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Contrats publics : quelles conséquences en cas de divulgation d’informations sur l’offre d’un concurrent en cours de procédure ?

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C’est la délicate question à laquelle le Conseil d’Etat a répondu le 8 novembre dernier dans l’affaire relative à l’exploitation du service public de transports urbains de personnes à Lille (CE, 8 novembre 2017, société Transdev, n° 412859).

La Métropole européenne de Lille (MEL) a lancé une procédure de passation en vue de l’attribution de cette concession. Après plusieurs réunions et échanges avec les sociétés Transdev et Keolis dans le cadre de la négociation, la MEL a adressé des derniers documents en demandant aux sociétés de remettre une offre finale. Cependant, parmi les éléments communiqués, Transdev a reçu une clé USB contenant des informations relatives à l’offre de Kéolis. Informée par Transdev, la MEL a alors décidé de clore immédiatement la procédure de négociation et d’analyser les dernières offres remises avant la divulgation des informations. La société Kéolis a été choisie par la MEL.

Saisi par Transdev dans le cadre d’un référé précontractuel, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d’annulation de la procédure de passation, décision confirmée par le Conseil d’Etat. La société Transdev pouvait soutenir qu’elle aurait pu améliorer son offre sur un certain nombre de points et que cette impossibilité de déposer une offre finale constituait une violation des règles de mise en concurrence.

Le Conseil  d’Etat commence par rappeler que l’autorité concédante ne peut, en cours de route, modifier les étapes essentielles de la procédure de négociation qu’elle a définies dans le règlement de la consultation. Néanmoins, le Conseil d’Etat admet la régularité de la procédure en cause au regard des circonstances particulières de l’affaire :

  • La modification de la procédure de passation n’est motivée que par la transmission par erreur d’informations relatives à l’offre concurrente ;
  • Cette divulgation était de nature à nuire à la concurrence entre les opérateurs et à porter irrémédiablement atteinte à l’égalité entre les candidats, dans le cadre de la procédure engagée mais également dans l’hypothèse où la procédure de passation aurait dû être recommencée ;
  • La société Transdev disposait des informations nécessaires au dépôt de son offre avant la dernière phase de la négociation, phase finalement annulée (sur ce point l’ordonnance du TA de Lille du 13 juillet 2017 n° 1705199 est particulièrement détaillée).

Aussi regrettable que soit cette erreur, la décision du juge est pragmatique. En effet, on voit mal quelle autre solution aurait pu choisir la MEL.  Relancer une procédure la conduisait à rompre l’égalité entre les candidats en avantageant Transdev, informée des éléments de l’offre de Kéolis. Finalement, une annulation de la procédure aurait conduit à faire une croix sur le projet de concession.

Reste ensuite la question des conséquences sur d’autres procédures de passation, d’une divulgation qui porterait sur des informations couvertes par le secret des affaires…

 

Article rédigé par Me Sophie Lapisardi, avocat associé et spécialiste en droit public