Refus illégal d’une autorisation d’urbanisme : quelles possibilités d’indemnisation ?

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En cas de refus illégal d’une autorisation d’urbanisme, même une victoire contentieuse semble parfois peu satisfaisante aux porteurs de projets qui peuvent se trouver privés de la possibilité de réaliser leur opération (perte des acquéreurs le temps du procès, vente du terrain à un autre acheteur…) – et ce, alors même qu’ils ont déjà engagé des frais conséquents. Dans cette hypothèse, il peut alors être tentant de se retourner contre la Commune à l’origine du refus illégal.

Quelles sont alors les chances de succès ?

En matière de responsabilité, il convient de caractériser une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

 

La faute : en principe, un refus illégal d’autorisation d’urbanisme engage la responsabilité de son auteur

Le principe est constant en droit public : toute illégalité commise par une personne publique (Commune, Préfecture…) constitue une faute pouvant engager la responsabilité de son auteur.

En matière d’urbanisme, le Conseil d’Etat a rappelé ce principe concernant un refus illégal de permis de construire dans une décision de 2016 (CE, 15 avril 2016, n°371274).

La Haute Juridiction en fait également application dans une décision récente concernant une décision illégale d’opposition à une déclaration préalable de lotissement (CE, 12 juillet 2017, n°394941).

 

Le lien de causalité : l’illégalité commise doit être directement à l’origine de la non-réalisation du projet

La décision du 12 juillet 2017 citée ci-dessus permet de détailler la jurisprudence antérieure sur la manière dont le juge va apprécier le lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqués. Ainsi, il convient de distinguer deux types de cas :

1°) Lorsque l’administration aurait pu refuser l’autorisation sur un fondement légal, le Conseil d’Etat estime qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la faute et le préjudice. Par exemple, il pourrait s’agir du cas où un refus de permis de construire est annulé pour un vice de forme, alors que le Maire aurait pu le refuser légalement car le terrain était inconstructible. L’action indemnitaire sera alors rejetée.

2°) Dans les autres cas, le Conseil d’état considère que :

      • Par principe, le manque à gagner résultant de l’impossibilité de réaliser l’opération revêt un caractère éventuel et n’ouvre donc pas droit à réparation ;
      • Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, tels que les engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l’état avancé des négociations commerciales.

 

 

En résumé, pour qu’une action indemnitaire contre un refus illégal d’autorisation d’urbanisme puisse prospérer il faut :

  • S’assurer que le permis ou la déclaration préalable ne pouvait pas être refusé pour un motif légal ;
  • Démontrer des « circonstances particulières » permettant de faire reconnaitre que le lien entre le refus et le préjudice résultant de la non-réalisation de l’opération est certain. Par exemple, il pourra s’agir de produire une promesse de vente signée. Il est à noter que la démonstration sera plus complexe à apporter concernant les opérations d’aménagement et pas seulement de construction. En effet, la vente d’un lot à construire est souvent subordonnée à l’obtention d’un permis de construire purgé, élément qui conduit le juge a regarder la réalisation de la vente du lot comme éventuelle (donc : pas de droit à indemnisation) (Cf. décision du 12 juillet 2017 précitée).

 

Quels sont les préjudices indemnisables ?

Si toutes les conditions sont réunies, les porteurs de projets peuvent obtenir l’indemnisation de l’intégralité de leur préjudice et notamment de leur manque à gagner ou de leur perte de bénéfice. Il conviendra de communiquer au Tribunal des éléments précis sur les modalités de calcul de ce préjudice, par exemple via une attestation d’un expert-comptable, accompagnée des pièces justificatives.

 

Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour