Recours contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager : comment justifier de l’intérêt à agir ?

Dans la perspective de limiter les annulations de permis pour favoriser la construction, le Code de l’urbanisme prévoit, depuis 2013, que les requérants doivent justifier que « la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien » (article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme).

Un récent arrêt du Conseil d’Etat vient illustrer la sévérité de cette règle en rappelant que la proximité et la visibilité d’un projet immobilier ne suffisent plus, par eux-mêmes, à caractériser l’intérêt à agir, pas plus que la simple qualité de propriétaire voisin (CE, 10 février 2016, SAS Sifer Promotion, n°387507).

En l’espèce, les requérants s’étaient contentés de se prévaloir de leur qualité de « propriétaire de biens immobiliers voisins directs », sans apporter de précisions complémentaires, alors qu’ils y avaient été invités par le greffe du tribunal administratif. La requête a donc été rejetée.

Déjà, dans une affaire du 10 juin 2015 (Conseil d’Etat, 10 juin 2015, Société Eleclink,n°386121), le Conseil d’Etat jugeait que le fait qu’un projet immobilier puisse être visible ne suffisait pas, par lui-même, à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des biens du requérant.

Prudence donc pour la justification de l’intérêt à agir, l’insuffisance d’éléments précis et étayés (par exemple, une vue directe sur un jardin, des difficultés de circulation liées à l’importance de la construction envisagée…), pouvant couper court à toute demande d’annulation.

Il sera cependant rappelé que les dispositions de l’article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme ne concernent pas les associations, l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements. Les déclarations préalables ne sont pas non plus visées, de sorte que la jurisprudence antérieure concernant la notion de « voisinage » continue de s’appliquer.

Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour et Mickaël Laurent, stagiaire (Master 2 Droit public des affaires)