COVID-19 et marchés publics : quelles conséquences sur les procédures de passation en cours ?
Les mesures exceptionnelles prises en raison du COVID-19 ont de multiples conséquences sur les procédures de passation en cours. Cette situation inédite nécessite de prendre des mesures particulières du côté de l’acheteur :
- Il est possible de reporter les délais de remise des candidatures et des offres
Le délai de remise des candidatures et des offres est la date et l’heure maximale imparties aux candidats pour déposer leurs candidatures et leurs offres. A défaut de respecter ce délai, l’offre ou la candidature est irrecevable.
Les acheteurs doivent le fixer en tenant compte (R.2143-1, R.2143-2, R.2151-1 et R.2151-3 du Code de la commande publique) :
- De la complexité du marché ;
- du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour répondre ;
- Ainsi que de l’existence d’une visite des sites ou de la consultation de documents sur place.
Le code prévoit deux cas dans lesquels le délai de remise des offres doit obligatoirement être prolongé (R.2151-4 du CCP) :
- Lorsque les documents de la consultation sont modifiés de façon importante ;
- Ou lorsqu’un complément d’informations, nécessaire à l’élaboration de l’offre, demandé en temps utile par l’opérateur économique, n’est pas fourni dans les délais par l’acheteur.
Ces hypothèses ne concernent pas directement l’hypothèse actuelle.
Toutefois, l’acheteur peut toujours prolonger les délais de remise des candidatures et des offres pour d’autres raisons. Par exemple, une prolongation 20 minutes a été admise en raison de problèmes techniques sur la plateforme de dématérialisation (CAA de NANTES, 22/12/2017, 16NT01413).
Aussi, dans la situation actuelle, l’acheteur n’est pas tenu de prolonger les délais mais il peut le faire.
En effet, les mesures exceptionnelles prises en raison du COVID-19 peuvent justifier que les acheteurs prolongent les délais de remise des candidatures et des offres car les entreprises n’ont pas nécessairement eu le temps ou ne peuvent pas matériellement répondre dans les délais impartis (désorganisation des services, manque de personnel, remise d’échantillons impossible etc).
Il faut néanmoins respecter certaines conditions :
- Publier un avis rectificatif et informer tous les opérateurs économiques qui ont téléchargé les documents de la consultation du nouveau délai ;
- Modifier les documents de la consultation et notamment le règlement de la consultation pour indiquer ce nouveau délai ;
- Modifier tous les délais contractuels susceptibles d’être impactés par ce report (date de début d’exécution des prestations, date de fin du marché public, les éventuels phasages de travaux etc).
Et que faire si les opérateurs économiques ont déjà déposé une offre avant le report de délai ?
Dans ce cas, les opérateurs économiques pourront bénéficier du report du délai pour améliorer leur offre et en déposer une nouvelle. Seule la dernière offre déposée sera examinée par l’acheteur (article R2151-6 du CCP).
- Il est possible de reporter le délai de validité des offres
Les documents de la consultation fixent un délai de validité des offres. Il s’agit de la date limite jusqu’à laquelle une entreprise est liée par son offre.
Il est possible que le délai de validité des offres expire pendant le confinement ou peu de temps après ce qui ne laissera pas le temps aux acheteurs de les étudier et de se prononcer.
Aussi, pour éviter de devoir relancer une procédure de passation, il est possible, dès à présent, de demander aux opérateurs économiques de prolonger le délai de validité de leurs offres. Toutefois pour en bénéficier, plusieurs conditions doivent être remplies afin de respecter le principe d’égalité de traitement :
- Il faut faire une demande expresse à tous les opérateurs économiques qui ont déposé une offre avant la fin de la validité de leurs offres (CAA Marseille, 15 juin 2009, n° 07MA00581).
- L’ensemble des opérateurs économiques doit avoir donné son accord sur cette prolongation (CE, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 24/06/2011, 347889).
Si un candidat ne donne pas son accord :
- il ne peut pas être exclu sauf si les documents de la consultation le prévoyaient expressément (CJUE, 6ème chambre, ordonnance, 13 juillet 2017 affaire C‑35/17).
- L’acheteur devra donc attribuer le marché avant la fin du délai de validité des offres ;
- Et, si cela n’est pas possible, il devra déclarer sans suite la procédure.
- comme nous ne connaissons pas la date de la fin du confinement, les acheteurs pourront indiquer que le délai est prolongé à X jours à compter de la fin de la période de confinement.
Les acheteurs doivent également faire preuve de bon sens. La durée de prolongation de la validité des offres ne doit pas être excessive pour éviter par exemple des modifications importantes dans la situation des entreprises ou que l’offre ne soit plus économiquement viable pour l’entreprise.
- Il faut aménager les conditions de visite des sites et de consultation de documents sur place
Certains marchés prévoient des visites obligatoires de site ou des consultations de documents sous peine ou non d’irrégularité de l’offre. C’est le cas notamment des marchés de nettoyage où il est essentiel que les candidats connaissent le nombre et les caractéristiques des vitres, le type de sols etc…
Des visites sur site ont pu être programmées de manière groupée ou individuellement pendant la période de confinement. Elles ne peuvent donc matériellement pas être réalisées. L’acheteur doit alors agir :
- Si une visite groupée est prévue, l’acheteur devra alors modifier les documents de la consultation pour fixer une autre date.
- Si des visites individuelles ont été programmées, l’acheteur devra décaler ces dates avec les opérateurs économiques.
- Les acheteurs devront également modifier la date limite de remise des offres pour tenir compte du report des visites obligatoires sur site. Ils doivent veiller à laisser un délai suffisant entre les nouvelles dates de visites et le nouveau délai de remise des offres pour que les opérateurs économiques puissent préparer leur offre.
- Il sera possible de poursuivre la négociation ou le dialogue sous certaines conditions
Les mesures prises en raison du Covid-19 posent également des questions sur la tenue des négociations ou des dialogues qui sont en cours ou programmés.
Dans la mesure du possible, il faut privilégier les moyens de communication à distance :
- Le téléphone ou les visioconférence (utile si des éléments doivent être montrés). Dans ce cas, il faut retracer tous les échanges afin de respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats.
- Le mail. Dans ce cas, il faut absolument échanger avec les opérateurs économiques via la plateforme de dématérialisation.
Et si la tenue des négociations est impossible dans ces conditions, il est préférable de demander aux candidats d’accepter un report de validité de leurs offres (cf. point II ci-dessus) ou de déclarer sans suite la procédure.
- L’acheteur peut également déclarer sans suite la procédure
Les différentes mesures précitées ne pourront pas toujours être mises en place. Par exemple, par manque de personnel au sein des services achats ou en raison de délais trop courts.
Dans ce cas, il est préférable pour l’acheteur de déclarer sans suite la procédure :
- Elle peut se faire à tout moment de la procédure (2185-1 du CCP).
- Et l’acheteur devra impérativement communiquer aux opérateurs économiques qui ont participé à la procédure les motifs de cette décision. Ici il faudra expliquer qu’il est impossible d’assurer la poursuite de la procédure de passation en raison des mesures prises pour lutter contre le COVID-19 (2185-2 du CCP).
Une nouvelle procédure devra alors être lancée à la fin des mesures de confinement imposées par l’Etat. Et, en cas d’urgence, un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pourra être conclu.