Recours contre un permis de construire : l’intérêt à agir du voisin immédiat

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L’intérêt à agir d’un requérant constitue une condition de recevabilité de son recours. En d’autres termes, même si les moyens de fond invoqués contre un permis de construire sont pertinents, le recours sera rejeté si le requérant ne démontre pas que ce permis lui préjudice de manière suffisamment certaine.

Or, dans l’optique de limiter les recours contentieux et de faciliter les projets de construction, les textes et la jurisprudence récentes ont clairement durci les conditions permettant de reconnaître l’intérêt à agir du requérant contestant une autorisation d’urbanisme.

Le requérant doit ainsi démontrer que le projet attaqué est de nature à affecter directement les conditions d’occupation du bien qu’il détient ou occupe régulièrement ou pour lequel il bénéficie d’une promesse de vente ou de bail (article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme).

 

L’application de ces dispositions est assouplie par le juge lorsque le requérant est voisin immédiat du projet attaqué.

Ainsi, l’intérêt à agir du voisin immédiat est reconnu par principe « lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction » (CE, 13 avril 2016, Bartolomei, n°389798) (Sur ce point, voir notre  précédent article).

Le requérant qui n’est pas voisin immédiat ne bénéficie pas de cette présomption d’intérêt à agir et devra produire des documents faisant apparaître clairement en quoi les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d’être directement affectées par le projet litigieux « (CE, 10 février 2016, SAS Sifer Promotion, n°387507).

Comment définir qui est « voisin immédiat » de la construction projetée ?

De manière générale, le voisin immédiat, au sens de la jurisprudence administrative, peut être défini comme le propriétaire ou l’occupant d’une habitation située à quelques mètres de la construction projetée, sur une parcelle jouxtant celle du projet.

La distance entre la propriété du requérant et le projet attaqué est donc un élément fondamental.

Ainsi, démontre sa qualité de voisin immédiat le requérant :

En revanche, une distance de 700 mètres entre l’habitation du requérant et le projet ne permet pas de le qualifier de voisin immédiat (CE, 10 juin 2015, n°386121).

 

Concrètement, quelles pièces devra produire le requérant « voisin immédiat » pour justifier son intérêt à agir ?

Le Juge s’appuie sur un ensemble de preuves, propre à chaque affaire.

Par exemple, la preuve de l’intérêt à agir peut être rapportée par la production de:  la copie de la demande de permis, du permis délivré ainsi que d’un plan indiquant l’implantation des constructions envisagées, un acte de notoriété, une facture d’électricité établissant la qualité de propriétaire voisin et un extrait de plan cadastral faisant apparaître la localisation du terrain d’assiette du projet par rapport à la parcelle du demandeur ainsi que la proximité avec la voie d’accès au lotissement (CE, 20 juin 2016,n°386932).

Un constat d’huissier et des attestations de témoins peuvent également démontrer des nuisances (CAA Nancy, 9 mars 2017, n°16NC00139).

Le requérant peut aussi produire « divers clichés photographiques », pris depuis sa propriété, « attestant d’une vue directe sur la construction projetée » (CE, 17 mars 2017, n°396362).

Le juge administratif s’avère ainsi pragmatique : même s’il peut se montrer sévère dans son appréciation, il accepte une large palette de pièces permettant au requérant de démontrer son intérêt à agir. Restera au requérant à lui fournir assez d’éléments pour passer le filtre de la recevabilité de son recours.

 

Article rédigé par Agnès Boudin, Avocat à la Cour