ouvrage par LRAR ou via le portail Chorus Pro.
Cette demande doit parvenir au maître d’ouvrage en temps utile, ce qui est le cas lorsque le décompte général et définitif n’est pas encore établi (CE, 21 février 2011, n°318364 ; CE, 23 octobre 2017, n°410235).
Sur le portail Chorus Pro, si le titulaire ne s’est pas manifesté dans le délai de 15 jours précédemment évoqué, la demande de paiement est automatiquement transmise au maître d’ouvrage sous 15 jours avec mention de l’absence de validation par le titulaire.
Etape 3
Il appartiendra enfin au maître d’ouvrage de traiter la demande de paiement du sous-traitant puis de régler les factures. Ce dernier dispose toutefois d’un droit de regard sur le paiement de ces factures (Voir sur ce point notre article).
Conséquences du non-respect de la procédure
Auparavant, la jurisprudence était partagée quant aux conséquences du non-respect de la procédure de paiement direct.
Parfois le juge sanctionnait le non-respect de la procédure (CAA Versailles, 1er juin 2011, n°09VE01379) et parfois l’inverse (CAA Bordeaux, 2 avril 2013, n°11BX02720).
Mais aujourd’hui les conséquences sont clairement énoncées par le Conseil d’Etat. La méconnaissance par le sous-traitant de la procédure de paiement direct « fait obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir, auprès du maitre d’ouvrage, d’un droit à ce paiement » (CE, 19 avril 2017, n°396174).
Le sous-traitant doit donc veiller à respecter la procédure pour pouvoir prétendre au paiement direct de ses prestations.
Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en Droit Public et Lauriane Tonani, Juriste