Contentieux : Un an maximum pour attaquer une décision administrative individuelle
Le Conseil d’Etat ajoute une condition quant au délai de recours pour contester une décision administrative individuelle : alors que le code de justice administrative prévoit qu’aucun délai ne court pour attaquer les décisions notifiées sans mention des voies et délais de recours (article R.421-5 du CJA), le Conseil d’Etat enferme le recours contre ces décisions dans un délai « raisonnable » d’un an maximum (CE, 13 juillet 2016, N°387763).
Les faits étaient les suivants : le requérant contestait un arrêté lui concédant une pension de retraite auquel il reprochait l’absence de prise en compte de certains éléments de calcul et ce, 22 ans après sa notification. Il justifiait la recevabilité de son recours par le fait que la notification de cette décision ne contenait aucune indication sur la juridiction compétente pour connaître du recours contentieux.
En application des règles fixées par le code de justice administrative, son recours était effectivement recevable.
En effet, l’article R.421-5 du code de justice administrative précise que « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».
Toutefois, le Conseil d’Etat rejette le recours en ajoutant une nouvelle condition : une décision, bien que notifiée sans mention des voies et délais de recours, ne peut en tout état de cause, pas faire l’objet d’un recours juridictionnel « au-delà d’un délai raisonnable », délai qu’il fixe à un an maximum à compter :
– soit de la notification de la décision ;
– soit de la date à laquelle le requérant en a eu connaissance à défaut d’une telle notification.
Seule exception : ce délai raisonnable n’est toutefois pas opposable au requérant qui se prévaudrait de « circonstances particulières », sans qu’elles soient détaillées.
Cette nouvelle règle qui est justifiée par « la nécessité de ne pas mettre en péril la stabilité des relations juridiques et la bonne administration de la justice », est toutefois source d’une grande insécurité juridique pour les praticiens car elle est rétroactive. Aussi, de nombreux recours à ce jour non définitivement jugés, seront déclarés irrecevables pour ce motif.
Restent deux incertitudes sur la portée de cette règle :
– la combinaison de cette règle avec les recours administratifs (le Conseil d’Etat semble exclure l’application du délai raisonnable dans cette hypothèse) ;
– son application éventuelle aux décisions implicites pour lesquelles un accusé de réception n’a pas été notifié ou n’est pas complet quant aux voies et délais de recours (cf article 112-6 du code des relations entre le public et l’administration). Bien que l’arrêt vise les « décisions expresses », le raisonnement tenu par le Conseil d’Etat pourrait être transposé aux décisions implicites.
Article rédigé par Sophie Lapisardi, avocat associée, spécialiste en droit public et Laure Bouscayrol, stagiaire, M2 professionnel Construction, urbanisme et contrat à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.